Une indignation parentale galvanisée
Réunis en assemblée générale extraordinaire à Brazzaville, les responsables nationaux de l’Association des parents d’élèves et étudiants du Congo ont endossé, le temps d’un huis clos, le rôle de gardiens vigilants de la morale scolaire. Dans un communiqué final empreint de gravité, l’APEEC qualifie de « cancer social » l’essor présumé d’actes pédophiles et d’arnaques financières touchant les familles. Cette posture s’enracine dans une conviction simple : la responsabilité parentale ne saurait se dissocier de la responsabilité citoyenne. Le président Christian Grégoire Epouma, à la fois voix de l’organisation et secrétaire général de la Fédération africaine des parents d’élèves (FAPE), dit redouter que, sans riposte collective, « l’école ne devienne le théâtre d’une insécurité morale permanente ».
Le cas cité d’Anide Orens Mbatchi, enseignant de sciences de la vie et de la terre accusé d’abus sur un élève de quinze ans, concentre l’attention. La violence symbolique d’une agression intra-muros résonne d’autant plus fort qu’elle remet en question l’idée même de l’enceinte éducative comme sanctuaire. Dans le même temps, la découverte de frais d’inscription indûment encaissés dans plusieurs établissements privés nourrit une colère pragmatique : la confiance contractuelle entre familles et écoles se fissure lorsque la scolarité devient l’objet d’une spéculation frauduleuse.
Le cadre légal congolais : un arsenal à conforter
Les parents estiment disposer d’un cadre juridique pertinent, mais insuffisamment appliqué. L’arrêté n°3949 du 26 mai 2017 érige déjà la fraude scolaire en infraction pénale ; le décret 96-221 du 13 mai 1996 balise l’exercice privé de l’enseignement. Pourtant, les procédures demeurent parfois timorées. Vu du terrain, l’enjeu ne se limite pas à la promulgation de nouveaux textes, il concerne surtout leur operationalisation. Dans la pratique, la suspension d’un agrément ou la fermeture administrative d’un établissement privé impliquent une coordination méticuleuse entre autorités éducatives, justice et forces de sécurité.
Interrogé à ce sujet, un magistrat près le tribunal de grande instance de Brazzaville rappelle que « la protection de l’enfance figure parmi les priorités constantes des politiques publiques, mais la célérité procédurale reste tributaire de la qualité des investigations ». Les parents réclament donc le renforcement des brigades spécialisées de la gendarmerie et la création d’unités de référence en psychologie scolaire pour faciliter le recueil de la parole enfantine, souvent entravée par la honte ou par la peur de représailles.
L’appel à la rigueur administrative
En matière de gouvernance, l’APEEC recommande l’édiction d’un décret spécifique consacré à la gestion financière des établissements privés, inspiré du modèle des Comités de gestion (COGES) du secteur public. L’idée est de soumettre les gestionnaires à une traçabilité budgétaire complète, afin que les frais d’examens versés par les familles soient effectivement transférés auprès des services centraux du ministère en temps voulu. Cette transparence aurait, selon plusieurs économistes de l’éducation, un double effet vertueux : prémunir les élèves contre les désillusions administratives et stabiliser la réputation d’un secteur privé dont la contribution à la scolarisation nationale demeure significative.
Dans les couloirs du ministère de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’alphabétisation, l’on se félicite d’ores et déjà des contrôles inopinés menés depuis la rentrée dernière. Un haut fonctionnaire souligne « l’importance de la synergie entre parents et administration », rappelant que la politique gouvernementale s’articule autour du triptyque : accessibilité, qualité, sécurité.
La dimension psycho-sociale des victimes
Au-delà de la sanction pénale, la prise en charge psychologique de l’enfant abusé devient un impératif catégorique. L’APEEC exige une intervention « psycho-clinique diligente » afin d’éviter que le traumatisme ne se mue en déscolarisation ou en troubles comportementaux chroniques. Des psychologues scolaires rappellent qu’un climat de confiance, combiné à un accompagnement thérapeutique discret, favorise la résilience et limite la stigmatisation. Les sciences sociales, par la voix de plusieurs études africaines, montrent qu’un suivi de six à douze mois réduit de moitié les risques de décrochage scolaire.
Plus largement, les experts insistent sur la nécessité d’un protocole de signalement normalisé, connu de l’ensemble du corps enseignant. En intégrant la prévention des violences sexuelles dans la formation initiale des maîtres, le système éducatif national renforcerait ses capacités de détection précoce, condition sine qua non d’une protection durable.
Vers une veille citoyenne permanente
À l’issue des débats, l’APEEC appelle le gouvernement à maintenir une vigilance « de tous les instants », saluant en parallèle les engagements déjà pris pour sécuriser les établissements scolaires. Cette posture conciliante illustre la volonté de l’association de demeurer partenaire critique mais responsable des autorités publiques. Pour nombre de parents, il ne s’agit pas de stigmatiser l’ensemble du corps enseignant, majoritairement irréprochable, mais de rappeler que la protection de l’enfance constitue un fondement intangible de toute politique éducative.
Les prochaines semaines seront décisives. Si les poursuites aboutissent et si la régulation financière est renforcée, le système congolais pourra afficher un signal fort à la sous-région. La confiance renouvelée entre familles, écoles et autorités renforcerait alors la cohésion sociale que le président Denis Sassou Nguesso appelle régulièrement de ses vœux, dans la continuité des programmes nationaux consacrés à la jeunesse. Au-delà de la condamnation morale, se profile ainsi l’ambition d’une gouvernance éducative exemplaire, apte à prémunir durablement l’école congolaise contre les dérives qui menacent son intégrité.