Permis : un enjeu national
Au Congo-Brazzaville, disposer d’un permis de conduire n’est pas qu’une formalité. Pour des milliers de jeunes, c’est le sésame vers l’emploi et la mobilité. Or, depuis douze mois, la délivrance est à l’arrêt, installant une attente palpable dans tout le pays.
La dernière session remonte au 10 octobre 2024, lorsque la Direction générale des transports terrestres, DGTT, a organisé une épreuve spéciale pour les catégories A et B. Cette tentative de relance, présentée comme pilote, n’a pas encore été suivie d’un calendrier régulier.
Une année sans examens routiers
Depuis cette date, aucune convocation officielle n’a été publiée. Les salles d’examen, autrefois fréquentées chaque semaine, restent fermées. Les instructeurs se contentent de réviser les leçons de code tandis que les pistes d’épreuve pratique demeurent désertes.
La DGTT justifie la pause par le besoin d’« assainir » le circuit et de passer d’un système papier à une plateforme numérique sécurisée. Elle explique que la modernisation doit garantir la fiabilité des résultats et réduire les risques de fraudes.
Cette transition technique mobilise des experts en informatique et les partenaires traditionnels du ministère des Transports. Les essais réalisés en interne portent sur la délivrance de certificats électroniques et la constitution d’une base de données centralisée des candidats.
Les candidats face à l’attente
Dans les quartiers de Brazzaville et de Pointe-Noire, l’impatience grandit. Jean-Baptiste, 24 ans, raconte avoir reporté une opportunité d’emploi de chauffeur. « Sans permis, je ne peux même pas déposer mon dossier », confie-t-il, désabusé mais encore confiant dans les annonces officielles.
Pour les auto-écoles agréées, l’enjeu est également financier. Certaines structures enregistrent une baisse d’inscriptions de près de 40 %. Les directeurs redoutent des fermetures s’ils ne reçoivent pas rapidement de nouvelles dates d’examens.
Les fédérations du secteur réaffirment néanmoins leur soutien à la modernisation. « Un examen numérique crédibilisera notre profession », souligne un responsable d’auto-école, estimant que la pause actuelle doit déboucher sur un dispositif plus fiable.
Objectif dématérialisation
Le projet de la DGTT repose sur un triptyque : inscription en ligne, épreuve théorique sur tablette et délivrance instantanée d’un certificat sécurisé. Les candidats seront identifiés par un code unique relié à leur dossier civil, limitant ainsi les doublons.
Cette démarche s’inscrit dans le programme gouvernemental de digitalisation des services publics, déjà amorcé dans les secteurs de l’état civil et des impôts. L’interopérabilité des bases de données est présentée comme un atout majeur pour simplifier la vie des citoyens.
Des tests internes auraient confirmé la réduction des délais de traitement administratifs de plusieurs semaines à quelques jours. Les développeurs peaufinent actuellement l’interface afin de la rendre accessible même dans les départements les moins connectés.
Impact social et économique
La suspension prolongée a naturellement des répercussions sur la vie quotidienne. Des projets personnels, comme la création de petits services de livraison, ont été gelés. Certains jeunes recourent à des emplois informels faute de permis, avec les risques routiers que cela comporte.
Le secteur privé observe également un manque de chauffeurs qualifiés. Plusieurs compagnies de transport urbain confient être contraintes d’allonger les horaires de leurs conducteurs actuels pour maintenir la fréquence des lignes.
Toutefois, analystes et entrepreneurs estiment que la modernisation compensera rapidement ces pertes. Un permis authentifié numériquement faciliterait la mobilité professionnelle sous-régionale, notamment dans la CEMAC, en raison d’une meilleure reconnaissance inter-États.
Feuille de route de la DGTT
Interrogée, la DGTT évoque trois étapes. La première consiste à finaliser la plate-forme numérique et à la tester auprès d’un échantillon restreint de candidats. La seconde prévoit la formation des examinateurs au nouvel outil digital.
La troisième étape portera sur la diffusion du calendrier national. Les villes de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie et Owando seraient prioritaires. La DGTT indique qu’elle publiera les informations « en temps réel » sur son site et via les radios communautaires, afin d’éviter le moindre doute.
Les autorités rappellent que seules les auto-écoles agréées peuvent inscrire les candidats pour garantir l’authenticité des dossiers. Un dispositif de contrôle inopiné est aussi annoncé pour s’assurer du respect des standards pédagogiques.
Perspectives pour les auto-écoles
Pour accompagner la transition, le ministère envisage des sessions de recyclage destinées aux formateurs. Les établissements bénéficieront d’un accès à la plate-forme afin d’enregistrer les heures de conduite et de suivre les statistiques de réussite.
Cette mutualisation des données permettra, selon les responsables, d’identifier les difficultés récurrentes et de proposer des ajustements pédagogiques ciblés. Les directeurs d’auto-école y voient l’occasion de renforcer leur crédibilité auprès des parents et des employeurs.
En attendant la reprise, plusieurs écoles proposent des stages intensifs de perfectionnement. Ils espèrent ainsi que leurs élèves seront prêts dès l’ouverture des sessions officielles, pour que la pause actuelle se transforme en avantage stratégique.