Prolégomènes de la décentralisation participative
Sous la grande coupole d’un hôtel brazzavillois, le 11 juillet 2025, une trentaine d’élus, de cadres administratifs et de militants associatifs ont croisé leurs diagnostics au sujet de la planification territoriale. L’atelier, piloté par le Centre d’actions pour le développement sous la houlette de son directeur exécutif Trésor Nzila, s’insère dans un projet bivalent : outiller les conseils municipaux et départementaux et, dans le même mouvement, convertir les citoyens en coproducteurs de la décision publique.
Financé par le Fonds des Nations pour la démocratie, le programme épouse la temporalité 2023-2025, intervenant comme un laboratoire grandeur nature pour la réforme de la décentralisation engagée depuis plusieurs années par les autorités congolaises. Celles-ci ont fait du développement endogène un pilier de leur stratégie, cherchant à conjuguer stabilité macroéconomique et équité territoriale.
Les ressorts institutionnels d’un dialogue ascendant
Au cœur des échanges, une problématique récurrente : l’approche sommet-base, trop souvent prédominante, tend à éluder les spécificités sociologiques des quartiers, villages et districts. Pour Guerschom Gobouang, responsable du programme Campagne et plaidoyer du CAD, « lorsque la communauté ne reconnaît pas son empreinte dans un plan, celui-ci demeure lettre morte ».
Les praticiens de terrain en conviennent : une gouvernance ancrée dans la réalité quotidienne passe par la collecte systématique des cahiers de doléances, l’objectivation des besoins et la priorisation consensuelle des actions. Cette logique ascendante rejoint l’esprit de la Constitution qui confère aux collectivités un pouvoir réglementaire dans leurs domaines de compétence, pouvoir encore perfectible mais déjà mobilisé pour la voirie, la petite hydraulique ou la promotion de l’économie locale.
Capacitation des élus : vers une ingénierie locale adaptée
La formation dispensée a mis l’accent sur la chaîne complète de la planification : diagnostic participatif, formulation d’objectifs mesurables, budgétisation sensible au genre et indicateurs d’évaluation. Si ces notions circulent dans les manuels internationaux, leur appropriation par les exécutifs locaux demeure un défi, en particulier dans les zones à faible densité de ressources humaines qualifiées.
La méthodologie proposée rappelle que la bonne gouvernance n’est pas un slogan mais une technique. À titre d’exemple, l’élaboration d’un plan de développement dans un district forestier diffère de celle d’une commune périurbaine du Pool. D’où la nécessité, soulignée par plusieurs maires présents, de disposer d’un référentiel flexible intégrant tant la sécurité foncière que la préservation environnementale, domaine où le Congo-Brazzaville affiche déjà un volontarisme reconnu dans les négociations climatiques.
Socle financier et partenarial : catalyseurs incontournables
La faisabilité d’un plan repose sur un triptyque : mobilisation de la fiscalité locale, transferts de l’État et partenariats avec les bailleurs. Les représentants du ministère de l’Économie, invités à partager les dernières orientations budgétaires, ont rappelé que la loi de finances 2025 prévoit une hausse progressive de la dotation globale de décentralisation. Cette évolution, saluée par les élus, doit toutefois s’accompagner d’une gestion rigoureuse, sous peine d’éroder la confiance des partenaires internationaux.
Le CAD a, de son côté, suggéré la création de « cellules de veille citoyenne » chargées de suivre l’exécution physique et financière des projets. Une telle innovation irriguerait la transparence et conforterait la stabilité institutionnelle, paramètre scruté de près par les investisseurs.
Regards prospectifs sur l’ancrage territorial
Avant de clore la journée, les participants ont formulé une série de recommandations destinées aux autorités nationales : consolider l’autonomie fiscale des communes, actualiser le cadre légal de la participation citoyenne et renforcer le maillage statistique pour éclairer la prise de décision. Ces pistes convergent vers un objectif unique : transformer l’acte de planifier en un exercice partagé, lisible et évalué.
En filigrane, l’atelier de Brazzaville rappelle que la décentralisation n’est pas seulement un principe, c’est une dynamique. Sa réussite repose sur la conjugaison d’une volonté politique constante, d’une expertise technique adaptée et d’un engagement citoyen sans cesse renouvelé. À ce titre, la session de juillet 2025 marque une étape significative, illustrant la capacité du Congo-Brazzaville à inscrire ses ambitions locales dans un horizon à la fois national et international.