Un chantier stratégique pour les PME congolaises
En dévoilant à Brazzaville l’élaboration des politiques nationales dédiées aux petites et moyennes entreprises et à l’artisanat, les autorités congolaises ont lancé un chantier majeur pour convertir le potentiel entrepreneurial du pays en moteur structurant de croissance inclusive.
Sous l’impulsion de la ministre Jacqueline Lydia Mikolo, ce processus, mené avec l’appui du Programme des Nations unies pour le développement, ambitionne d’installer un cadre propice à l’émergence de PME compétitives, capables de créer des emplois durables et de diversifier les revenus de l’État.
La démarche s’inscrit dans la stratégie gouvernementale de diversification économique, alignée sur le Plan national de développement 2022-2026, et vise à réduire la dépendance aux hydrocarbures tout en consolidant la résilience sociale face aux chocs extérieurs.
Un processus participatif salué
Selon le ministère, les PME représentent déjà près de 90 % du tissu productif congolais, mais leur contribution au PIB demeure encore en dessous de leur potentiel, faute d’encadrement, de financement adapté et d’accès régulier aux marchés publics et privés.
Devant un parterre d’entrepreneurs, d’experts et de représentants de collectivités, Jacqueline Lydia Mikolo a assuré que la rédaction du document stratégique serait ouverte, transparente et inclusive, chaque acteur pouvant formuler ses attentes durant les ateliers prévus dans les douze départements.
Renforcer l’accès au financement
La représentante résidente du PNUD, Adama Diallo, a salué un « moment charnière », rappelant que la coopération internationale reste un levier pour renforcer les capacités techniques, méthodologiques et statistiques nécessaires au suivi rigoureux des futures politiques.
Parmi les priorités dégagées, l’accès à des lignes de crédit flexibles figure en tête. Le gouvernement entend négocier avec les banques commerciales et la Banque postale pour abaisser les taux d’intérêt, prolonger les délais de grâce et déployer des garanties partielles de l’État.
Innovation et digitalisation au cœur du projet
Une étude conjointe ministère-PNUD a montré que huit PME sur dix financent leur démarrage sur fonds propres, ce qui limite la taille initiale des projets et freine leur industrialisation, notamment dans l’agro-transformation et les services numériques emergents.
Le draft provisoire réserve un chapitre entier au numérique. Il prévoit la généralisation des incubateurs, la mise à niveau des plateformes de paiement et des formations certifiantes pour favoriser l’adoption des outils digitaux par les artisans et les très petites entreprises.
Intégrer pleinement l’artisanat formel
« Nous devons passer du téléphone intelligent à l’entreprise intelligente », résume le consultant en innovation Cédric Makosso, pour qui la data et l’automatisation constituent des voies rapides vers la compétitivité sous-régionale, à condition que la connectivité haute vitesse devienne abordable.
L’administration veut recenser, enregistrer et accompagner les artisans afin de les faire basculer dans le secteur formel, élargissant ainsi l’assiette fiscale et facilitant leur accès à la protection sociale et aux marchés de la Zone de libre-échange continentale africaine.
Cap sur les marchés régionaux
La construction du futur Village de l’artisanat, cofinancée par l’État et le PNUD, offrira des ateliers partagés, des espaces d’exposition, un laboratoire qualité et un centre de formation continue, condition indispensable pour standardiser la production locale et pénétrer les marchés extérieurs.
En perspective de l’entrée en vigueur complète de la Zlecaf, les nouvelles politiques entendent soutenir la certification des produits, la veille commerciale et la participation aux foires régionales, afin de positionner les entreprises congolaises sur des chaînes de valeur élargies.
Témoignages du terrain
Le secrétariat permanent de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, basé à Libreville, a déjà signalé son intérêt pour harmoniser les normes et faciliter la circulation des biens répondant aux standards sanitaires et phytosanitaires exigés par les partenaires.
À Talangaï, Mireille Tchikaya, promotrice d’une start-up de confitures bio, voit dans la future stratégie « une occasion d’accéder enfin à des frigos solaires subventionnés et d’exporter vers Kinshasa ». Elle espère surtout bénéficier de formations sur le packaging bilingue.
Vers un écosystème durable
Dans le nord, l’artisan menuisier Florent Nganga insiste sur la nécessité de microcrédits rapides : « Une commande institutionnelle ne doit plus attendre cinq mois faute de trésorerie ». Pour lui, le dialogue annoncé est un premier pas apprécié et porteur d’espoir.
Les premiers ateliers techniques sont programmés pour juillet et devront aboutir à une feuille de route budgétée, assortie d’indicateurs de performance mesurables, afin de garantir le suivi, la reddition de comptes et l’ajustement continu des dispositifs d’appui.
Pour les observateurs, la réussite dépendra de la coordination inter-ministérielle et de la mobilisation de capitaux privés, mais aussi de la capacité des entrepreneurs à saisir les opportunités. Le processus trouve ainsi sa légitimité dans la vision d’une économie congolaise plus inclusive.
À moyen terme, le ministère envisage la création d’un observatoire des PME chargé de collecter des données en temps réel sur l’emploi, les exportations et la productivité, afin d’ajuster les politiques et de nourrir le dialogue public-privé.