Une nouvelle voix poétique à Brazzaville
Publié chez L’Harmattan Congo, Des mots, de l’amour et des larmes installe Césaire Baltazard Obambi parmi les voix intimes qui comptent à Brazzaville. En quarante-huit poèmes, le jeune auteur bâtit une ode lancinante à l’élan amoureux et à ses gouffres.
Le livre est bref, quatre-vingt pages, mais son architecture resserrée concentre émotions et fulgurances. Préfacé par le journaliste culturel Prince Arnie Matoko, l’ouvrage s’inscrit dans la veine de l’écriture de l’intime où la confession sert de porte d’entrée à l’universel.
Dès le titre, le poète confie son ambition: faire des mots un laboratoire affectif capable d’apaiser les failles psychologiques. La poésie devient ainsi, selon la tradition thérapeutique congolaise, un espace de pacification intérieure et de recherche d’harmonie.
Un recueil qui chante la passion
Obambi décline l’amour sous toutes ses phases, de la pulsion à la nostalgie. Les poèmes Aubade, Amour sauvage ou Cœur en hibernation forment une sorte de suite où l’amante, tour à tour présence obsédante et absence abyssale, orchestre la courbe des sensations.
Chez lui, le romantisme n’élude pas la douleur. Le critique Rosin Loemba parle d’un « sadomasochisme » amoureux où l’être aimé devient point culminant d’une existence rêvée. Cette tension donne au texte une dimension charnelle portée par une musicalité discrète.
La référence explicite à Pierre de Ronsard, tant pour Les Amours de Cassandre que pour le Sonnet pour Hélène, replace la voix congolaise dans un dialogue avec l’héritage européen. Obambi assume cette filiation pour mieux réinventer le classicisme par l’oralité bantoue.
La présence assumée de la foi chrétienne
Au cœur du recueil, trois pièces — L’être jaillit, Exauce-moi et Sermon — forment un triptyque spirituel. Le poète, imprégné de catéchèse, y remercie la « divinité céleste » pour sa fidélité, convoquant la prière comme prolongement naturel de la parole poétique.
Cette veine pastorale irrigue une métaphysique de l’espérance. Les vers convoquent souvent l’idée d’un Paradis entrevu, sans dogmatisme, mais avec la conviction que l’écriture reste un acte de gratitude. L’énergie religieuse élargit alors la portée du recueil au-delà de la simple romance.
Poésie et mémoire des lieux
Plusieurs textes sont datés des années 1996 à 1998, et localisés à Okaya ou Louangué. Ce choix documentaire rappelle que la poésie est également un carnet de route. Chaque toponyme joue le rôle de balise dans le long cheminement intime du narrateur.
Le dispositif pèlerin tisse ainsi un lien entre mémoire individuelle et mémoire collective. La mention des villages résonne avec l’expérience de nombreux Congolais contraints aux mobilités intérieures. Obambi montre comment l’exil intérieur nourrit la création en même temps qu’il reterritorialise l’affect.
Un regard sur la guerre
Plusieurs poèmes, sans verser dans le pamphlet, évoquent les ravages de la guerre et leur cortège de deuils. L’auteur privilégie la suggestion, laissant au silence et aux images brisées le soin de dire l’indicible.
Un livre court, une portée durable
Quatre-vingt pages pourraient sembler dérisoires. Pourtant, la densité d’images et la précision lexicale confèrent au recueil une amplitude surprenante. Chaque mot, pesé, participe d’une économie où le souffle prime sur la longueur, héritage direct de l’oralité dans la poésie congolaise contemporaine.
La préface de Prince Arnie Matoko insiste sur ce point: Obambi ne cherche pas la virtuosité mais l’authenticité. Cette trajectoire, précise le journaliste, prolonge l’engagement des aînés comme Tchicaya U Tam’si, tout en revendiquant une subjectivité plus assumée.
Rosin Loemba, critique littéraire à Pointe-Noire, salue pour sa part la capacité de l’auteur à refroidir la rhétorique et à privilégier la sensation. Selon lui, l’ouvrage « enrichit la tradition de la poésie d’amour en République du Congo par un regard à la fois candide et lucide ».
Les premiers échos venus des librairies de Brazzaville confirment cet accueil chaleureux. Le tirage initial, modeste, trouve progressivement son lectorat, notamment auprès des étudiants en lettres et des membres de la diaspora de passage au pays. Un bouche-à-oreille numérique s’organise.
Au fil des partages sur les réseaux, certains enseignants envisagent déjà d’introduire plusieurs textes dans leurs programmes. L’éventualité d’adaptations scéniques, portée par de jeunes collectifs de slam, témoigne de la plasticité d’une œuvre ouverte à d’autres formes d’interprétation.
Au-delà de la douleur, la confiance
En définitive, Des mots, de l’amour et des larmes rappelle que la poésie congolaise continue d’explorer la complexité des sentiments tout en embrassant les réalités collectives. Obambi signe un manifeste de douceur, de foi et de vigilance civique, sans fausse candeur.
Le recueil s’achève sur une invitation à persévérer dans l’amour malgré les cicatrices. Cette injonction, placée en écho à la crise sanitaire récente et aux tensions régionales, résonne comme une exhortation collective à maintenir la confiance en l’avenir du Congo-Brazzaville.
En célébrant la tendresse, la spiritualité et la responsabilité sociale, Césaire Baltazard Obambi propose une poésie de la réconciliation. Ses mots, promis à d’autres lecteurs, s’ajoutent à la dynamique culturelle soutenue par les éditeurs congolais qui misent sur l’émergence de nouvelles plumes.