Une métropole pétrolière placée face à son avenir énergétique
Capitale économique du Congo-Brazzaville, Pointe-Noire vit au rythme des terminaux pétroliers depuis un demi-siècle. Cette dépendance assumée a permis d’ériger la côte atlantique en pôle d’excellence logistique et financier, mais le ralentissement de la production et la volatilité des cours rappellent qu’aucune rente, fût-elle offshore, n’est éternelle. C’est dans ce contexte que la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme (RPDH), soutenue par la mairie, a organisé une table ronde consultative de deux jours consacrée à « l’après-pétrole ». Sous les lambris encore neufs de l’hôtel de ville, fonctionnaires, industriels et acteurs associatifs ont accepté de tourner un instant le regard vers 2030 et au-delà, où l’or noir ne sera plus le baromètre exclusif de la santé économique nationale.
Convergences institutionnelles autour d’un même objectif
Le dialogue, animé par des modérateurs rompus aux forums internationaux sur l’énergie, a d’abord dressé un état des lieux lucide. Selon les services départementaux, le secteur pétrolier contribue encore à près de 80 % des recettes d’exportation, mais il ne représente qu’une fraction déclinante de l’emploi direct. « Notre priorité est de transformer la rente accumulée en ressort de diversification », a résumé un haut responsable du ministère de l’Économie venu de Brazzaville. Cette ligne est pleinement cohérente avec le Plan national de développement 2022-2026, dans lequel le président Denis Sassou Nguesso appelle à « une croissance résiliente, inclusive et durable ». Les administrations de Pointe-Noire et du Kouilou ont confirmé leur volonté d’adosser la transition énergétique locale à ce cadre stratégique national afin d’assurer la cohérence réglementaire et la mobilisation de partenaires techniques.
Rôle catalyseur de la société civile et des bailleurs spécialisés
Le projet « Préparer l’après-pétrole au Congo » (Papco), financé par l’Ong RPA avec l’appui technique d’Energy Transition Fund, illustre un mouvement plus large de coopération triangulaire entre pouvoirs publics, organisations citoyennes et partenaires internationaux. Mme Armelle Bouity, directrice de la RPDH, observe que « la mutation énergétique est souvent perçue comme une contrainte alors qu’elle recèle d’immenses opportunités industrielles et sociales si elle est pensée en amont ». L’assistance a accueilli sans réserve la proposition d’adhésion du Congo à l’initiative Beyond Oil and Gas Alliance, considérée comme un levier diplomatique susceptible d’amplifier l’accès aux financements climatiques tout en préservant la souveraineté décisionnelle de l’État.
Diversifier l’économie sans sacrifier la compétitivité pétrolière
Les débats, souvent techniques mais jamais hermétiques, ont souligné l’intérêt des énergies renouvelables, de l’agro-industrie et de la transformation numérique pour absorber la main-d’œuvre et stabiliser les recettes fiscales. Un représentant de la Chambre de commerce a néanmoins rappelé que « les hydrocarbures demeureront un pilier stratégique au moins jusqu’en 2040, notamment pour financer les infrastructures de demain ». L’équation consiste donc à encourager l’investissement dans le solaire, l’hydrogène vert ou la valorisation du gaz associé, tout en optimisant les hydrocarbures existants afin de ne pas fragiliser la balance des paiements. Cette approche graduelle rejoint les recommandations formulées par la Commission économique pour l’Afrique et s’aligne sur la politique nationale d’industrialisation, qui privilégie la mise en valeur locale des ressources.
Vers une pré-feuille de route concertée et évolutive
Au terme de la rencontre, les participants ont dégagé plusieurs axes prioritaires : renforcement du cadre réglementaire pour les énergies propres, incitations fiscales à la diversification, formation des ressources humaines et implication systématique des collectivités. Le maire de Pointe-Noire, M. Jean-François Kando, a salué « la maturité du dialogue multi-acteurs qui conforte l’image d’un Congo déterminé à conjuguer croissance et responsabilité environnementale ». Un comité ad hoc rédigera sous trois mois une pré-feuille de route qui sera soumise au gouvernement, puis intégrée au prochain cycle de programmation budgétaire. Dans un monde où les investisseurs scrutent la compatibilité carbone des portefeuilles, cette démarche proactive devrait renforcer l’attractivité du pays tout en honorant les engagements climatiques pris à Glasgow et Charm el-Cheikh.
Une diplomatie énergétique qui mise sur la stabilité
En filigrane, la table ronde de Pointe-Noire témoigne d’une valeur rarement mise en avant : la stabilité institutionnelle qu’offre le Congo-Brazzaville au moment de négocier les virages stratégiques. La plupart des experts s’accordent à dire qu’une planification à long terme exige un environnement politique lisible et une cohérence de gouvernance, caractéristiques régulièrement soulignées par les partenaires techniques et financiers. Dès lors, l’après-pétrole ne se conçoit pas comme un saut dans l’inconnu, mais comme une transition méthodique où la diplomatie énergétique consolide la position du Congo sur la scène régionale et internationale.