Un rendez-vous pédagogique à haute valeur symbolique
Le 29 mai, la paroisse Notre-Dame de l’Assomption de Pointe-Noire a fait salle comble. En marge des cours, instituteurs, professeurs et chefs d’établissements ont répondu à l’appel de l’International Office of Catholic Education qui, chaque année, fait du printemps un temps de célébration et de réflexion. L’édition 2024, placée sous la bannière « Vers un pacte éducatif mondial générateur d’espérance », a inscrit la capitale économique congolaise sur la cartographie d’un mouvement qui mobilise aujourd’hui plus de 200 000 établissements confessionnels à travers le globe. L’enjeu, clairement énoncé par les organisateurs, était double : renouveler la compréhension du rôle spécifique de l’école catholique tout en l’articulant aux objectifs de développement partagés par l’État et ses partenaires.
Le contexte congolais de l’éducation confessionnelle
Dans un pays où la démographie scolaire progresse de manière soutenue, les pouvoirs publics encouragent depuis plusieurs années une diversification de l’offre éducative, avec pour boussole la Stratégie nationale de l’éducation 2025. Les établissements catholiques – plus de six cents sur l’ensemble du territoire, selon les dernières données de l’archevêché – constituent un maillon essentiel de cette dynamique. Ils accueillent une population issue de milieux variés, y compris dans les zones périurbaines où l’accès à l’enseignement public peut s’avérer contraint par la géographie ou par la saturation des effectifs. Loin d’être un simple supplément d’âme, leur présence participe à l’objectif gouvernemental d’universalisation de l’éducation de base et à la professionnalisation des filières techniques.
Entre formation formelle et apprentissages informels : l’éclairage salésien
Invité principal, le Père Ghislain Nkiéré, directeur du centre professionnel Don Bosco, a porté le projecteur sur « l’éducation non formelle », définie comme un apprentissage structuré mais hors du cursus classique. Cours d’alphabétisation pour adultes, ateliers de menuiserie ou modules de codage numérique pour adolescents en rupture scolaire : la palette est large. « Il s’agit, a-t-il expliqué, d’outiller les jeunes pour une insertion socioprofessionnelle agile, dans un monde où les compétences se périment aussi vite que les technologies émergent. »
Son propos a résonné avec les priorités du Plan national de développement, lequel encourage la montée en compétences des ressources humaines locales afin de soutenir la diversification économique. Les enseignants présents ont noté la complémentarité entre cursus classiques et dispositifs informels ; selon eux, l’école catholique gagne à se positionner en plateforme où convergent certificats académiques et savoir-faire pratiques.
Non-formel, inclusion et pacte mondial : convergences stratégiques
L’appel du pape François à bâtir un pacte éducatif mondial – dialogue interculturel, promotion de la paix, développement durable – trouve un écho particulier au Congo-Brazzaville, pays qui a inscrit l’inclusion sociale dans ses engagements internationaux. En adoptant l’Objectif de développement durable 4, Brazzaville a placé la qualité de l’éducation au cœur de sa feuille de route. Les acteurs catholiques, sans se substituer aux autorités publiques, se positionnent comme courroie de transmission, capables d’atteindre des publics souvent éloignés des structures formelles. Cette complémentarité, saluée par plusieurs diplomates présents incognito dans l’assistance, illustre la maturité d’un partenariat Église-État fondé sur la subsidiarité plutôt que sur la concurrence.
Une liturgie qui devient laboratoire d’éthique professionnelle
La célébration eucharistique présidée par Mgr Abel Liluala a conféré à la journée une dimension spirituelle, mais aussi pédagogique. Commentant l’Évangile de l’Ascension, l’archevêque a rappelé que « l’école est aussi un champ de mission » et que les enseignants sont appelés à montrer, dans leurs pratiques quotidiennes, que « foi et intelligence, rigueur et charité peuvent aller de pair ». Pour nombre de participants, cette homélie a agi comme un rappel des fondamentaux éthiques de la profession : responsabilité, exigence intellectuelle, sens du service public. Loin d’un discours abstrait, la messe a ainsi servi de creuset où se sont amalgamées conscience professionnelle et engagement spirituel.
Perspectives : consolider les synergies État-Église-société civile
En clôturant la journée, le formateur Elvice Fortuné Fouti a insisté sur la nécessité de « valoriser ce que les écoles catholiques réalisent chaque jour dans la formation des jeunes ». Cette invitation résonne comme un programme : renforcer la transparence des curricula, documenter les impacts sociaux, mutualiser les ressources avec les établissements publics et le secteur privé. Autant de pistes qui s’alignent sur les aspirations nationales à une gouvernance éducative partagée. En misant sur la complémentarité plutôt que sur l’isolement, Pointe-Noire offre un exemple de diplomatie éducative susceptible d’inspirer d’autres diocèses comme d’autres partenaires au développement. L’enjeu, désormais, est de transformer la ferveur d’une journée en un continuum d’actions concertées, afin que l’espérance invoquée dans le thème devienne un horizon tangible pour la jeunesse congolaise.