Coopération sino-congolaise : un partenariat gagnant
In Brazzaville, l’image était symbolique : autour du même dossier, industriels congolais et ingénieurs venus de Hubei ont posé les jalons d’un investissement de 1,5 milliard FCFA. Depuis cinq ans, Sofatt et ses partenaires chinois peaufinent une alliance fondée sur la confiance et la complémentarité.
Les échanges techniques couvrent toute la chaîne, de la stérilisation des jus à la robotisation de l’emballage. « Nous voulons garantir la qualité du produit et la disponibilité des pièces », explique Yao Ming, responsable chinois, insistant sur le transfert méthodologique.
Pour Brazzaville, cette coopération illustre la diplomatie économique prônée par le chef de l’État, décidée à diversifier les partenariats au-delà des hydrocarbures. Les experts y voient un exemple concret de la mise en œuvre du Plan national de développement 2022-2026, axé sur l’industrialisation.
Pointe-Noire, futur hub agro-industriel
Sur le littoral de Pointe-Noire, les installations sortiront de terre. La zone industrielle de Malonda a été retenue pour sa proximité du port, son accès au corridor routier nord et la disponibilité d’une main-d’œuvre jeune.
Le chantier, dont le démarrage est programmé pour fin 2024, mobilisera des entreprises locales de génie civil. Sofatt table sur dix-huit mois de travaux avant la mise en service. L’entreprise promet de privilégier les fournisseurs congolais pour les agrégats et la maintenance courante des équipements.
Selon le directeur départemental de l’Industrie, l’usine générera 150 emplois directs et environ 400 emplois indirects dans le transport, la distribution et l’agriculture contractuelle. Ce potentiel alimente l’espoir de voir se constituer un écosystème régional centré sur la transformation des produits tropicaux.
Transfert de compétences et montée en gamme des savoir-faire
Au-delà du capital, la valeur ajoutée du projet réside dans la formation. Une cohorte de techniciens congolais séjournera en Chine pour maîtriser la calibration des lignes Tetra Pak et les protocoles de contrôle qualité ISO 22000, avant de répliquer ces compétences au sein des ateliers de Sofatt.
Lassina Ouattara insiste : « Nous voulons que la maintenance soit effectuée à 100 % par nos équipes locales d’ici trois ans ». Pour y parvenir, un centre de formation interne sera créé, doté de simulateurs numériques, tandis que des ingénieurs chinois assureront un tutorat progressif.
Pour les économistes, cette stratégie répond à la nécessité de renforcer le capital humain, condition d’une industrialisation durable. Les expériences antérieures ont montré que l’importation de machines sans transfert de savoir-faire crée des dépendances coûteuses. Sofatt entend inverser cette dynamique en misant sur l’apprentissage continu.
Retombées économiques et sociales attendues
À l’échelon macroéconomique, l’arrivée d’une unité de production de jus et de yaourts contribue à réduire la facture des importations alimentaires estimée à 250 milliards FCFA par an. Chaque litre élaboré localement représente un gain de devises et une sécurisation de l’offre.
Sur le terrain, la société prévoit de contractualiser avec des coopératives rurales pour l’approvisionnement en fruits tropicaux. Cette approche devrait accroître les revenus des petits exploitants, renforcer la filière mangue-ananas et encourager la diversification agricole autour des bananes plantain et des goyaves.
Les recrues bénéficieraient d’une couverture sociale conforme au Code du travail et d’un fonds interne de formation continue. L’Institut national de la statistique estime que de tels dispositifs peuvent réduire de 7 % le taux de chômage des jeunes urbains dans les zones industrielles côtières.
Enjeux de souveraineté alimentaire et diversification
La pandémie et les tensions géopolitiques ont rappelé la fragilité des chaînes d’approvisionnement. En internalisant une partie de la transformation, le Congo consolide sa souveraineté alimentaire et s’émancipe des fluctuations de fret maritime qui renchérissent régulièrement les denrées importées.
Le projet s’inscrit aussi dans la stratégie de diversification prônée par les autorités pour réduire la dépendance aux exportations pétrolières. Selon le ministère du Plan, l’agro-industrie pourrait représenter 12 % du PIB en 2030, contre 4 % aujourd’hui, si les investissements annoncés se concrétisent.
Les experts rappellent toutefois que la compétitivité passera par l’énergie à coût maîtrisé et des infrastructures routières fiables. La mise en service prochaine du barrage de Liouesso et l’entretien de la Nationale 1 devraient améliorer l’environnement des affaires, estiment les analystes du Centre d’études économiques de Brazzaville.
Un cadre étatique propice à l’investissement
Reçu au ministère du Développement industriel, le projet Sofatt a obtenu un accord de principe pour bénéficier du guichet unique et des exonérations prévues par la loi portant incitations à l’investissement. « Notre rôle est d’accélérer les démarches afin que l’usine sorte de terre dans les délais », explique Antoine Fylla Saint-Eudes.
Le dispositif inclut une réduction temporaire de TVA sur les intrants et l’accès prioritaire à l’électricité issue du futur poste haute tension de Loango. Les services des douanes ont, de leur côté, promis un appui pour l’importation rapide des lignes de production modulaires.
Observateurs et entrepreneurs s’accordent : si ce modèle partenarial réussit, il pourrait inspirer d’autres secteurs, du textile au bois. L’enjeu, résume un consultant de l’Agence pour la promotion des investissements, est de « faire du Congo une plateforme industrielle ouverte sur l’Afrique centrale ».