Une journée d’immersion au cœur du terminal
Au matin du 28 août 2025, trente-deux lauréats du baccalauréat, accompagnés de leurs encadreurs, ont franchi les grilles du terminal à conteneurs de Pointe-Noire. Pour nombre d’entre eux, c’était la première immersion dans un univers industriel à la fois complexe, stratégique et profondément ancré dans la vie nationale.
Dès l’accueil, une projection détaillée a balayé l’histoire du port, les flux marchands qu’il canalise et l’ambition que porte le projet Môle Est : accroître la capacité d’accostage, fluidifier les opérations et consolider la place du Congo-Brazzaville comme hub régional de confiance.
Les élèves ont ensuite pris place face à Serge Batchi-Bouity, responsable de la planification chez Congo Terminal, pour un échange sans filtre. L’ingénieur a expliqué comment chaque conteneur reçoit un itinéraire, un créneau et une manutention précise grâce à un logiciel développé localement.
Môle Est, un chantier stratégique pour Pointe-Noire
Guidés par des techniciens casqués, les visiteurs ont gagné le quai en cours d’extension. Sur la dalle encore fraîche, le vacarme des marteaux-piqueurs rivalisait avec le ressac, rappelant que la maîtrise du temps et de la mer détermine la réussite de tout aménagement portuaire.
Les ingénieurs de chantier ont présenté les futures grues STS, capables de traiter des porte-conteneurs de dernière génération. À terme, le Môle Est ajoutera 1,2 million d’équivalents vingt pieds par an, soit un saut logistique jugé décisif pour soutenir la diversification économique nationale.
Au-delà de la technique, les responsables ont insisté sur l’impact social. La phase de construction mobilise déjà plus de six cents emplois directs, tandis que les retombées futures se mesureront en nouvelles carrières, chaînes de valeur et recettes fiscales, vecteurs d’une croissance inclusive voulue par les autorités.
Dialogue constructif entre professionnels et futurs étudiants
Devant un auditoire attentif, Batchi-Bouity a raconté son propre parcours : un diplôme d’ingénieur obtenu à Brazzaville, un stage à Abidjan puis un retour au pays pour contribuer au virage portuaire. « Tout commence par la curiosité que vous montrez aujourd’hui », a-t-il résumé.
Les nouveaux bacheliers ne se sont pas fait prier pour questionner les équipes sur la cybersécurité, la maintenance préventive ou encore la gestion des pics de trafic. Cette interaction a confirmé l’appétence d’une jeunesse connectée, prête à s’investir dans des métiers perçus hier comme lointains.
Selon Clémence Ngoma, psychologue de l’orientation invitée pour l’occasion, « l’expérience immersive facilite la projection professionnelle bien plus que de longs discours ». Elle affirme que le contact sensoriel avec les machines, les codes couleur et la langue technique favorise l’appropriation des compétences STEM.
L’orientation post-bac enrichie par la pratique
Parmi les élèves, Beraca Telombila s’est dite confortée dans son choix de la gestion des ressources humaines. En découvrant l’importance du facteur humain sur un site hyper-mécanisé, elle a perçu la transversalité de sa future spécialité et la pertinence de profils hybrides très recherchés.
L’initiateur de la visite, Kimia Events Team, s’appuie sur un constat partagé : les forums classiques d’orientation peinent à captiver des adolescents habitués à l’instantanéité numérique. Offrir la possibilité de toucher l’acier et de lire un plan de chantier réactive l’attention et nourrit l’ambition.
Pour les enseignants accompagnateurs, l’événement ouvre aussi des pistes de collaboration. Des modules de sciences appliquées pourraient être montés en partenariat avec le port, permettant d’adosser les cours de mécanique, de statistiques ou de langues étrangères à des situations réelles observées sur le quai.
Un levier de compétitivité pour le Congo-Brazzaville
Le développement de Pointe-Noire s’inscrit dans la stratégie nationale de transformation des matières premières en produits finis. En réduisant les délais d’embarquement, le Môle Est abaissera le coût logistique des entreprises locales, renforçant ainsi leur compétitivité sur les marchés de la Communauté économique des États d’Afrique centrale.
Plus largement, l’État voit dans ce chantier un instrument de souveraineté. Moderniser les infrastructures maritimes permet de sécuriser les importations stratégiques, d’exporter les excédents agricoles et de soutenir l’intégration régionale, tout en offrant aux jeunes diplômés des perspectives professionnelles alignées sur les besoins nationaux.
Perspectives éducatives et industrielles convergentes
En clôture, les participants ont reçu une invitation à candidater aux futurs stages d’été du terminal. La démarche, saluée par le rectorat de Brazzaville, renforce l’idée qu’une orientation réussie naît souvent de la rencontre entre une ambition individuelle et un projet collectif porteur de sens.
Le Môle Est reste en construction, mais son chantier agit déjà comme un laboratoire d’apprentissage à ciel ouvert. En rendant visible la logistique, il rapproche l’école de l’industrie, nourrit la fierté nationale et illustre la volonté des décideurs de conjuguer capital humain et infrastructures modernes.
Dans les mois à venir, des modules virtuels de suivi du chantier seront mis en ligne, offrant aux lycéens de tout le pays un accès continu aux avancées et aux données clés du projet.
Cette ouverture numérique complète la politique de proximité menée sur le terrain et illustre la modernisation pédagogique engagée par le ministère de l’Éducation, soucieux d’arrimer ses programmes aux secteurs porteurs de l’économie réelle.