Brazzaville au cœur de la mobilisation antipolio
Réunis à Brazzaville pour leur 35ᵉ session, les experts de la Commission régionale africaine de certification pour l’éradication de la polio ont placé la République du Congo au centre des enjeux sanitaires du continent, cinq jours d’analyses intenses derrière eux.
Leur principale conclusion appelle le pays à rédiger sans délai un plan de confinement du poliovirus conforme aux procédures internationales, maillon indispensable avant toute reconnaissance définitive de l’élimination de la maladie.
Des exigences alignées sur les standards mondiaux
La Commission, présidée par le Dr Casimir Manengu, a détaillé un cahier des charges précis : protocoles de biosécurité, inventaires continus des échantillons et formation du personnel. L’objectif est de prémunir les laboratoires contre toute fuite accidentelle du virus, fut-elle minime.
Ces exigences reprennent les normes éditées par l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite, garantissant une harmonisation des pratiques entre tous les États déjà certifiés et ceux qui aspirent à l’être.
Surveillance environnementale renforcée
La Crca suggère par ailleurs de muscler la surveillance environnementale en multipliant les visites de supervision sur les sites où sont recueillies les eaux usées, indicateur sensible de la circulation silencieuse du virus.
Des évaluations périodiques devront suivre afin d’ajuster sans retard les stratégies locales et de maintenir la réactivité des équipes, souvent mises à l’épreuve par les contraintes logistiques des zones rurales.
Traçabilité des échantillons, un impératif
Le suivi des spécimens occupe une place centrale dans les recommandations. La Commission exige un système numérique fiable reliant le bureau de l’OMS à Brazzaville et l’Institut de recherche médicale de Kinshasa pour documenter chaque transfert, de la collecte à la réception.
L’objectif est double : éviter la perte d’échantillons, comme celle récemment signalée de cinq prélèvements, et asseoir la crédibilité scientifique du pays auprès des partenaires techniques.
Intégration des activités polio dans la santé publique
La Crca insiste sur l’intégration des tâches spécifiques à la poliomyélite dans les programmes de santé de routine, afin d’optimiser l’usage des ressources humaines et financières.
Cette approche, déjà encouragée par plusieurs partenaires, doit permettre d’éviter la création de circuits parallèles et de renforcer la durabilité des acquis même après la certification finale.
Couverture vaccinale, enjeu permanent
La Commission rappelle qu’une couverture vaccinale encore incomplète laisse planer le risque de réintroduction du virus, notamment en cas d’importation depuis un État voisin.
Elle recommande donc d’intensifier les campagnes de rattrapage et de surveiller étroitement les fluctuations de la demande afin d’atteindre le seuil permettant l’immunité collective.
Engagement national réaffirmé
Au nom du ministre de la Santé, le professeur Donatien Moukassa a salué les travaux et confirmé que Brazzaville poursuivra une surveillance « de haute qualité » tout en consolidant la vaccination de routine.
Selon lui, les recommandations reçues constituent une feuille de route pragmatique et un appel à la responsabilité, plaçant la transparence au cœur de chaque étape.
Solidarité régionale et hommage aux partenaires
Le représentant de l’OMS au Congo, le Dr Vincent Dossou Sodjinou, a salué le leadership continu des gouvernements d’Afrique centrale et des partenaires de l’Initiative mondiale, soulignant que « l’engagement partagé reste la meilleure garantie d’un continent sans poliomyélite ».
Il a mis l’accent sur la coordination transfrontalière, notamment avec le Tchad et le Soudan, qui partagent des couloirs de mobilité humaine impliquant une vigilance renforcée.
Prochaines étapes pour Brazzaville
Les autorités sanitaires congolaises travailleront désormais à finaliser le plan de confinement, à établir le système numérique de traçabilité et à soumettre un calendrier de mise en œuvre à la Commission dans les meilleurs délais.
Cette dynamique, associée à une mobilisation communautaire constante, doit placer le Congo-Brazzaville sur la voie d’une certification durable, tout en servant de modèle pour les autres États engagés dans la même course contre le poliovirus.
La Commission régionale prévoit une visite de suivi dans douze mois pour évaluer les progrès et ajuster l’appui technique, témoignant d’une démarche continue plutôt que ponctuelle.
Gestion des spécimens perdus
La perte récente de cinq échantillons envoyés à Kinshasa a été décrite par la Commission comme « un rappel sévère » de l’importance d’une chaîne logistique irréprochable.
Les enquêteurs devront reconstituer le parcours des prélèvements et identifier les maillons faibles, qu’il s’agisse du conditionnement, de l’entreposage ou du transport, afin d’éliminer définitivement tout risque futur.
Rôle des communautés locales
Au-delà des institutions, la participation des communautés reste un levier décisif. Des leaders d’opinion sont encouragés à relayer les messages sur la vaccination et sur la déclaration rapide de toute paralysie flasque aiguë observée chez un enfant.
Cette implication citoyenne est considérée par la Crca comme un critère de succès aussi déterminant que la technologie ou le financement, car elle garantit une surveillance de proximité et une adhésion durable aux programmes.
Le professeur Moukassa a d’ailleurs exprimé l’espoir que les conclusions de Brazzaville inspirent des actions concrètes dans chaque pays africain, consolidant ainsi un front uni contre toutes formes de poliovirus.
Cet appel à la solidarité traduit la conviction partagée que la santé publique ne connaît pas de frontières et que la réussite d’un État profite collectivement à la région.
