Hydrocarbures : TotalEnergies reconfigure sa présence
Au Burkina Faso, le réseau de 170 stations-service de la major a changé de mains en septembre, entrant dans le giron du conglomérat d’Idrissa Nassa, figure ascendante de la finance ouest-africaine.
L’opération met fin à cinquante-quatre ans de présence continue de TotalEnergies dans le « Pays des Hommes Intègres », un retrait qui prolonge ceux déjà enregistrés au Mali, en Centrafrique ou en Mauritanie.
La direction de Paris insiste sur un recentrage vers les marchés à fort potentiel et à stabilité réglementaire plus prévisible, tout en reconnaissant la montée d’un discours patriotique dans plusieurs capitales sahéliennes.
TotalEnergies continue cependant de valoriser les hubs historiques d’Afrique centrale, notamment au Congo-Brazzaville, où des programmes d’optimisation logistique et environnementale ont été annoncés de concert avec les autorités.
Mines stratégiques : Orano et Eramet à l’épreuve
Au Niger, la rupture est consommée depuis la nationalisation en 2025 de Somaïr et Cominak, deux filiales qui assuraient jusqu’alors près d’un cinquième des besoins français en uranium.
Orano, présent sur place depuis les années 1970, tente maintenant de sécuriser le projet d’Imouraren par la voie diplomatique, tandis que Niamey explore de nouveaux partenariats, notamment avec Moscou.
Plus au sud, le manganèse gabonais occupe Eramet dans une négociation serrée. Le président Brice Clotaire Oligui Nguema a suspendu l’exportation de minerai brut pour favoriser une industrialisation locale avant 2029.
Le groupe français, via sa filiale Comilog, annonce des investissements complémentaires sur la mine de Moanda, mais doit composer avec des cours mondiaux en baisse et une concurrence chinoise de plus en plus organisée.
Logistique : après Bolloré, une carte portuaire redessinée
La cession, en 2022, des terminaux et concessions ferroviaires de Bolloré Africa Logistics à MSC a clos un siècle de présence continue de l’industriel breton sur les côtes ouest et équatoriales.
Le nouveau propriétaire d’origine italo-suisse explore déjà des synergies avec les corridors miniers d’Angola et de Namibie, laissant en suspens le projet de boucle ferroviaire ouest-africaine jadis porté par Vincent Bolloré.
Ce redéploiement s’accompagne d’une montée en puissance d’acteurs régionaux, tels que les ports ghanéens ou togolais, qui misent sur des partenariats public-privé pour capter le trafic des pays enclavés.
À Pointe-Noire, au Congo-Brazzaville, les autorités ont confirmé la continuité des opérations avec les nouveaux opérateurs, tout en insistant sur l’importance d’un transfert de compétences logistiques vers la main-d’œuvre locale.
Les autorités douanières des pays enclavés, notamment le Burkina Faso et le Niger, analysent de près ces évolutions afin de sécuriser l’accès aux ports et d’éviter les surcoûts logistiques.
Banques : retrait sélectif et émergence d’acteurs africains
Confrontées à des exigences de conformité toujours plus strictes, BNP Paribas et Société Générale ont engagé des ventes d’actifs, mettant en avant un rendement jugé insuffisant au regard des capitaux immobilisés.
En 2022, BNP Paribas s’est retirée du Sénégal et de la Côte d’Ivoire. L’année suivante, Société Générale a annoncé son départ de sept marchés, dont le Congo-Brazzaville et le Cameroun.
La banque française a choisi de céder ses actifs à des investisseurs locaux ou panafricains, à l’image d’Idrissa Nassa, déjà positionné sur les hydrocarbures, qui confirme sa volonté de bâtir un champion régional.
Du côté des régulateurs, la Banque des États de l’Afrique centrale insiste sur la continuité de service et sur la nécessité de renforcer la bancarisation, encore inférieure à 20 % dans plusieurs pays.
Nouveaux équilibres : Paris se tourne vers des partenaires majeurs
Le prochain sommet Afrique-France, programmé pour mai 2026 à Nairobi, se déroulera sur fond de repositionnement stratégique, Paris souhaitant réaffirmer son engagement tout en reconnaissant la diversification naturelle des économies africaines.
La diplomatie économique française mise désormais sur des partenariats plus horizontaux avec l’Angola, le Nigeria, l’Éthiopie ou le Kenya, considérés comme des relais de croissance et des pôles industriels émergents.
Les observateurs notent par ailleurs que le vide laissé par certains groupes européens crée des opportunités pour les conglomérats africains, mais aussi pour la Turquie, l’Inde et les Émirats arabes unis.
Au Congo-Brazzaville, les autorités multiplient déjà les programmes d’incitation destinés aux investisseurs sud-sud, tout en veillant à préserver les partenariats historiques avec la France dans les secteurs pétrolier et forestier.
Cette recomposition graduelle traduit moins un divorce qu’une mutation du rapport de forces, au terme de laquelle la compétitivité, la transparence et l’ancrage local devraient devenir les vrais arbitres des investissements étrangers.
La Chambre de commerce franco-congolaise prévoit, pour sa part, des missions sectorielles visant à identifier de nouvelles niches, de l’agro-industrie aux services numériques en plein essor actuellement.
