Bras-dessus, bras-dessous entre société civile et institutions
Réunis à Brazzaville sous la houlette du Conseil consultatif de la société civile et des organisations non gouvernementales, plusieurs réseaux associatifs, dont la Coordination nationale des réseaux et associations pour la gouvernance démocratique et électorale, ont dressé la feuille de route d’un triennium placé sous le signe de la concorde politique. L’objectif affiché ne souffre aucune ambiguïté : faire de l’échéance de 2026 un exercice civique ordinaire, loin des frictions longtemps observées dans la sous-région. Ce positionnement tranche avec le fatalisme que certains observateurs attribuent parfois aux acteurs non étatiques, et témoigne d’une volonté de co-construction avec les pouvoirs publics autour d’un référentiel commun, celui de la stabilité nationale.
La démocratie congolaise à l’épreuve de la méfiance
Si les institutions de la République jouissent d’une légitimité consolidée par plusieurs cycles électoraux, un résidu de méfiance persiste au sein de l’opinion. Les intervenants des assises ont rappelé que l’abstention frôle ponctuellement 40 % dans certains arrondissements urbains, signe d’un rapport encore distancié entre citoyens et urnes. Céphas Germain Ewangui, secrétaire permanent du Conseil consultatif, a insisté sur la nécessité de « déconstruire l’idée que l’espace électoral serait une parenthèse tumultueuse », plaidant pour qu’il devienne « un rituel régulier, presque banal, où se renégocie tranquillement le contrat social ». Cette approche, inspirée des travaux du politologue Larry Diamond sur les démocraties en consolidation, fait écho aux recommandations émises par l’Union africaine lors du dernier Forum de Nouakchott sur la gouvernance.
Éducation citoyenne : un préalable à la transparence
Les organisations se sont engagées à déployer, dès 2024, près de huit cents séances d’éducation civique dans les établissements scolaires, marchés et lieux de culte, afin de familiariser la population aux mécanismes électoraux. Selon une enquête interne de la Coraged, 57 % des primo-votants de 2021 déclaraient ne pas maîtriser la différence entre liste électorale et liste d’émargement. Pour remédier à ces lacunes, un guide illustré, rédigé en français et en lingala, sera diffusé dans les douze départements. Dans le même temps, un partenariat avec l’Institut électoral pour une démocratie durable en Afrique permettra la formation de trois cents observateurs indépendants, renforçant ainsi la chaîne de confiance.
Lutte contre les violences politiques : priorités conjointes
Sur le volet sécuritaire, la société civile converge avec le ministère de l’Intérieur autour d’un protocole visant à cartographier les zones à risques à partir des données de la police et des associations locales. L’idée, selon le commissaire divisionnaire Martial Oko, est d’« anticiper plutôt que de réprimer ». L’utilisation d’outils de médiation communautaire, inspirés des tribunaux de quartier, devrait permettre de désamorcer les tensions liées aux campagnes. Le Centre de recherche en anthropologie politique de l’Université Marien-Ngouabi, sollicité pour un audit, souligne que 70 % des incidents observés en 2021 relevaient de querelles intracommunautaires exacerbées par la désinformation.
Regards croisés d’experts internationaux
Pour donner corps à cette dynamique, plusieurs bailleurs de coopération – Agence française de développement, PNUD, Banque africaine de développement – ont manifesté leur intérêt. L’économiste camerounaise Esther Biya note que « la stabilité post-électorale demeure le premier indicateur scruté par les investisseurs ; plus la gouvernance est prévisible, plus l’attractivité du pays s’accroît ». De fait, la feuille de route intègre un volet macroéconomique : un climat apaisé doit favoriser la mobilisation des revenus non pétroliers, objectif que le gouvernement place au centre de sa stratégie de diversification. Les représentants du patronat national saluent cette logique vertueuse, estimant qu’une montée du PIB hors hydrocarbures de deux points relève du réalisme si les tensions politiques demeurent contenues.
Vers un pacte de confiance pour 2026
En définitive, la démarche de la société civile congolaise s’apparente à un processus de certification sociale du scrutin, où chaque acteur, des pouvoirs publics au citoyen lambda, se voit confier une part de responsabilité clairement identifiée. L’appel solennel à la modération, lancé lors de la clôture des travaux, résonne comme une invitation à transcender les clivages pour se concentrer sur l’intérêt général. Les mois à venir permettront de jauger la capacité de tous à traduire discours et résolutions en dispositifs tangibles. Mais déjà, l’existence d’un calendrier opérationnel, le renforcement annoncé des observateurs domestiques et la synergie affichée avec les autorités constituent des signaux de maturité démocratique que saluent nombre de partenaires internationaux. Au Congo-Brazzaville, la présidentielle de 2026 pourrait ainsi s’ériger en laboratoire d’un modus vivendi où le pluralisme s’exprime sans éroder la paix civile.