Une récompense qui dépasse le Pool Malebo
Sur la scène dressée sur le site historique de Ndombasi, les notes du Super Nkolo Mboka se sont mêlées aux ovations d’un public conquis. Au terme d’une soirée électrique, Djoson Philosophe a reçu le Prix Pool Malebo de la première édition du Festival Nzola.
Le trophée, consacré à la valorisation des créateurs installés sur les rives du fleuve Congo, honore un parcours déjà marqué par des collaborations régionales. Le chanteur brazzavillois s’est ainsi imposé comme l’un des symboles vivants d’une scène musicale kongo en pleine effervescence.
Au-delà de la reconnaissance personnelle, la distinction a illustré la volonté des organisateurs de célébrer l’unité culturelle reliant Brazzaville, Kinshasa et l’Angola, trois espaces liés par l’histoire kongo et l’économie fluviale, souvent présentés comme un continuum sociologique plutôt que des frontières étanches.
Mbanza-Ngungu, un carrefour patrimonial
Située sur les hauteurs fraîches du Kongo-Central, Mbanza-Ngungu a longtemps servi de plaque tournante entre l’océan et l’hinterland. Son altitude, qui culmine à 785 mètres, lui confère un climat tempéré que de nombreux visiteurs comparent volontiers aux brises européennes des plateaux atlantiques.
Dans cette ville, berceau de l’identité kongo, le Festival Nzola s’est posé en vitrine d’un patrimoine matériel et immatériel allant des grottes de Thysville aux rythmes traditionnels malaba. L’événement a donc pris racine dans un terreau déjà familier des échanges interculturels.
La présence remarquée d’autorités provinciales et de délégués du secteur privé traduit l’intérêt stratégique accordé à l’offre culturelle. Entre discours protocolaires et animations populaires, les représentants locaux ont insisté sur la nécessité de transformer l’esprit festif en moteur de développement territorial.
Une vitrine pour l’économie créative kongo
Le Festival Nzola a mobilisé restaurateurs, artisans et producteurs audiovisuels autour d’un marché éphémère où les cuissons de saka-saka côtoyaient les stands de tissage. D’après Clément Malangu, chercheur en économie culturelle, chaque édition pourrait générer un multiple d’emplois indirects s’il est pérennisé.
L’expérience du Fespam à Brazzaville a montré la capacité de l’industrie musicale à irriguer secteurs hôtelier et transport. Les analystes voient dans Nzola un complément régional susceptible de créer des circuits touristiques circulaires le long de la voie ferrée Matadi-Kinshasa-Brazzaville.
Pour Djoson Philosophe, la distinction reçue prend alors un relief entrepreneurial. Il souhaite, dit-il, « inciter les jeunes chanteurs à monter leurs propres labels, afin que la plus-value reste au pays ». Son projet de centre de formation musicale à Makélékélé est déjà esquissé.
Les perspectives touristiques et diplomatiques
Situé à deux heures de la capitale congolaise, le site de Ndombasi offre un paysage de savane ponctué de vallons verdoyants. Les promoteurs proposent de l’inclure dans la Route des Deux Congo, un itinéraire qui favoriserait les visas croisés et les échanges universitaires.
Pour le politologue Jean-Martin Nsoni, cette diplomatie culturelle renforce la cohésion régionale sans susciter de crispations. Elle s’inscrit dans les objectifs de la Zone de libre-échange continentale en offrant un laboratoire de coopération soft power et d’harmonisation des politiques artistiques.
Les autorités de Brazzaville, présentes en observateurs, ont salué la démarche. Un conseiller au ministère de la Culture rappelle que « la diversification de l’offre événementielle participe à l’attractivité du pays et consolide le rayonnement des artistes congolais sur les scènes internationales ».
L’engagement des artistes congolais
Sous la lumière tamisée des projecteurs, Djoson Philosophe a entonné Nkolo Mboka, titre engagé appelant à la solidarité. Sa voix rauque, portée par les cuivres, a rappelé l’influence de Franco Luambo, maître d’une rumba que l’Unesco a élevée au rang de patrimoine mondial.
À ses côtés, de jeunes formations telles que les Muntu Bantu ont électrisé la foule avec des fusions afro-trap. Le croisement des générations traduit, selon la sociologue Solange Kimbembe, « la capacité du champ musical congolais à absorber les tendances tout en préservant ses racines ».
Cette vitalité artistique se nourrit également de la diaspora. Plusieurs beatmakers basés à Paris et Luanda ont envoyé des séquences projetées sur écran géant, prouvant qu’Internet réduit les distances et permet de coproduire un spectacle sans pour autant effacer la marque locale.
Vers une pérennisation du Festival Nzola
La direction du festival a annoncé une gouvernance mixte associant municipalité, entreprises de télécommunication et bailleurs culturels. L’idée est de sécuriser un budget pluriannuel, condition sine qua non à l’inscription de Nzola dans le calendrier continental des rendez-vous musicaux.
En parallèle, les organisateurs souhaitent mutualiser la communication avec d’autres manifestations, notamment les Rencontres panafricaines du livre de Brazzaville et le Marathon de Pointe-Noire. Cette stratégie de réseau vise à fidéliser les partenaires médiatiques et à offrir aux artistes des tournées coordonnées.
Djoson Philosophe, nouveau porte-étendard du Pool Malebo, s’est engagé à revenir l’an prochain pour un atelier d’écriture. « Rien ne vaut la transmission in situ », affirme-t-il. Sa démarche illustre l’idée qu’un trophée est moins une fin qu’un levier collectif.
En quittant la scène de Ndombasi sous les applaudissements, l’artiste et le public semblaient déjà projeter la prochaine édition. Entre patrimoine, économie créative et cohésion régionale, le Festival Nzola confirme qu’une mélodie partagée peut parfois franchir plus de frontières qu’un traité officiel.