Exploration africaine en plein essor
De la Namibie à la Côte d’Ivoire, l’exploration pétrolière africaine traverse une phase d’accélération inédite. La Chambre africaine de l’énergie recense 39 puits à fort impact forés depuis 2021, capables de révéler plus de 250 millions de barils équivalent pétrole ou d’ouvrir de nouveaux gisements.
Le taux de réussite technique dépasse 30 %, tiré vers le haut par les résultats spectaculaires du sous-bassin Orange, au large de la Namibie. Sans ces forages, la moyenne continentale tombe à 16 %, révélant l’importance stratégique de chaque découverte dans l’équation d’investissement.
Namibie, moteur des découvertes
Les découvertes namibiennes dépassent désormais six milliards de barils équivalent pétrole, suscitant des parallèles avec l’envolée initiale de la Guyane. TotalEnergies, Shell, Galp et Rhino Resources préparent leurs plans de développement, tout en vérifiant la robustesse économique de chaque gisement avant toute décision finale.
Le prochain puits Olympe de TotalEnergies, annoncé pour fin 2025, servira de baromètre. Si les débits confirment les estimations internes, l’État namibien pourrait accélérer l’adoption de cadres fiscaux attractifs, afin de transformer un succès géologique en réalité industrielle et budgétaire.
Côte d’Ivoire et bassin MSGBC poursuivent
Plus au nord, la Côte d’Ivoire consolide le potentiel du bassin Tano. Les puits Civette, Kobus et Caracal visent jusqu’à 2,6 milliards de barils équivalent pétrole, prolongeant l’élan né de la découverte Baleine en 2021 et renforçant l’attractivité de la marge ouest-africaine.
Le bassin MSGBC, de la Mauritanie au Sénégal, reste sous-exploré malgré ses 900 000 kilomètres carrés d’offshore. Les clusters Bir Allah, Greater Tortue Ahmeyim, Sangomar et Yakaar-Teranga rappellent que le potentiel gazier demeure considérable, même après quelques retards programmatiques enregistrés ces derniers mois.
Cap sur les eaux profondes du Sud
En Afrique du Sud, TotalEnergies prévoit le forage du complexe Nayla dans le bloc 3B/4B en 2026, tandis que Shell sollicite un permis pour tester les eaux ultra-profondes du Cap Nord. Chaque pas cherche à déplacer la cartographie énergétique toujours plus au sud.
L’Angola, conscient de la concurrence, rénove son cadre fiscal afin d’orienter les capitaux vers les bassins de Namibe et du Congo Fan. Azule Energy doit forer Kianda en 2026, illustrant la stratégie du pays : accepter un risque géologique plus élevé pour régénérer la production nationale.
Congo-Brazzaville mise sur Litchendjili
Au Congo-Brazzaville, le projet Litchendjili Marine, piloté par Eni, affiche une valeur actuelle nette étudiée à 8,5 milliards de dollars. Ciblant un démarrage avant 2030, ce développement offshore symbolise l’ambition nationale de conforter la place du pays dans la géopolitique énergétique régionale.
Les autorités entendent conjuguer fiscalité attractive, contenu local et protection environnementale. L’objectif assumé est de transformer les réserves en recettes durables tout en accélérant l’accès à l’électricité, conformément aux orientations définies par le gouvernement congolais et ses partenaires techniques internationaux.
Intégrer le midstream pour transformer
Pour concrétiser ces gisements, les acteurs insistent sur l’impératif d’un développement midstream robuste : canalisations, terminaux, usines d’électricité au gaz. Sans ces maillons, avertit la Chambre africaine de l’énergie, le continent risque de voir ses découvertes rester des chiffres sur des cartes.
Les experts soulignent aussi la nécessité d’intégrer les réseaux régionaux pour alléger les coûts unitaires. En reliant les bassins côtiers aux pôles intérieurs de consommation, l’Afrique réduirait ses importations de carburants tout en répondant à une demande électrique appelée à doubler d’ici quinze ans.
AEW 2026, plateforme décisive
L’African Energy Week 2026, annoncée au Cap, se veut le carrefour où se boucleront fermes participations, accords de farm-out et montages financiers. « Les salles de négociation redeviendront centrales pour convertir le succès géologique en cash-flow », rappelle son président exécutif, NJ Ayuk.
La rencontre devra aussi arbitrer la montée en puissance des compagnies nationales, désormais prêtes à co-investir aux côtés des majors. Selon la Chambre, ces alliances permettront de conserver davantage de valeur en Afrique tout en sécurisant l’expertise technique indispensable aux développements complexes.
Vers un modèle énergétique africain intégré
L’Afrique entre ainsi dans une phase charnière où la géologie n’est plus l’unique variable. Fiscalité, stabilité réglementaire, infrastructures et acceptabilité sociale conditionnent le calendrier des décisions finales d’investissement. Chaque pays travaille à un équilibre subtil entre recettes immédiates et transition énergétique à long terme.
Les 30 milliards de dollars d’engagements étudiés, de Litchendjili à Greater Tortue Ahmeyim, forment le noyau du prochain cycle d’investissements. Leur mise en œuvre réussie renforcerait l’autonomie énergétique du continent et sa compétitivité, tout en alimentant le développement industriel et l’emploi local.
Reste à coordonner les calendriers, à sécuriser les financements et à veiller à la cohérence environnementale. Si ces trois piliers convergent, l’Afrique pourrait, dès la fin de la décennie, passer du statut de promesse pétrolière à celui d’acteur énergétique influent et durable.
Les gouvernements, conscients de l’alternative que représenteront demain les énergies renouvelables, veulent capitaliser sur la rente fossile pour financer la diversification. L’enjeu est clair : bâtir aujourd’hui les infrastructures qui serviront demain autant au gaz qu’à l’hydrogène ou à l’électricité verte.
