Une ambition présidentielle sous le signe du vert
Depuis près de deux décennies, Denis Sassou-Nguesso inscrit la question environnementale au rang des priorités nationales. De la restauration des mangroves aux initiatives de reboisement, la ligne directrice reste la même : placer le Congo-Brazzaville au cœur de la diplomatie climatique.
Cette orientation repose sur une conviction régulièrement exprimée par le président : protéger la biodiversité n’est pas une posture dictée de l’extérieur mais un acte de foi envers les générations futures. La volonté politique se traduit par des engagements internationaux et un arsenal législatif renforcé.
Des poches d’orpaillage qui inquiètent
Sur le terrain, des activités aurifères non contrôlées s’étendent de Kellé à Moungoundou-Nord. Sur ces sites éparpillés au cœur de la forêt, des groupes composés de ressortissants étrangers et de quelques nationaux exploitent des filons en marge du cadre légal.
Les investigations des Échos du Congo-Brazzaville décrivent des chantiers improvisés où tronçonneuses et pompes concourent à une déforestation rapide, tandis que des rigoles creusées à la hâte détournent les cours d’eau et accélèrent l’érosion (Les Echos).
Impact environnemental et risques sanitaires
L’extraction artisanale utilise mercure, cyanure ou arsenic pour séparer l’or du minerai. Ces substances cheminent ensuite vers les rivières, contaminent la Louetsi et compromettent la sécurité alimentaire d’une population dépendante de la pêche.
Dans le district de Mayoko, des éleveurs signalent la mort de plusieurs bêtes après avoir bu une eau chargée de cyanure. Des paysans évoquent également la baisse de rendement de leurs champs, les couches arables ayant été retournées ou lessivées par les lavages de gravier.
Mobilisation gouvernementale et cadre légal
Alerté par les élus, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso s’est rendu en avril dans la réserve de Dimonika pour constater les dégâts. Sur place, il a rappelé l’obligation de respecter le Code forestier 2020 et la loi d’orientation sur le développement durable 2022.
« Nous adapterons la réserve en fonction des zones restées intactes », a-t-il expliqué, annonçant un audit d’impact environnemental et la création d’espaces tampons permettant à la population de poursuivre des activités compatibles avec la conservation.
Parallèlement, la préfète du Niari a reçu en août 2025 les représentants de plusieurs sociétés minières afin de réaffirmer les procédures. Des opérations conjointes entre forces de sécurité et administrations spécialisées se multiplient pour démanteler les sites clandestins, comme l’illustre la vidéo publiée par le journaliste Alphonse Ndongo.
Les communautés locales entre espoir et vigilance
Dans les villages de Lehala ou Mbinda, les habitants oscillent entre inquiétude et confiance. Certains saluent les interpellations récentes, preuves d’une riposte plus ferme. D’autres redoutent un simple sursis si l’encadrement économique et social n’accompagne pas la répression.
Les chefs traditionnels plaident pour un partage transparent des recettes minières légales, susceptible de financer écoles, centres de santé et routes. « Nous voulons être partenaires de la conservation, pas victimes de l’exploitation », confie un notable de Kimba.
Les travaux de Michel Innocent Peya, boussole verte
L’écrivain et universitaire Michel Innocent Peya documente depuis plusieurs années la « vision verte » présidentielle. Dans son ouvrage de référence, il décrit une gouvernance où développement et écologie s’allient pour éviter la catastrophe.
Ses publications, distinguées par diverses institutions internationales, rappellent que la transition écologique doit englober sécurité alimentaire, innovation et inclusion sociale. Cette grille d’analyse offre aux décideurs congolais des pistes pour concilier impératifs économiques et sauvegarde des écosystèmes.
COP30 : rendez-vous stratégique pour Brazzaville
La conférence de Belém, prévue du 10 au 21 novembre prochain, constituera une tribune privilégiée pour présenter les avancées du Congo-Brazzaville. La délégation entend détailler les mesures prises contre l’orpaillage illégal et mettre en avant les leçons tirées des audits en cours.
Les propositions de Michel Innocent Peya sur une position commune des grands bassins forestiers devraient nourrir les débats. L’objectif reste de renforcer les financements climatiques et d’obtenir des partenariats technologiques favorisant une exploitation responsable des ressources.
En préparant ce rendez-vous, les autorités soulignent que lutte contre la déforestation et création d’emplois verts peuvent aller de pair. L’ambition est de transformer la forêt en atout économique durable plutôt qu’en richesse sacrifiée.
Vers une gouvernance environnementale consolidée
L’émergence d’une fiscalité verte, l’usage accru des drones de surveillance et la formation de brigades forestières spécialisées sont autant de pistes étudiées pour assurer la pérennité des projets de conservation.
Les juristes préconisent également d’internaliser les coûts des pollutions dans les contrats miniers afin que les opérateurs contribuent à la dépollution et au reboisement. Un registre public des permis, accessible en ligne, renforcerait la transparence et la confiance citoyenne.
Au-delà des textes, la réussite dépendra de la capacité collective à opposer l’État de droit aux « kulunas environnementaux », sans stigmatiser les communautés qui vivent de la forêt. Le pari, ambitieux, est à la mesure du capital naturel que le pays entend préserver.
