Cap sur les statistiques TIC régionales
Réunis à Kinshasa du 25 au 29 août, des experts des seize États membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe ont consacré cinq jours à un atelier technique consacré aux statistiques des technologies de l’information et de la communication.
L’objectif affiché consistait à bâtir une méthodologie commune afin que chaque pays dispose d’indicateurs comparables, étape jugée décisive pour guider les politiques publiques, stimuler les investissements numériques et, à terme, réduire les disparités de connectivité entre zones urbaines et rurales.
La République du Congo, représentée par le ministre des Postes, Télécommunications et Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, José Panda, a insisté sur la nécessité d’une « SADC connectée et inclusive », fondée sur des données fiables et régulièrement mises à jour.
Une sous-région en plein virage numérique
Selon Christian Katende, président de l’Autorité de régulation des postes et télécommunications du Congo démocratique, la pandémie a amplifié la demande de services en ligne, obligeant administrations, entreprises et citoyens à accélérer leur transition, parfois sans disposer des indicateurs nécessaires pour en mesurer l’impact.
Dans les capitales comme dans les villages isolés, la couverture 4G reste contrastée, tout comme la pénétration de la fibre. Or, explique l’expert, « sans cartographie précise de l’offre et de la demande, l’allocation des ressources risque de demeurer inéquitable ».
Les retombées économiques du numérique sont pourtant mesurables : la Banque mondiale estime qu’une augmentation de 10 % du taux de pénétration du haut débit peut générer jusqu’à 1,5 % de croissance du produit intérieur brut, à condition d’accompagner l’extension par des statistiques robustes.
Au Congo-Brazzaville, le gouvernement mise sur la mise en service récente du câble sous-marin 2Africa pour accroître la bande passante internationale. Les premiers relevés montrent une diminution de 15 % du coût du mégabit, tendance que les autorités espèrent consolider par des statistiques partagées.
Harmoniser les données pour des politiques efficaces
Lors de l’atelier, les délégués ont revisité le cadre de mesure proposé par la Commission des Nations unies pour la statistique, puis l’ont adapté aux spécificités des pays d’Afrique australe : économies à forte composante informelle, fortes distances, et usages mobiles prédominants.
Un consensus s’est dégagé sur vingt indicateurs prioritaires, allant du prix moyen du gigaoctet aux taux d’appropriation des services financiers mobiles. Ces indicateurs seront mis à disposition de l’Observatoire des TIC de la SADC, plate-forme régionale lancée en 2022.
Pour la secrétaire exécutive adjointe Angèle Makombo N’tumba, cette standardisation « renforce notre capacité collective à négocier avec les acteurs privés », car elle crée une base de référence partagée sur les coûts réels de déploiement, la performance des réseaux et les attentes sociales.
Les délégués ont également exploré les synergies avec l’Union africaine, dont le Programme de développement des infrastructures prévoit des couloirs numériques transcontinentaux. Une intégration des référentiels statistiques faciliterait la comparaison interrégionale et renforcerait le poids de l’Afrique australe dans les négociations internationales.
Les défis de la connectivité inclusive
Pour plusieurs participants venus de petites îles, l’enjeu prioritaire reste le coût élevé de la bande passante internationale. Les Seychelles et Maurice ont souligné la nécessité d’un mécanisme de solidarité régionale afin que les tarifs ne compromettent pas l’accès équitable aux contenus pédagogiques.
Dans les pays continentaux, l’obstacle majeur demeure la densité encore faible des dorsales à fibre optique. La Zambie a présenté une cartographie montrant que 60 % de ses districts restent reliés par satellite, d’où un retard de débit et des coûts supérieurs de 30 %.
Les discussions ont également porté sur l’inclusion genre. Malgré des progrès, les femmes représentent moins de 40 % des usagers mobiles en Afrique australe. La SADC souhaite que la collecte de données sexospécifiques devienne systématique, afin d’orienter les programmes de formation et les incitations tarifaires.
Vers une coopération statistique renforcée
À l’issue des travaux, un projet de feuille de route a été validé. Il prévoit la création, d’ici à six mois, d’équipes nationales mixtes associant statisticiens, régulateurs et universitaires, chargées de consolider trimestriellement les indicateurs avant leur transmission au secrétariat de la SADC.
Le ministre José Panda a salué « un pas supplémentaire vers une gouvernance numérique reposant sur la preuve ». Selon lui, la disponibilité d’une base de données régionale offrira aux investisseurs un climat de prévisibilité et aux décideurs un outil pour ajuster les réformes.
Les participants ont fixé rendez-vous en 2026 pour un premier audit indépendant. Ce suivi périodique vise à garantir que les engagements ne restent pas théoriques. « Récolter des données n’est qu’un début ; encore faut-il les traduire en actions mesurables », a rappelé Angèle Makombo N’tumba.
Pour la République du Congo, qui s’apprête à déployer son plan d’accélération de l’économie numérique, ce chantier constitue une opportunité de mutualiser les bonnes pratiques régionales. Le pari est clair : mieux mesurer pour mieux connecter, et mieux connecter pour mieux intégrer les populations.