Financement santé Congo: état des lieux
Depuis 2006, la République du Congo a mobilisé 284 millions de dollars auprès du Fonds mondial pour combattre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Ce soutien, salué à Brazzaville, s’inscrit dans une stratégie nationale visant à consolider des gains fragiles dans un environnement financier mondial plus tendu.
Pour le cycle 2024-2026, l’enveloppe atteint 71 millions de dollars, soit près de 40 milliards de FCFA. En dépit de cette manne, les autorités et leurs partenaires s’interrogent déjà sur la soutenabilité à long terme, les bailleurs occidentaux réorientant peu à peu leurs priorités budgétaires.
Cette dynamique intervient alors que le Plan national de développement 2022-2026 place la santé parmi les cinq secteurs prioritaires, au même titre que l’éducation et les infrastructures, symbolisant la volonté présidentielle d’investir dans le capital humain.
Apport du Fonds mondial et impact concret
Les investissements extérieurs complètent les crédits domestiques, sans s’y substituer. Plaikessi Kouadjani, gestionnaire principal de portefeuille, rappelle que « le Fonds mondial vient en complément des efforts des pays récipiendaires ». L’institution insiste donc sur un partage équilibré des charges, gage de stabilité des programmes.
Depuis le lancement des premiers projets, plus de 45 000 personnes vivant avec le VIH reçoivent une thérapie antirétrovirale régulièrement. Les centres de diagnostic de la tuberculose ont été modernisés, tandis qu’une campagne en cours distribue 2,7 millions de moustiquaires imprégnées pour réduire la charge palustre.
Ces résultats, souvent cités par le ministère de la Santé, illustrent la pertinence des cofinancements. Ils démontrent surtout que chaque franc additionnel dégagé localement produit un levier multiplicateur, attirant encore des subventions, des prix négociés sur les médicaments et des renforts techniques.
Selon les données financières partagées lors de la dernière revue conjointe, chaque dollar investi par le Congo déclenche en moyenne 1,5 dollar de contrepartie externe. Ce ratio, supérieur à la moyenne régionale, conforte l’idée qu’une augmentation modérée du budget national pourrait sécuriser plusieurs dizaines de millions additionnels.
Plaidoyer parlementaire pour des crédits accrus
Devant le président du Sénat, Plaikessi Kouadjani a souligné que la Chambre haute pouvait « faire avancer le plaidoyer » en faveur d’un budget santé renforcé. Les élus disposent du pouvoir de voter la loi de finances et de contrôler l’exécution, deux leviers décisifs pour sécuriser les allocations.
Au-delà du rituel budgétaire, plusieurs sénateurs évoquent un suivi plus fin des ressources versées aux hôpitaux de district. L’idée n’est pas de créer une tutelle supplémentaire, mais de s’assurer que les crédits atteignent bien les centres de soins primaires et les associations de patients.
La Chambre basse, quant à elle, planche sur un projet de loi visant à sanctuariser un pourcentage minimal du budget national au profit de la santé publique. Cette démarche, inspirée par l’engagement d’Abuja, donnerait au gouvernement une visibilité pluriannuelle bienvenue pour planifier.
La société civile, appuyée par les réseaux de personnes vivant avec le VIH, prépare de son côté un mémorandum qui sera remis aux parlementaires avant les débats budgétaires. Le document demandera notamment une publication trimestrielle des dépenses et l’allocation directe aux districts sanitaires les plus éloignés.
Enjeux VIH, tuberculose, paludisme
Si les indicateurs nationaux se redressent, la prévalence du VIH reste estimée à 3,2 % chez les adultes. Les épidémiologistes rappellent que les interruptions de traitement, souvent liées à des ruptures de stock, favorisent l’émergence de résistances et font grimper les coûts futurs.
Concernant la tuberculose, les autorités sanitaires ont notifié 7 400 nouveaux cas l’an dernier. Le dépistage précoce demeure essentiel, tout comme l’accès aux molécules de deuxième ligne pour les formes multirésistantes. Là encore, la capacité du budget public à absorber la dépense conditionnera la réponse.
Le paludisme demeure endémique dans le nord et les zones forestières. Sans amélioration durable du réseau d’eau, les gîtes larvaires persistent malgré les moustiquaires. Les économistes estiment qu’un dollar investi aujourd’hui évite jusqu’à douze dollars de pertes futures.
Vers une couverture sanitaire souveraine
Le ministère des Finances explore de nouvelles recettes, notamment la taxe de solidarité sur les transactions téléphoniques et l’affectation d’une part des redevances forestières. Ces mécanismes, déjà éprouvés dans d’autres pays de la CEMAC, offriraient des ressources prévisibles sans alourdir démesurément la pression fiscale.
Parallèlement, Brazzaville discute avec les organisations communautaires d’une contribution symbolique des ménages aisés pour certaines prestations. L’objectif affiché n’est pas de marchandiser la santé, mais de mutualiser les risques et de mobiliser des financements de contrepartie attractifs.
Les prochains mois verront la préparation du budget 2025. À cette occasion, le gouvernement devrait détailler un plan glissant de mobilisation interne, adossé aux priorités du Plan national de développement. Un calendrier clair enverrait, selon les analystes, un signal positif aux partenaires internationaux.
Enfin, l’exécutif mise sur le numérique pour optimiser l’utilisation des ressources. Une plateforme de gestion des stocks, testée à Pointe-Noire, permet déjà de suivre en temps réel les médicaments essentiels. Les ruptures sont signalées automatiquement, limitant le gaspillage et rassurant les partenaires financiers.
