Vers un nouvel âge de la gouvernance sanitaire
Réunis du 17 au 18 juillet à Brazzaville sous l’égide du Conseil national de la santé, hauts fonctionnaires, praticiens et chercheurs ont conduit une réflexion collégiale sur la mutation d’un système appelé à garantir l’atteinte de l’Objectif de développement durable n°3. L’enjeu dépasse la stricte réorganisation administrative ; il s’agit d’opérer un changement de paradigme où la santé publique devient un levier de stabilité et de croissance. Dans un contexte post-pandémique qui a rappelé la centralité du secteur, les débats ont oscillé entre exigence de rigueur budgétaire et impératif de couverture universelle, dessinant les contours d’une gouvernance rénovée mais pragmatique.
Un diagnostic partagé
Les participants se sont accordés sur un état des lieux lucide : dispersion des ressources, poids persistant des maladies transmissibles, défis logistiques dans les zones rurales et mobilisation communautaire encore inégale. En filigrane, l’idée que la performance d’un système ne se mesure pas uniquement à la densité hospitalière, mais à la fluidité des parcours de soins et à l’adhésion sociale. En convoquant une pluralité de disciplines – épidémiologie, sociologie, économie – les experts ont insisté sur l’importance de données probantes afin de prioriser les investissements et d’éviter les effets d’annonce sans effets concrets.
Financement : vers une nouvelle dynamique
Le financement est apparu comme la clef de voûte de l’édifice réformateur. Les recommandations préconisent une mobilisation accrue des recettes internes, l’optimisation des dépenses et la création de mécanismes innovants de solidarité. L’idée d’un fonds de péréquation, articulé à une assurance santé à vocation universelle, fait son chemin afin de lisser les inégalités territoriales. La Banque mondiale évalue à 4 % du PIB l’effort minimal pour converger vers les standards régionaux ; Brazzaville s’engage à sécuriser progressivement cette enveloppe, sans déséquilibrer les équilibres macro-économiques. La soutenabilité budgétaire reste le fil rouge qui guide la planification.
Infrastructures et ressources humaines
Au-delà de la capacité financière, la matérialité des soins impose un investissement soutenu dans les infrastructures et le capital humain. Modernisation des plateaux techniques, plan de rattrapage pour les districts sanitaires et politiques incitatives destinées aux professionnels constituent les trois axes d’intervention. La digitalisation des dossiers médicaux, évoquée comme un accélérateur de performance, permettra de réduire les ruptures de flux médicaux et d’améliorer la traçabilité des actes. Les écoles de santé publique s’apprêtent, quant à elles, à revisiter leurs curricula afin d’intégrer les compétences en gestion et en santé globale.
Partenariats public-privé mesurés
Le secteur privé, longtemps perçu comme périphérique, est désormais appelé à compléter l’offre publique. Les recommandations évoquent la contractualisation de services non stratégiques, tels que l’imagerie ou la logistique pharmaceutique, dans un cadre régulé et transparent. L’objectif est de démultiplier les capacités sans abdiquer la responsabilité régalienne de l’État. Les agences de contrôle verront leur mandat renforcé afin de prévenir toute asymétrie d’information préjudiciable aux usagers. Cette ouverture s’accompagne d’incitations fiscales ciblées, conçues pour encourager l’investissement sans créer de rente.
Gouvernance climatique et juridique
L’intégration de la variable climatique marque une inflexion notable. Les épisodes de pluies extrêmes, facteurs de maladies hydriques, appellent une vigilance accrue ; le Conseil recommande l’élaboration de protocoles d’alerte sanitaire adossés aux services météorologiques. Sur le plan normatif, la révision du décret n°84/290 du 26 mars 1984 devrait consacrer une architecture plus lisible, articulant rôle consultatif et force de proposition. Cette actualisation consolidera la sécurité juridique des décisions et favorisera l’alignement avec les engagements internationaux du Congo-Brazzaville.
Perspectives stratégiques
En clôturant la session, le ministre de la Santé et de la Population, Jean-Rosaire Ibara, a salué « la maturité d’un dialogue qui conjugue science et sens pratique » tout en exhortant les acteurs à « faire preuve d’audace dans les décisions à venir ». Les prochaines semaines seront décisives ; le projet de décret amendé devra franchir l’étape du Conseil des ministres puis s’incarner dans des programmes budgétisés. Dans un environnement international où la couverture sanitaire universelle devient un critère d’attractivité, la République du Congo choisit d’emprunter la voie d’une réforme consentie plutôt que subie. Si les défis demeurent, la dynamique actuelle offre une fenêtre d’opportunité pour refonder un pacte sanitaire à la hauteur des aspirations citoyennes.