Dialogue Sénat-UNFPA : enjeux législatifs
Mardi 17 décembre, le bureau lambrissé du président du Sénat, Pierre Ngolo, a servi de cadre à un entretien jugé stratégique par ses participants. La représentante de l’UNFPA au Congo, la Dr Agnès Kayitanhore, y a présenté une feuille de route centrée sur la santé reproductive.
Selon la diplomate onusienne, l’institution parlementaire détient un levier décisif : le pouvoir de voter des lois structurantes et d’allouer les lignes budgétaires permettant leur mise en œuvre effective dans les hôpitaux, les centres de planification familiale et les structures d’accueil des victimes de violences basées sur le genre.
« Aucune femme ne doit perdre sa vie en donnant la vie », a rappelé Dr Kayitanhore. Cette conviction, déjà inscrite dans plusieurs engagements internationaux, gagnerait, selon elle, à se traduire dans des textes nationaux renforçant le suivi des indicateurs de mortalité maternelle et l’accès universel aux contraceptifs modernes.
Pour le président du Sénat, l’argument fait mouche. Il a indiqué que la Chambre haute reste attentive aux priorités gouvernementales exposées par le chef de l’État Denis Sassou Nguesso et que la santé maternelle figure logiquement parmi les domaines appelés à bénéficier d’une sécurisation juridique et financière accrue.
Santé reproductive : un investissement sociétal
L’UNFPA martèle depuis plusieurs années que chaque franc investi dans la planification familiale génère des retombées économiques et sociales mesurables. Réduction des complications obstétricales, maintien des filles à l’école, insertion économique des jeunes mères : autant de bénéfices qui alimentent les objectifs de développement durable adoptés par le Congo-Brazzaville.
Pour les économistes de la santé interrogés, l’équation est simple : prévenir coûte moins cher que guérir. Une femme en bonne santé, libre de choisir le rythme de ses grossesses, participe davantage au marché du travail, paie des impôts et soutient la croissance hors pétrole promue par les autorités.
Dans ce contexte, le plaidoyer adressé au Sénat vise autant la ligne budgétaire que la pédagogie publique. Chaque débat en séance offre une fenêtre pour rappeler que la santé reproductive n’est pas un coût mais un investissement, un message appelé à résonner largement au sein des collectivités locales.
Priorités stratégiques jusqu’en 2026
Quatre priorités guident actuellement l’action de l’UNFPA au Congo-Brazzaville : la réduction de la mortalité maternelle évitable, la satisfaction de tous les besoins en planification familiale, l’élimination des violences basées sur le genre et le renforcement de la production de données démographiques fiables.
Ces axes, détaillés devant le Sénat, sont couverts par le programme de coopération conclu avec le gouvernement jusqu’en 2026. Ils s’alignent sur le Plan national de développement, lequel insiste sur la valorisation du capital humain, priorité réaffirmée dans les allocutions présidentielles et les récents débats budgétaires.
L’un des objectifs opérationnels consiste à systématiser la collecte de données désagrégées, afin de mieux cibler les interventions. Les statistiques, plus fines, devront éclairer les choix du Sénat quand il examine une initiative législative ou contrôle l’exécution budgétaire menée par le ministère de la Santé.
Partenariat aligné sur les ambitions nationales
Les autorités congolaises rappellent régulièrement leur ambition de réduire la mortalité maternelle à 70 pour 100 000 naissances vivantes à l’horizon 2030, conformément à l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Le partenariat avec l’UNFPA est donc perçu par Brazzaville comme un accélérateur plutôt qu’un prescripteur extérieur.
Du côté du Parlement, plusieurs commissions thématiques planchent déjà sur des propositions liées aux droits des femmes et à la protection de l’enfance. L’appui documentaire du Fonds apparaît comme un moyen de consolider ces travaux et de produire des textes plus proches des réalités locales.
« Notre mandat est d’accompagner, pas de substituer », rappelle la représentante onusienne, qui se félicite de la réceptivité des élus. Plusieurs d’entre eux ont d’ores et déjà sollicité des visites de terrain afin de mesurer l’impact concret des investissements dans les maternités de référence et les centres jeunesse.
Vers une mobilisation élargie
Au-delà du Sénat, la représentante de l’UNFPA compte sensibiliser l’ensemble du corps législatif, des collectivités territoriales et du secteur privé. L’idée est d’installer une chaîne de solidarité budgétaire, où chaque niveau de gouvernance consacre une part stable de ses ressources à la santé reproductive.
Les organisations de jeunesse se disent prêtes à relayer le message, notamment via les réseaux sociaux et les clubs scolaires. Selon l’Association congolaise des scouts, parler précocement de contraception responsable et de consentement peut prévenir aussi bien les grossesses précoces que certaines formes de violence sexiste.
En conclusion des échanges du 17 décembre, le président du Sénat a annoncé la création d’un groupe de suivi interne chargé de maintenir le dialogue avec l’UNFPA. Une première séance de travail conjointe est prévue durant la prochaine session, signe que le dossier progresse sur l’agenda institutionnel.
