Une scène d’expression qui gagne en ampleur
Depuis plusieurs années, la poésie urbaine s’impose comme l’un des modes d’expression préférés de la jeunesse brazzavilloise. Son esthétique directe, sa musicalité libre et ses préoccupations sociétales ont fait du slam un miroir fidèle de la vitalité culturelle de la capitale congolaise.
C’est dans ce contexte effervescent que le Centre d’actions pour le développement, abrégé C.a.d, a annoncé la tenue d’un festival de slam du 8 au 10 décembre à l’Espace Bana Moi, dans le premier arrondissement Makélékélé. L’événement, placé sous le thème « Nos droits, notre avenir, c’est maintenant », aspire à marier créativité et engagement citoyen.
Guerschom Gobouang, responsable programme campagne et plaidoyer auprès du C.a.d, estime que « le slam offre une résonance unique aux aspirations de la jeunesse ». À l’en croire, la dimension artistique du festival permet de sensibiliser sans heurter, dans une ambiance festive propice à l’écoute.
Attribué l’an dernier au projet des soirées slam, le Prix de l’innovation de l’O.N.G. Civicus a encouragé l’organisation à élargir le format. Le passage d’un rendez-vous mensuel à un véritable festival consacre la reconnaissance institutionnelle d’une discipline désormais bien ancrée dans le paysage culturel local.
Trois jours d’inspiration à Makélékélé
Le programme s’ouvrira par un concours réunissant douze slameurs présélectionnés lors du « Slam Voix Libres ». Chaque finaliste disposera de trois minutes pour décliner un texte original sur les droits fondamentaux, la cohésion sociale ou la solidarité. L’originalité, la diction et la pertinence du message guideront le jury.
Outre les performances, un village associatif composé de onze organisations locales s’installera tout au long du festival. Des stands interactifs proposeront des ateliers d’écriture, des initiations au beatbox, ainsi qu’une documentation pédagogique destinée au grand public. L’objectif avoué est de favoriser un dialogue intergénérationnel autour des valeurs humanistes.
Les soirées thématiques mêleront slam et musique live pour attirer un public familial. Des groupes de rumba et de jazz fusion accompagneront certains slameurs, illustrant la fertilité des croisements esthétiques dans la capitale. Le quartier Makélékélé, réputé pour sa vitalité, se prépare ainsi à trois jours de fête conviviale.
Selon les organisateurs, les mesures de sécurité et d’accueil ont été renforcées pour garantir un cadre serein. La mairie d’arrondissement a mis à disposition un dispositif d’éclairage supplémentaire et des points d’eau, tandis que des volontaires assureront la fluidité des flux autour du site.
La jeunesse au centre des droits humains
Le thème retenu témoigne d’une volonté d’impliquer la jeunesse dans la promotion des droits humains, un sujet au cœur de nombreux débats contemporains. Les textes des candidats abordent l’accès à l’éducation, la protection de l’enfance ou encore la participation citoyenne, illustrant un engagement multiforme.
Dans un contexte où les réseaux sociaux amplifient les messages artistiques, le slam devient un outil pédagogique de premier plan. Les initiateurs espèrent toucher un public éloigné des canaux institutionnels classiques. Par la force des mots, ils ambitionnent de rendre plus palpables des notions parfois perçues comme abstraites.
« Parler des droits humains ne signifie pas nécessairement dénoncer, mais construire », souligne Guerschom Gobouang. Cette approche nuance le discours et laisse place à des propositions concrètes, souvent formulées dans les textes des artistes : création de bibliothèques de quartier, encouragement à la citoyenneté active ou soutien aux initiatives communautaires.
Le festival servira également de tremplin à de jeunes talents. Les meilleurs textes feront l’objet d’un enregistrement audio, puis d’une diffusion sur les plateformes numériques partenaires. Les lauréats bénéficieront d’un accompagnement artistique, preuve que le slam peut se transformer en véritable filière professionnelle.
Un rapport inédit présenté au public
En marge des prestations scéniques, le C.a.d prévoit de publier le 9 décembre son « Rapport 2025 » consacré à la situation des droits humains en République du Congo. Le document, fruit d’un an d’enquêtes de terrain, se veut un outil de réflexion et un appui aux acteurs sociaux.
Les échanges autour du rapport se dérouleront sous forme de table ronde modérée par des universitaires. L’idée est de replacer la discussion dans un cadre méthodologique, loin des polémiques, en privilégiant les données vérifiées et les recommandations pratiques. Les autorités locales ont été invitées à participer aux débats.
Le format interactif permettra au public de poser des questions, favorisant un esprit de collaboration. Les organisateurs insistent sur le fait que la culture et la recherche peuvent dialoguer afin de renforcer le tissu social, chaque partie apportant son expertise particulière.
Cette synergie entre création artistique et travail documentaire confère au festival une dimension singulière. Au-delà du divertissement, l’événement s’inscrit dans une dynamique de connaissance partagée et de responsabilité citoyenne.
Vers une scène culturelle inclusive
Le festival de Makélékélé illustre une tendance plus large à Brazzaville : l’émergence d’événements qui allient arts urbains et enjeux de société. En offrant une tribune aux voix montantes du slam, la capitale nourrit une scène culturelle plurielle ouverte à toutes les sensibilités.
Pour de nombreux observateurs, cette évolution contribue au rayonnement du Congo-Brazzaville. Les artistes qui se produiront devant le public brazzavillois entendent porter leurs textes au-delà des frontières, profitant des réseaux régionaux déjà consolidés avec Yaoundé, Libreville ou Abidjan.
Des perspectives de partenariats sont d’ailleurs évoquées entre le C.a.d et des centres culturels étrangers, afin d’accompagner les lauréats sur les grandes scènes africaines. Cette ouverture pourrait renforcer la diplomatie culturelle congolaise, vecteur d’influence et de dialogue interafricain.
À l’approche des festivités de fin d’année, le festival représente un rendez-vous festif et constructif. La parole des jeunes y trouvera une caisse de résonance, démontrant que le slam à Brazzaville n’est pas seulement un loisir, mais un levier de cohésion et de développement partagé.
