Stagi, moteur d’insertion professionnelle
À Brazzaville, la remise des attestations à un premier groupe de stagiaires du programme Stagi a constitué bien plus qu’une cérémonie protocolaire ; elle a cristallisé l’espoir d’une génération en quête d’intégration professionnelle et a rappelé la priorité que l’État accorde à la valorisation du capital humain.
L’initiative, pilotée par le Fonds national d’appui à l’employabilité et à l’apprentissage, s’inscrit dans la Stratégie nationale de l’emploi et répond à la volonté du gouvernement de réduire le chômage des jeunes tout en dynamisant l’appareil productif congolais par des compétences adaptées aux besoins réels.
Avec 115 stages conclus, 500 jeunes formés à la création d’entreprise, 467 accompagnés par mentors et 615 coachés de manière spécialisée, Stagi dessine un dispositif intégré qui articule apprentissage, pratique et accompagnement psychologique, trois piliers reconnus par les experts de la sociologie du travail.
Une alliance stratégique État-Entreprise-ONU
La signature, le même jour, d’une lettre d’engagement entre le Fonea et Eni Congo pour accueillir trente stagiaires supplémentaires illustre la montée en puissance des partenariats public-privé, désormais perçus comme catalyseurs indispensables d’une politique de l’emploi fondée sur la co-responsabilité.
« Investir dans le capital humain, c’est investir dans l’avenir du Congo », a martelé le directeur général d’Eni Congo, Andrea Barberi, rappelant que l’entreprise énergétique fait de la formation un axe de sa responsabilité sociétale et qu’elle agit en synergie avec la feuille de route gouvernementale.
Le Programme des Nations unies pour le développement, représenté par Adama Dian Barry, s’est engagé à consolider les acquis, soulignant que l’accès des jeunes à des compétences transférables demeure un indicateur clé des Objectifs de développement durable et un levier de cohésion sociale dans les économies émergentes.
Les retombées sociologiques du mentorat
Du point de vue sociologique, Stagi répond à la recomposition de l’insertion professionnelle dans un contexte de transition démographique marqué par une jeunesse nombreuse et instruite, mais confrontée à des marchés du travail informels où les réseaux et l’expérience priment souvent sur les diplômes académiques.
Le mentorat collectif, adossé à un coaching individualisé, cherche précisément à transformer ces logiques informelles en compétences socialement reconnues, en offrant aux jeunes un espace de réflexivité sur leurs trajectoires, facteur que les études considèrent comme décisif pour renforcer l’employabilité dans les pays du Sud.
Ces pratiques favorisent également la création d’un sentiment d’appartenance civique, souvent affaibli par le chômage de longue durée, et participent d’une citoyenneté économique qui complète les politiques publiques de lutte contre la pauvreté et renforce la confiance entre les institutions et la population.
Témoignages et expériences de terrain
Au-delà des chiffres, les témoignages recueillis auprès des nouveaux diplômés révèlent des trajectoires déjà en mutation ; l’un d’eux explique qu’il a découvert les normes HSE dans l’industrie pétrolière, un autre souligne l’importance des soft skills pour négocier un poste dans la logistique portuaire.
Ces récits illustrent la thèse selon laquelle la mise en situation de travail serait le meilleur vecteur de construction identitaire pour les jeunes adultes, un constat largement développé par les chercheurs en psychologie sociale et désormais pris en compte par les agences de coopération internationale.
Le ministre Hugues Ngouelondelé, présent lors de la cérémonie, a insisté sur la nécessité pour chaque bénéficiaire de devenir à son tour mentor, afin d’amplifier un effet multiplicateur qui pourrait, d’ici quelques années, toucher plusieurs milliers de jeunes dans les principales villes du pays.
Vers une deuxième cohorte ambitieuse
L’appel à candidatures pour la seconde cohorte, ouvert en ligne, témoigne de l’effort de digitalisation des services publics et répond à l’engouement d’une jeunesse connectée ; les inscriptions dématérialisées réduisent les coûts de transaction et limitent les disparités territoriales d’accès aux programmes.
Les responsables du Fonea envisagent déjà d’élargir le spectre sectoriel, en intégrant l’agro-transformation, le numérique et les énergies renouvelables, domaines identifiés comme porteurs par la Commission économique africaine et susceptibles de créer des écosystèmes d’innovation inclusive sur l’ensemble du territoire.
Selon des données internes, plus de deux mille candidatures pourraient affluer dans les prochaines semaines, signe que la confiance s’installe et que la visibilité institutionnelle du programme grandit, portée par les réseaux sociaux et les partenariats avec les universités publiques et privées.
Un enjeu structurel pour l’économie nationale
Pour les économistes, Stagi participe de la consolidation du tissu productif national en réduisant l’écart entre formation et besoin du marché, écart souvent qualifié de mismatch et responsable d’une part significative du sous-emploi urbain observé dans la zone de la Communauté économique des États d’Afrique centrale.
À terme, l’initiative pourrait devenir un modèle reproductible dans d’autres pays francophones, combinant financement national, mentorat privé et accompagnement multilatéral ; un triptyque jugé pertinent dans les rapports du Pnud pour faire émerger une économie diversifiée et résiliente, fondée sur le savoir et l’innovation.