Mossendjo attend son plein d’énergie
Dans la forêt dense du Niari, Mossendjo voit se dessiner un horizon nouveau : une station-service moderne estampillée TotalEnergies EP Congo sort de terre, promesse de répit pour les automobilistes confrontés à la pénurie chronique de carburant.
L’infrastructure, actuellement réhabilitée par l’entreprise Man Meker, doit être opérationnelle sous trente jours selon le chef des travaux Thaman Loemba Lui-même, qui évoque « les derniers ajustements » avant la mise en service.
Au-delà de l’événement local, le projet s’inscrit dans la politique nationale de revitalisation des centres secondaires, portée par les autorités congolaises en faveur d’un aménagement équitable du territoire et d’une croissance inclusive.
Une réponse à des années de pénurie
Depuis la fermeture des deux stations Hydro Congo dans les années quatre-vingt-dix, les conducteurs de Mossendjo parcourent près de 190 kilomètres jusqu’à Dolisie pour faire le plein, un détour coûteux qui ralentit la mobilité et renchérit les produits de première nécessité.
Face au vide, un marché informel baptisé « kadhafi » s’est développé : des jeunes sans emploi vendent carburant et lubrifiants en bidons, souvent sans équipement de sécurité, au risque d’accidents et d’une qualité incertaine du produit.
L’arrivée d’une pompe officielle devrait donc atténuer la dépendance à cette économie de survie et formaliser la distribution, tout en sécurisant la chaîne d’approvisionnement grâce à des normes strictes de stockage et de contrôle.
Des retombées économiques attendues
Selon les projections de TotalEnergies EP Congo, la station créera immédiatement une quinzaine d’emplois directs, auxquels s’ajouteront des activités induites dans le petit commerce, la maintenance et le transport.
La sociologue Sylvie Moussavou estime que « l’effet multiplicateur pourrait tripler le revenu local, car chaque franc injecté dans l’énergie génère de nouvelles transactions marchandes », citant le cas comparable de Makoua en 2019.
Pour la municipalité, la hausse attendue de la taxe sur les produits pétroliers représente une source additionnelle de recettes, utile au financement d’infrastructures sociales telles que l’adduction d’eau ou la rénovation des écoles publiques.
Sécurité et environnement sous surveillance
L’équipe de chantier a balisé un périmètre de sécurité de cinquante mètres autour des cuves pour prévenir tout risque d’incendie, conformément aux recommandations du ministère des Hydrocarbures et de la direction générale de la protection civile.
Des systèmes de récupération des vapeurs et des séparateurs d’hydrocarbures sont installés afin de réduire les émissions et d’éviter les écoulements dans la rivière Lowa, située à moins de trois cents mètres.
Le chef des travaux rappelle que l’opération de remplissage des cuves passera par un protocole de liaison rapide, réduisant la durée d’exposition et les nuisances sonores pour les riverains, un point salué par l’association locale Nzoko Verte.
Vers un réseau national plus résilient
TotalEnergies EP Congo ambitionne de renforcer son maillage en milieu rural avec six autres stations d’ici 2025, notamment à Mayoko, Makabana et Mbinda, comblant ainsi les vides laissés par la dissolution d’Hydro Congo en 2002.
Le ministère des Hydrocarbures souligne que ces investissements privés s’additionnent au programme public de modernisation des dépôts régionaux, destiné à sécuriser le couloir Pointe-Noire–Brazzaville et à éviter les ruptures d’approvisionnement observées lors des pics de consommation.
À terme, l’exécutif espère réduire de moitié le recours aux réseaux parallèles, favoriser la stabilité des prix à la pompe et encourager la bancarisation des transactions, facteurs essentiels d’une économie formelle plus robuste.
Les experts rappellent toutefois que l’amélioration du réseau suppose également un renforcement des dessertes ferroviaires et routières, afin d’acheminer sans délai les produits raffinés depuis Pointe-Noire ; un chantier logistique où l’État travaille en concertation avec les opérateurs économiques locaux.
Dans ce cadre, la réhabilitation prochaine de la ligne CFCO jusqu’à Mbinda est envisagée comme une pièce maîtresse, capable de fluidifier les flux de carburant et de minerais, tout en désenclavant plusieurs localités frontalières.
Une inauguration très attendue
Le calendrier prévoit une mise en service dans le courant du mois prochain, sous l’égide du préfet du Niari et des responsables de TotalEnergies, avant un démarrage progressif des ventes pour roder les équipements et ajuster la logistique.
Les habitants interrogés disent attendre surtout une baisse des coûts de transport interurbain, qui ont flambé de 25 % en deux ans faute de carburant régulier, un enjeu crucial pour l’acheminement des récoltes vers les centres urbains.
« Si le prix reste stable, on pourra vendre nos régimes de palme sans perdre notre marge », confie Clémentine Ndinga, planteuse des environs, illustrant l’impact direct de l’énergie sur la filière agricole locale.
Pour Mossendjo, l’arrivée d’une station-service ne se résume donc pas à un commerce supplémentaire : elle incarne l’idée que la croissance, pour être durable, doit irriguer tous les territoires, jusque dans les artères les plus reculées du Congo. Un signal attendu par la jeunesse locale.