Cap sur l’efficacité publique
Dans une salle sobrement décorée du ministère de la Réforme de l’État, trente agents publics ont officiellement reçu, le 3 septembre à Brazzaville, leurs attestations en conception et mise en œuvre d’un système de suivi et évaluation axé sur les résultats.
La cérémonie, présidée par le ministre délégué auprès du Premier ministre, Luc Joseph Okio, résonne dans le prolongement des engagements gouvernementaux en matière de modernisation administrative, un chantier que l’exécutif congolais considère comme essentiel pour accélérer la délivrance de services publics performants et transparents.
En prononçant son discours, le ministre a rappelé que le suivi-évaluation dépasse le simple rituel statistique : il constitue, selon lui, « la boussole qui éclaire chaque dépense », garante d’une responsabilité de plus en plus exigée par les citoyens et les partenaires techniques.
Une formation hybride et intensive
Le parcours, étalé du 12 au 16 mai, a combiné modules en ligne et ateliers présentiels, offrant aux cadres de plusieurs ministères un apprentissage interactif fondé sur des études de cas locales et des exercices pratiques de planification budgétaire.
Sous la supervision du conseiller à l’évaluation des réformes, Roger Ongouaomo-Moké, les participants ont abordé des thématiques telles que la construction d’indicateurs, la théorie du changement et l’analyse coût-efficacité, avec un accent particulier sur l’appropriation des standards internationaux adaptés au contexte congolais.
Les travaux pratiques ont notamment invité les stagiaires à simuler le cycle complet d’un projet d’infrastructure, depuis la collecte des données de référence jusqu’à l’ajustement des tableaux de bord, afin d’intégrer la culture des résultats dans le geste technique quotidien.
Cette pédagogie, jugée exigeante par plusieurs participants, cherche à rompre avec les sessions théoriques parfois éphémères. « Le volet pratique rassure, parce qu’il teste notre capacité à mobiliser les outils dès le retour au bureau », confie une bénéficiaire du ministère des Finances.
Vers une culture des résultats
Au-delà de la remise symbolique, le gouvernement souhaite consolider un écosystème où chaque programme public est balisé par des indicateurs vérifiables, une démarche compatible avec la Stratégie nationale de développement et les Objectifs de développement durable auxquels le Congo-Brazzaville a adhéré.
Luc Joseph Okio insiste : la redevabilité n’est plus une option mais « un impératif démocratique ». Pour lui, disposer de données probantes réduit les marges d’erreur, optimise l’allocation des ressources et augmente la confiance des partenaires internationaux, facteurs clés d’un financement durable.
Le conseiller Ongouaomo-Moké partage cet avis : « La certification n’est qu’un début. Elle induit une obligation d’exemplarité ». L’administration compte sur ces nouveaux experts pour animer des cellules internes de suivi-évaluation, mutualiser les leçons apprises et alimenter une base de connaissances centralisée.
En parallèle, un groupe de suivi a été institué pour évaluer trimestriellement le degré d’appropriation des compétences, avec un système de mentorat croisé entre ministères afin de diffuser les bonnes pratiques au-delà des structures déjà familières des méthodes de gestion axée sur les résultats.
Un levier pour le Plan stratégique 2025-2029
Le ministère chargé de la Réforme de l’État finalise actuellement un Plan stratégique couvrant 2025-2029. Cet outil, issu d’un diagnostic participatif, ambitionne d’harmoniser les procédures, digitaliser la collecte de données et renforcer la performance des institutions à l’aune des standards régionaux.
Le suivi-évaluation apparaît alors comme la charpente invisible du futur dispositif. À chaque palier, des métriques doivent renseigner sur l’avancement des chantiers, fluidifier la prise de décision politique et donner aux citoyens une lecture claire des résultats obtenus par les différentes directions techniques.
Pour garantir la cohérence, le ministère envisage l’intégration progressive d’outils numériques libres, capables de consolider en temps réel les indicateurs venus des collectivités locales, des entreprises publiques et des agences spécialisées, tout en assurant la sécurité des données stratégiques de l’État.
Des discussions sont également ouvertes avec certaines universités congolaises afin de mettre sur pied un certificat universitaire de suivi-évaluation. L’idée est de créer une filière pérenne dans laquelle les futurs diplômés pourront venir renforcer l’administration ou proposer leurs compétences aux organisations régionales installées à Brazzaville.
Un engagement suivi de près
Les partenaires techniques, dont la Banque mondiale et l’Union africaine, observent avec intérêt cet effort de professionnalisation. Selon un consultant basé à Kinshasa, la démarche congolais « rattrape un déficit historique en matière d’évaluation publique », tout en offrant des perspectives de coopération Sud-Sud.
Reste désormais à transformer l’essai. Les trente agents certifiés devront décliner leurs nouveaux réflexes méthodologiques dans des contextes parfois contraints par la rareté budgétaire. Le succès de cette phase opérationnelle déterminera la capacité de l’administration à ancrer durablement la culture de la preuve.
En clôturant la cérémonie, Luc Joseph Okio a formulé un souhait limpide : « Que vos compétences irriguent chaque service, chaque projet ». Un vœu qui, s’il se réalise, placerait le suivi-évaluation au cœur de l’efficacité publique tant attendue par les citoyens congolais.