Pointe-Noire renforce l’identité des taxis moto
Sous une fine bruine océane, une centaine de taxis moto se sont alignés devant le siège de la Fédération syndicale des professionnels des transports en commun, à Pointe-Noire, pour recevoir des gilets fluorescents aux couleurs de la fédération.
Le geste, symbolique, vise à rendre les conducteurs plus visibles et à faciliter leur contrôle par les forces de l’ordre, alors que le trafic urbain connaît un essor continu dans la capitale économique congolaise.
Un décret de juillet 2024 en toile de fond
Derrière la distribution des gilets se trouve le décret 2024-324 du 9 juillet 2024, texte qui encadre strictement l’activité des taxis moto sur l’ensemble du territoire de la République du Congo.
Les articles 3, 4, 5, 6, 8 et 9 rendent obligatoires le port de deux casques homologués, l’immatriculation des engins, la limitation à un passager et réservent l’exploitation aux seuls nationaux, rappelant l’objectif gouvernemental de sécurité et d’ordre public.
Les gilets, premier jalon d’une professionnalisation
Pour Bienvenu Mabiala, secrétaire général de la Fesyptc, la remise de ces équipements marque le point de départ d’une professionnalisation annoncée du secteur, longtemps caractérisé par l’informel et l’absence de signalétique claire.
« Nous devons protéger notre outil de travail tout en respectant l’État », a-t-il rappelé devant l’assemblée, insistant sur la responsabilité de la fédération à accompagner ses membres dans la mise en conformité.
Sécurité routière et exigences techniques
Le décret prévoit des sanctions administratives dès la première infraction, pouvant aller de la confiscation temporaire de la moto à des amendes graduées, mesures que la Direction générale de sécurité présidentielle est chargée de faire appliquer.
Face aux contrôles renforcés, le port du gilet sert de passeport visuel, distinguant les affiliés de la fédération et attestant de leur engagement à respecter la réglementation, un point que saluent les autorités municipales.
Plusieurs chauffeurs reconnaissent néanmoins persister à transporter deux passagers aux heures de pointe, faute de rentabilité suffisante, attitude que la fédération s’efforce de corriger par un dialogue constant plutôt que par un discours répressif.
La pédagogie syndicale sur le terrain
Lors de l’assemblée générale, les délégués ont rappelé l’importance des séances de sensibilisation, organisées presque chaque semaine dans les arrondissements, pour expliquer la logique du décret et éviter des affrontements inutiles avec les patrouilles mixtes.
La démarche, confie un responsable de quartier, permet aussi de rapprocher les jeunes conducteurs des centres agréés de formation, condition préalable à l’obtention du certificat de capacité exigé par la nouvelle réglementation.
Les conducteurs partagés entre adhésion et inquiétudes
Si certains motards craignent une hausse des charges, d’autres voient dans la réforme une opportunité d’améliorer leur image auprès de la clientèle, souvent réticente à monter sur des engins perçus comme peu sûrs.
« Le gilet est un début, mais il faudra que chacun porte son casque », souligne Marie-Claire Ngoma, vendeuse de fruits installée sur l’avenue Charles-de-Gaulle, témoin quotidien des allées et venues des motos.
Un encadrement administratif en expansion
Sur le plan administratif, la préfecture de Pointe-Noire annonce la création prochaine d’un guichet unique où les exploitants pourront déposer dossiers d’immatriculation, demandes de permis et attestations d’assurance, démarche destinée à fluidifier un circuit parfois jugé fastidieux.
Le ministère des Transports étudie, parallèlement, la possibilité d’introduire un numéro vert pour signaler tout comportement dangereux, couplé à une campagne médiatique visant à promouvoir le respect de la limitation à 50 km/h.
La prochaine étape : le certificat de capacité
La question du certificat de capacité, exigé pour tous les conducteurs, reste cruciale : il validera la maîtrise du Code de la route, des premiers secours et des rudiments de mécanique, compétence jugée indispensable pour réduire les pannes inopinées.
Des sessions pilotes ont déjà eu lieu dans deux centres de formation professionnelle, attirant une quarantaine de chauffeurs ; la fédération espère atteindre rapidement le millier d’inscrits afin d’éviter que la Dgsp n’interrompe l’activité de ceux restés en marge.
Un modèle pour d’autres centres urbains
Les autorités locales estiment que l’expérience de Pointe-Noire pourrait inspirer d’autres pôles urbains, de Dolisie à Ouesso, renforçant la vision d’un transport moto plus sûr et plus lisible au service de la mobilité nationale.
Brazzaville pourrait, selon plusieurs observateurs, calquer rapidement ce dispositif amélioré.
Cadre économique et fiscalité adaptée
Sur le plan économique, la fédération négocie aussi avec les services fiscaux un régime simplifié de patente, argumentant que la formalisation du secteur doit s’accompagner d’une pression fiscale supportable pour des opérateurs souvent issus de l’économie informelle.
Un représentant du Trésor local précise qu’une exonération partielle de la première année pourrait être envisagée, à condition que chaque moto soit immatriculée dans un délai de trois mois, afin de sécuriser les recettes tout en soutenant la transition.
Regard des experts en mobilité urbaine
Pour Jean-Paul Kimbouala, chercheur en mobilité urbaine à l’Université Marien-Ngouabi, l’initiative de Pointe-Noire illustre « une convergence entre pragmatisme local et volontarisme national », susceptible, selon lui, d’ouvrir la voie à un réseau structuré de transport léger complémentaire aux bus.
Il rappelle toutefois que la réussite dépendra de l’entretien des routes secondaires, souvent dégradées, sans quoi la sécurité des passagers restera tributaire des aléas du terrain.