Une impulsion régionale sans précédent
Réunis à Yaoundé, les régulateurs d’Afrique centrale ont franchi une étape décisive en adoptant un paquet de réformes attendu depuis plusieurs années, visant à aligner la gestion du secteur numérique sur les standards internationaux.
Cette dynamique s’inscrit dans un contexte marqué par la croissance fulgurante des abonnements mobiles et l’émergence d’usages innovants, des applications bancaires aux plateformes d’enseignement à distance, qui exigent une supervision efficace et transparente.
Selon plusieurs analystes, l’initiative illustre la volonté politique de la sous-région de transformer le numérique en levier de diversification économique, complémentaire aux ressources extractives traditionnellement dominantes dans les produits d’exportation.
Statuts modernisés et compétences élargies
Les nouveaux statuts de l’Artac intègrent désormais le secteur postal, longtemps resté en marge des discussions technologiques, afin d’offrir un cadre homogène aux services de logistique numérique et de commerce électronique transfrontaliers.
La Conférence des régulateurs devient une assemblée générale dotée de prérogatives renforcées ; elle pourra adopter des recommandations contraignantes, facilitant l’harmonisation des cadres législatifs nationaux et réduisant les asymétries réglementaires qui freinent l’investissement.
Créés pour durer, trois groupes de travail permanents analyseront respectivement la gestion du spectre, la protection des consommateurs et la fiscalité numérique, garantissant un suivi technique soutenu entre les réunions statutaires.
Un observatoire au service des décideurs
La cession officielle de l’Observatoire des TIC au consortium universitaire ENSPY–SUP’PTIC marque la naissance d’une plateforme d’intelligence économique capable de collecter, vérifier et diffuser des indicateurs validés par l’Union internationale des télécommunications.
Doté d’un financement européen de deux millions d’euros, l’outil fournira aux gouvernements des tableaux de bord comparatifs sur la pénétration Internet, la qualité de service ou l’inclusion numérique, réduisant les décisions à l’aveugle.
Pour Prosper Mvoula, enseignant-chercheur à Brazzaville, « la disponibilité de données certifiées offrira aux ministères des Finances une base solide pour calibrer les incitations fiscales et attirer les opérateurs dans les zones encore faiblement connectées ».
Free Roaming : vers une mobilité sans frontières
Depuis 2021, plusieurs capitales expérimentent la suppression des surtaxes d’itinérance, permettant aux usagers de téléphoner chez leurs voisins au même tarif local ; l’Artac entend désormais assurer le suivi technique et commercial de l’initiative.
Les régulateurs estiment qu’une facturation transparente pourrait accroître le trafic régional de 15 %, stimulant la concurrence et l’interopérabilité, tout en renforçant la cohésion économique prévue par la zone de libre-échange continentale.
Cependant, l’harmonisation des structures tarifaires suppose une coopération serrée entre opérateurs privés, autorités fiscales et banques centrales, afin d’éviter les arbitrages réglementaires et de garantir une répartition équitable des recettes d’interconnexion.
Gestion concertée des fréquences transfrontalières
La question du spectre radioélectrique demeure cruciale ; aux frontières, les chevauchements de signaux provoquent interférences et pertes de revenus, un problème amplifié par la montée en puissance de la 4G et de la 5G.
Les États ont mandaté un groupe d’experts chargé de cartographier les bandes les plus sollicitées et de proposer des protocoles d’allocation partagée, suivant les recommandations du dernier Congrès mondial des radiocommunications.
À terme, une meilleure coordination réduira les coûts d’investissement des opérateurs et accélérera l’extension des réseaux dans les zones rurales, enjeux prioritaires pour les politiques d’aménagement du territoire du Congo-Brazzaville.
Financement durable et nouvelle identité visuelle
Pour garantir la pérennité de ses actions, l’Artac a acté le principe d’une cotisation annuelle portée à 20 millions de francs CFA dès 2026, soulignant la confiance accrue des membres dans la valeur ajoutée régionale.
Cette autonomie budgétaire s’accompagne d’une charte graphique modernisée ; le futur logo, dévoilé dans quelques mois, doit refléter l’ouverture aux innovations et la résilience institutionnelle, deux facteurs clés de la marque télécoms Afrique centrale.
Les responsables espèrent qu’une image cohérente améliorera la lisibilité auprès des partenaires techniques et financiers, qu’il s’agisse de bailleurs multilatéraux ou de start-up locales en quête d’écosystèmes réglementaires stables.
Le Congo-Brazzaville, acteur engagé de la transformation
Présente dans toutes les discussions, la délégation congolaise a mis en avant les avancées nationales, notamment l’opérationnalisation du Backbone national et la récente baisse des tarifs Internet qui soutient l’ambition gouvernementale d’une société connectée.
Selon un conseiller du ministère des Postes et Télécommunications, les réformes régionales offrent « une opportunité unique de mutualiser les ressources humaines et techniques pour accélérer l’inclusion numérique des ménages à faible revenu ».
En soutenant la montée en gamme de l’Artac, Brazzaville confirme sa volonté de bâtir un environnement numérique de confiance, condition essentielle à l’éclosion des services mobiles de santé, d’agriculture intelligente ou de paiement électronique.
Cap sur Kinshasa 2026 : attentes et perspectives
La prochaine session ordinaire, programmée à Kinshasa, devrait entériner les premiers résultats des groupes de travail et évaluer la performance de l’Observatoire, un test crucial pour la fiabilité des données collectées.
Les régulateurs devront également se prononcer sur les premiers retours du Free Roaming et lancer une réflexion sur la cybersécurité, sujet devenu central avec la multiplication des attaques visant institutions financières et PME.
En attendant, l’Artac mise sur une diplomatie technique continue ; des ateliers en ligne seront organisés chaque trimestre afin de maintenir la dynamique, partager les bonnes pratiques et consolider la vision d’un marché numérique intégré.