Ouverture de l’atelier à Brazzaville
Réunis trois jours durant sur les rives du fleuve Congo, responsables associatifs, experts forestiers et délégués gouvernementaux ont inauguré à Brazzaville la toute première Communauté de pratique francophone consacrée aux droits fonciers et forestiers des peuples autochtones du Bassin du Congo.
Fruit d’un partenariat serré entre le Réseau régional des peuples autochtones d’Afrique centrale, Repaleac, et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, cette plateforme offre un cadre d’échanges continu, du partage d’expérience à la coproduction d’outils juridiques adaptés.
L’événement s’inscrit dans la dynamique internationale du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, qui encourage les États à reconnaître les savoirs traditionnels et à sécuriser les espaces vitaux des communautés locales, tout en résonnant avec l’axe stratégique numéro un du Repaleac.
Brazzaville au cœur d’un réseau régional foncier
En accueillant l’atelier, la République du Congo réaffirme sa volonté de jouer un rôle moteur dans les initiatives régionales liées à la forêt équatoriale. Les autorités locales ont facilité la logistique et salué l’émergence d’un dialogue technique susceptible de consolider la paix sociale et la durabilité environnementale.
Les participants provenaient du Cameroun, de la République centrafricaine, du Gabon et du Rwanda. Le format hybride, à la fois présentiel et visioconférence, a permis d’élargir l’audience aux experts basés à Kinshasa et Ndjamena, donnant ainsi une dimension véritablement sous-régionale à la démarche.
Une Communauté de pratique pour unifier les voix
La Communauté de pratique, baptisée CoP Afrique francophone, se veut un espace permanent, où juristes, cartographes et représentants autochtones analysent, chaque trimestre, les réformes foncières en cours, évaluent leurs impacts et élaborent des plaidoyers communs destinés aux décideurs publics ou investisseurs privés.
Un comité de coordination restreint, issu de Brazzaville, supervisera la feuille de route. Son mandat couvre la collecte de données, l’organisation de webinaires et la préparation de missions de terrain auprès des villages pygmées voisins du parc national d’Odzala-Kokoua, zone emblématique.
« Nos peuples ne demandent pas des privilèges, mais la reconnaissance de leurs usages ancestraux », a rappelé Catherine Fleur Amban Nkoro, venue du Cameroun. Selon elle, la CoP arrive à point nommé pour systématiser des arguments techniques face aux gouvernements et attirer des financements climatiques.
Sécurisation des terres, socle de la biodiversité
Le Bassin du Congo stocke près de 30 milliards de tonnes de carbone, selon la FAO. Les membres de la CoP estiment que la clarification des droits coutumiers constitue un préalable à tout mécanisme de réduction des émissions, car elle encourage une gestion concertée des forêts.
Plusieurs études montrent que les parcelles administrées par les communautés autochtones affichent des taux de déforestation deux fois moindres que les concessions classiques. Inscrire cette réalité dans les législations nationales apparaît, pour les chercheurs présents, comme la voie la plus sûre vers les objectifs climatiques.
La République du Congo, déjà engagée dans le Partenariat pour les forêts du Bassin du Congo, envisage de tester des certificats fonciers communautaires dans deux départements forestiers. Les experts voient dans ces pilotes un laboratoire pouvant inspirer le Cameroun ou la République centrafricaine.
États pilotes et feuille de route opérationnelle
À l’issue des travaux, les membres ont retenu le Congo-Brazzaville et le Cameroun comme pays pilotes. Ils y mèneront, dès le premier semestre, des cartographies participatives, l’archivage numérique des titres coutumiers et des ateliers municipaux destinés à rapprocher chefs coutumiers et administrations cadastrales.
La CoP entend aussi contribuer à la conception du futur Mécanisme technique mondial sur le foncier, plateforme onusienne en gestation. En fournissant des retours de terrain, les pays pilotes espèrent influencer les normes internationales afin qu’elles reflètent davantage les réalités rurales d’Afrique centrale.
Vers une gouvernance foncière inclusive et apaisée
Pour le Repaleac, la sécurisation foncière ne se limite pas aux titres. Elle implique l’accès aux marchés, la santé et l’éducation. « Une gouvernance foncière inclusive accroît la résilience des communautés face aux chocs climatiques », a souligné Jonas Mvoulou, chargé de programme basé à Libreville.
Les partenaires financiers, à l’image du Fonds vert pour le climat, suivent avec attention ces avancées. Des premières annonces laissent espérer une ligne budgétaire spécifique à la cartographie communautaire. Les organisateurs jugent que cette perspective crédibilise l’agenda régional et motive les collectivités locales à s’engager.
En conclusion de l’atelier, les participants ont adopté une déclaration qui invite chaque État à harmoniser ses régimes juridiques, tout en reconnaissant le rôle moteur de Brazzaville. Le document souligne qu’une approche concertée transformera la forêt congolaise en levier de prospérité partagée et durable.
