La diplomatie congolaise à Yokohama
Chargé par le président Denis Sassou Nguesso de conduire la délégation nationale, le ministre de la Coopération internationale et de la Promotion du Partenariat public-privé, Denis Christel Sassou Nguesso, a pris place le 20 août dans le grand auditorium de Yokohama où s’ouvre la neuvième TICAD.
Sa participation s’inscrit dans la continuité de la stratégie diplomatique congolaise, soucieuse de valoriser la stabilité politique du pays et sa volonté d’attirer des investissements structurants. « Nous venons partager l’expérience congolaise et écouter nos partenaires pour bâtir des synergies gagnantes », a-t-il déclaré à la presse locale.
TICAD 9, une plateforme pour des partenariats inclusifs
Placée sous le thème « Co-créer des solutions innovantes », la TICAD 9 est coprésidée par le chef de l’État angolais João Lourenço, président en exercice de l’Union africaine, et par le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba. L’accent est mis sur les réponses concertées aux défis contemporains.
Trois séances plénières déclinent les priorités classiques de la TICAD : paix et sécurité, dynamisme économique et progrès sociétal. Les Nations unies, la Banque mondiale et la Commission de l’Union africaine y sont représentées au plus haut niveau, garantissant un dialogue multilatéral que Tokyo juge « indispensable ».
Des priorités congolaises axées sur la diversification économique
Le Congo présente à Yokohama les axes structurants de son Plan national de développement 2022-2026, centré sur l’industrialisation hors pétrole, la valorisation du bois certifié et l’agro-business. La participation privée est considérée comme un levier essentiel pour réduire la dépendance aux hydrocarbures.
Afin de rassurer les investisseurs, Brazzaville met en avant ses réformes fiscales et la création récente d’un guichet unique pour les partenariats public-privé. « Notre objectif est de raccourcir les délais de montage des projets et d’augmenter la transparence », souligne un conseiller technique du ministère.
Dans les couloirs du Pacifico Yokohama, Denis Christel Sassou Nguesso insiste sur le potentiel des zones économiques spéciales de Pointe-Noire et d’Oyo-Ouesso. Selon lui, l’expertise japonaise en logistique portuaire et en transformation du gaz offre « une complémentarité naturelle ».
Les attentes africaines face au multilatéralisme
Devant les délégués, João Lourenço a rappelé que la pandémie de Covid-19 a retardé la mise en œuvre de l’Agenda 2063. Il préconise un recentrage sur la santé, la sécurité alimentaire, l’éducation et l’énergie, domaines où le Japon est déjà engagé via l’initiative ABE.
Le retour d’un certain protectionnisme mondial pousse l’Afrique à réclamer des mécanismes financiers plus équitables. « Notre continent ne demande pas la charité, il plaide pour des taux concessionnels adaptés à ses réalités », analyse la professeure Carine Mwimba, économiste congolaise observatrice à la TICAD.
Parallèlement, la sécurité reste une exigence partagée. Les avancées des processus de paix dans l’est de la RDC ou au Soudan sont suivies de près. Le ministre congolais a rappelé que la stabilité régionale conditionne toute ambition économique durable.
Perspectives de coopération Congo-Japon
Les relations diplomatiques entre Brazzaville et Tokyo, établies en 1964, se sont progressivement renforcées autour de projets soutenus par la JICA, du développement rural à la télé-épidémiologie. Les discussions actuelles portent sur une nouvelle ligne de crédit pour moderniser l’aéroport Maya-Maya.
La transition numérique, priorité nationale, est au centre d’un protocole signé en marge de la conférence avec un consortium nippon spécialisé dans la cybersécurité. L’accord prévoit la formation de 200 ingénieurs congolais et l’installation d’un centre de données à Brazzaville d’ici 2027.
Le secteur énergétique retient aussi l’attention. L’Agence japonaise pour le développement des énergies renouvelables a proposé un partenariat pour valoriser le potentiel solaire du Plateau des Cataractes. Le Congo y voit un moyen d’alimenter ses futures zones industrielles à moindre coût.
Sur le plan culturel, la diplomatie congolaise soutient un programme de résidences artistiques croisées. Selon le sociologue Jean-Marc Makouta, « ces échanges nourrissent une compréhension mutuelle qui dépasse les seules logiques marchandes ».
Un rôle stratégique pour la sous-région
Situé au cœur de l’Afrique centrale, le Congo capitalise sur sa façade atlantique et la paix dont il jouit depuis deux décennies pour servir de point d’ancrage logistique à ses voisins enclavés. La TICAD lui offre une vitrine supplémentaire pour convaincre.
À l’issue des trois jours de travaux, un document final dressera la feuille de route 2025-2028. Brazzaville espère y inscrire plusieurs engagements concrets, notamment un fonds mixte de garantie pour les PME locales. « Nous voulons que les succès annoncés se traduisent rapidement sur le terrain », affirme Denis Christel Sassou Nguesso.
Au-delà des signatures, les analystes rappellent que la crédibilité des promesses dépendra de l’agilité administrative et de la capacité des parties à absorber les financements. Les observateurs congolais quittent Yokohama avec prudence, mais aussi avec la conviction que les convergences Afrique-Japon se consolident.