Le Congo place sa voix au cœur de Ticad 9
Au Palais des congrès de Yokohama, la délégation congolaise a capté l’attention dès l’ouverture de la Ticad 9. Porteur d’un message du chef de l’État, le ministre Denis Christel Sassou Nguesso a rappelé que la croissance africaine exige désormais des alliances calibrées sur l’inclusion et la durabilité.
Son propos a immédiatement trouvé un écho dans une salle où diplomates, financiers et chercheurs cherchaient un nouveau cadre de référence. En insistant sur le transfert de technologies et sur l’accès simplifié aux financements, Brazzaville s’est positionnée comme un interlocuteur proposant des solutions plutôt qu’un simple demandeur d’aide.
Partenariat afro-japonais en mutation
Le Japon, confronté à un vieillissement démographique, cherche des partenaires capables de dynamiser sa politique « Global Gateway ». Le Congo, riche d’une jeunesse majoritaire et d’un potentiel hydrique et forestier stratégique, s’inscrit dans ce schéma gagnant-gagnant que défendent depuis trente ans les organisateurs de la Ticad.
Les deux parties entendent tirer profit de la montée en puissance de l’économie verte. D’un côté, Tokyo dispose d’innovations bas-carbone reconnues ; de l’autre, Brazzaville offre des puits de carbone naturels et des espaces propices aux énergies renouvelables. La discussion sur la tarification carbone a donc occupé une place centrale.
Zlecaf : catalyseur de valeur ajoutée locale
En évoquant la Zone de libre-échange continentale africaine, le ministre a parlé d’une « boussole pragmatique ». L’accord, une fois pleinement opérationnel, devrait abaisser les droits de douane intra-africains, permettant aux unités industrielles congolaises d’accéder à un marché de plus de 1,3 milliard de consommateurs.
Cette perspective modifie la chaîne de valeur des ressources naturelles, jusque-là exportées brutes. Le cuivre de Mindouli, le bois d’Okoumé ou le gaz du littoral pourraient être partiellement transformés sur place, créant des emplois qualifiés et renforçant la résilience sociale face aux chocs externes.
Diversification économique : les chantiers congolais
Inscrite dans le Plan national de développement 2022-2026, la stratégie de diversification mise sur l’agro-industrie, la chimie verte et le numérique. Les autorités veulent ainsi réduire la part du pétrole de 45 % à 30 % du PIB d’ici cinq ans, tout en soutenant l’entrepreneuriat des jeunes diplômés.
Les firmes japonaises, réputées pour leur rigueur, sont invitées à rejoindre des pôles de compétitivité émergents à Oyo, Pointe-Noire et Brazzaville. « Nos zones économiques spéciales offrent des cadres juridiques transparents et une logistique multimodale connectée aux ports en eau profonde », souligne un cadre de l’Agence pour la promotion des investissements.
Diplomatie culturelle et multilatérale
Au-delà des questions macroéconomiques, Brazzaville a plaidé pour la candidature de Firmin Édouard Matoko à la direction générale de l’Unesco. Ancien sous-directeur de l’institution, le diplomate congolais incarne, selon la délégation, « une vision de dialogue interculturel qui résonne avec l’agenda 2063 de l’Union africaine ».
Ce plaidoyer, entendu par plusieurs délégations d’Asie du Sud-Est, illustre l’importance que le Congo accorde au multilatéralisme. En reliant la dimension économique à l’éducation et à la culture, la diplomatie congolaise cherche à sécuriser des soutiens transversaux, tant pour ses projets industriels que pour ses initiatives patrimoniales.
Les signaux adressés aux investisseurs nippons
Lors d’un forum parallèle, Denis Christel Sassou Nguesso a présenté un portefeuille de projets évalué à 4 milliards de dollars, couvrant l’hydrogène vert, les corridors ferroviaires et la modernisation des infrastructures de santé. Des taux de rentabilité internes supérieurs à 12 % ont été avancés, chiffres salués par l’Organisation japonaise du commerce extérieur.
Pour sécuriser ces engagements, Brazzaville mise sur un dispositif d’arbitrage inspiré de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Ohada, garantissant une résolution rapide des différends. Des exonérations fiscales limitées dans le temps, couplées à des clauses de contenu local, visent à équilibrer attrait des capitaux et ancrage territorial.
Quels impacts pour la sous-région ?
Si la Ticad 9 concrétise ces annonces, l’ensemble de la Communauté économique des États d’Afrique centrale pourrait en bénéficier. Les corridors Congo-Cameroun et Congo-Gabon gagneraient en fluidité, facilitant la circulation des marchandises produites dans les zones industrielles congolaises et stimulant, par ricochet, la compétitivité régionale.
Des experts de la Banque africaine de développement estiment qu’une mutualisation des réseaux électriques, soutenue par le Japon, permettrait de réduire de 20 % les coûts énergétiques des PME de la sous-région. Un tel gain améliorerait la marge opérationnelle et renforcerait l’attractivité des chaînes de valeur locales.
Un agenda aux confluences de la paix et de l’économie
Les discussions sur la sécurité maritime dans le golfe de Guinée ont rappelé que commerce et stabilité demeurent indissociables. Brazzaville, engagé dans l’Initiative de Yaoundé, a proposé d’inclure des technologies japonaises de surveillance par drone, étape supplémentaire vers la sécurisation des routes pétrolières et des futurs hubs gaziers offshore.
À l’issue du sommet, un communiqué conjoint a souligné la « confiance renouvelée » entre Tokyo et Brazzaville. En tablant sur une coopération pragmatique, centrée sur l’innovation et la valeur ajoutée locale, les deux pays espèrent ancrer un modèle de partenariat susceptible d’inspirer le reste du continent.
Pour plusieurs analystes, cette dynamique incarne une « diplomatie du projet », centrée sur des livrables mesurables. Ticad 9 pourrait donc devenir le laboratoire d’un nouveau Sud-Nord pragmatique, repositionnant l’Afrique centrale sur les radars institutionnels.