Une mobilisation plurielle contre le trafic
De janvier à juillet 2025, neuf présumés trafiquants d’espèces protégées ont été interpellés au Congo-Brazzaville lors d’opérations coordonnées par la gendarmerie, les Eaux et Forêts et le Projet d’Appui à l’Application de la Loi sur la Faune sauvage. Ces résultats traduisent une vigilance institutionnelle croissante.
Les arrestations se sont déroulées à Dolisie, Owando et Impfondo, signalant une couverture territoriale élargie et une répartition équitable des moyens. Les forces de sécurité ont parfois agi sous couverture, surprenant les suspects en flagrant délit de détention ou de commercialisation de peaux, écailles et ivoire.
La stratégie répond aux engagements internationaux souscrits par Brazzaville, notamment la Convention de Washington et l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Elle vise à préserver un capital naturel constitutif de l’identité congolaise et à consolider l’attractivité écotouristique promise par le Plan national de développement.
Renforcer l’État de droit environnemental
Au cœur du dispositif, le PALF apporte une expertise criminologique reconnue. Ses équipes collectent des renseignements, décryptent les filières et accompagnent les magistrats durant les audiences. Selon un responsable, la méthode repose sur le triptyque veille, flagrances et suivi judiciaire afin d’éviter l’impunité structurelle.
La loi n°37-2008, incriminant sévèrement le braconnage, prévoit jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et des amendes dissuasives. En première instance, cinq condamnations fermes ont été prononcées ce semestre. Cette application rigoureuse renforce l’État de droit environnemental et crédibilise l’appareil judiciaire auprès des communautés riveraines.
Le gouvernement souligne que la lutte préventive s’appuie aussi sur la communication. Radios communautaires, journaux nationaux et réseaux sociaux relaient des messages de sensibilisation destinés aux jeunes, publics les plus exposés au recrutement par les réseaux criminels. L’objectif est de déplacer la norme sociale vers la protection.
Dimension sociale du braconnage
Malgré ces avancées, les motivations socioéconomiques du braconnage subsistent. Dans plusieurs villages, la chasse représente un complément de revenu face à la volatilité des prix agricoles. Sans alternative rentable, les acteurs marginaux peuvent basculer vers un trafic dont les profits paraissent immédiats et supérieurs.
Les autorités multiplient donc les projets agropastoraux et les formations génératrices de revenus. À Impfondo, des coopératives féminines transforment désormais le manioc local en farine panifiable. Selon la direction départementale de l’Agriculture, ces programmes alignent sécurité alimentaire, autonomisation et conservation, trois objectifs interdépendants.
La sensibilisation passe enfin par la valorisation des savoirs traditionnels. Des chefs coutumiers rappellent que l’éléphant ou le pangolin occupent une place totémique dans les cosmologies locales. En réactivant ces récits, sociologues et ONG espèrent réancrer la protection de la faune dans l’imaginaire collectif.
Coopérations locales et internationales
Au plan régional, le Congo entretient une coopération active avec ses voisins de la CEEAC. Des patrouilles transfrontalières sont organisées dans le complexe forestier du Tri-National pour entraver la mobilité des contrebandiers. Les renseignements collectés sont partagés via une plateforme sécurisée alimentant les parquets respectifs.
Sur le front diplomatique, Brazzaville a ratifié en avril la Déclaration de Marrakech sur la criminalité environnementale. Le texte engage les États signataires à harmoniser leurs codes pénaux et à promouvoir l’entraide judiciaire. Cette convergence normative limite les zones grises juridiques exploitées par les trafiquants.
Les partenaires techniques et financiers demeurent présents. L’Union européenne, la Banque mondiale et l’Agence française de développement soutiennent des projets de traçabilité des produits forestiers. Les drones, pièges photographiques et bases de données ADN mis en place favorisent une preuve scientifique qui renforce la chaine répressive.
Perspectives de gouvernance verte
Si la répression demeure indispensable, le ministre de l’Économie forestière insiste sur une approche intégrée. Dans une allocution radiodiffusée, il a déclaré vouloir conjuguer contrôle, éducation et incitations économiques pour fabriquer une « sécurité écologique partagée » susceptible de profiter aux générations futures.
Des universitaires de Marien-Ngouabi soulignent que cette politique répond au concept de justice environnementale, lequel postule une répartition équitable des bénéfices et des charges de la conservation. Pour eux, protéger la faune revient à sécuriser des services écosystémiques indispensables à la santé publique et au climat.
Sur le terrain, plusieurs associations de jeunes volontaires organisent désormais des excursions pédagogiques dans le parc d’Odzala-Kokoua. Ces sorties illustrent la traduction concrète des politiques publiques, en créant un lien affectif direct entre les citadins et les forêts, ce qui consolide l’adhésion populaire.
Le bilan semestriel 2025 montre ainsi une combinaison de fermeté et de dialogue. Par son pragmatisme, le Congo-Brazzaville confirme sa capacité à adapter ses dispositifs à l’évolution des pratiques criminelles et à défendre un patrimoine naturel constitutif de sa souveraineté collective.
Un futur Système national d’information forestière, piloté par le Centre d’inventaire, doit agréger satellites et données douanières pour guider l’action.
Les acteurs de la société civile plaident en parallèle pour un renforcement des indicateurs de bien-être local dans l’évaluation des projets de conservation. Ils estiment qu’une réussite se mesure autant à la stabilité des ménages qu’aux courbes de populations animales.