Un procès suivi avec attention
Dans la salle du tribunal de Dolisie, l’attention silencieuse ne faiblit pas. Deux jeunes Congolais, 21 et 29 ans, comparaissent pour détention et tentative de vente de quatre pointes d’ivoire, trophées issus d’une espèce intégralement protégée par la République du Congo.
Arrêtés le 4 octobre, ils ont reconnu les faits lors de l’instruction préliminaire, selon le parquet. Leur sort sera fixé le 24 octobre, date à laquelle le juge d’instance prononcera une décision très attendue par les défenseurs de la biodiversité.
Les audiences ont suscité l’intérêt d’étudiants en droit, de représentants d’ONG et de simples citoyens, signe d’une préoccupation croissante pour la faune sauvage. Une participante confie que « la justice doit montrer l’exemple afin de décourager les réseaux ».
Dolisie attend le verdict
Dolisie, troisième ville du pays, a déjà vu défiler plusieurs dossiers liés à la criminalité environnementale, mais celui-ci réunit des éléments particulièrement sensibles, selon un avocat local, car il met en cause la circulation transfrontalière d’un produit emblématique de la lutte anti-braconnage.
Le ministère de l’Économie forestière, partie civile, insiste sur le message de fermeté. « La République du Congo ne saurait devenir un corridor pour l’ivoire illicite », affirme un cadre, rappelant que le pays a ratifié les principales conventions internationales consacrées à la protection des éléphants.
Les prévenus encourent entre deux et cinq années d’emprisonnement ferme, assorties d’une amende maximale de cinq millions de francs CFA. Depuis la réforme de 2020, les juges disposent également de mesures complémentaires, comme la confiscation des gains tirés du trafic.
Un circuit transfrontalier Gabon-Congo
D’après l’enquête, l’ivoire aurait quitté une localité gabonaise avant de franchir la frontière au poste de Mabanda, à une centaine de kilomètres de Dolisie. Le transit illustre la porosité de certains axes secondaires souvent utilisés par les contrebandiers.
Le parquet évoque la possible implication d’un partenaire basé à Libreville, sans toutefois préciser le degré de structuration du réseau. Des appels téléphoniques saisis sur les portables des suspects font apparaître des discussions sur la qualité des défenses et le prix proposé.
Les autorités gabonaises ont été saisies par voie rogatoire afin de vérifier l’origine exacte des défenses et l’éventuelle existence d’un abattage récent. Cette coopération judiciaire Sud-Sud est saluée par plusieurs organisations, qui y voient un modèle de coordination régionale.
Que dit la législation congolaise ?
L’article 27 de la loi sur la faune et les aires protégées interdit l’importation, l’exportation, la détention et le transit d’espèces intégralement protégées sans dérogation scientifique ou de reproduction. L’éléphant de forêt d’Afrique centrale figure dans cette liste depuis 1983.
Dans les faits, le texte laisse peu de marge aux prévenus. La jurisprudence récente montre une tendance à appliquer systématiquement des peines de prison ferme pour dissuader les trafiquants, tout en ménageant la possibilité d’une libération conditionnelle sous strict contrôle judiciaire.
Me Clarisse Mabiala, avocate spécialisée, estime que « la sévérité reste proportionnée à la rareté croissante de l’espèce ». Selon elle, la loi congolaise est alignée sur la Convention de Washington, ce qui renforce la crédibilité du pays dans les enceintes internationales.
Des sanctions à valeur pédagogique
Dans de précédentes affaires, les juges ont souvent assorti la condamnation d’obligations civiles, comme la participation à des campagnes de sensibilisation en milieu scolaire. Cette dimension éducative vise à rappeler les conséquences écologiques et économiques du braconnage sur la communauté nationale.
Le Fonds mondial pour la nature rappelle que chaque éléphant abattu représente une perte de potentiel touristique et de services écosystémiques. Le Congo-Brazzaville capitalise depuis plusieurs années sur ses parcs pour attirer des visiteurs et diversifier son économie au-delà des hydrocarbures.
Dans ce contexte, la réponse judiciaire contribue à la stratégie nationale de développement durable. « Les magistrats sont conscients qu’ils participent à une politique publique plus large », souligne un responsable du Programme national de gestion des aires protégées.
Préserver l’éléphant, préserver l’avenir
Les populations d’éléphants de forêt ont chuté de plus de 60 % en trois décennies, selon les relevés aériens réalisés dans le bassin du Congo. Le braconnage et la perte d’habitat figurent parmi les principales menaces identifiées par les scientifiques.
Pour endiguer le phénomène, le Congo-Brazzaville mise sur une approche combinant surveillance satellitaire, renforcement des unités mixtes et programmes de développement alternatifs destinés aux communautés riveraines. Le procès de Dolisie devient ainsi un jalon symbolique de cette démarche inclusive et résolument participative.
Vendredi 24 octobre, la sentence éclairera la portée réelle de cette politique. Quelle que soit la peine retenue, les acteurs de la conservation espèrent qu’elle renforcera la conscience collective autour de l’impératif de sauvegarder un patrimoine faunique unique.
En attendant, les habitants de la ville commentent l’affaire sur les réseaux sociaux locaux, rappelant que la justice environnementale devient un marqueur du renouvellement juridique en Afrique centrale, aux côtés des grandes réformes économiques annoncées par le gouvernement.