Enjeux planétaires de la direction de l’Unesco
À l’Unesco, la fonction de directeur général concentre des attentes mondiales : promotion de l’éducation, protection du patrimoine et arbitrage des débats scientifiques. L’élection qui s’annonce oppose désormais deux candidats après le retrait mexicain, redéfinissant l’équilibre diplomatique dans le Conseil exécutif.
Le choix final, acté par 58 États en octobre puis validé en novembre par 194 pays, dépasse la simple succession administrative. Il cristallise des visions divergentes sur le multilatéralisme, la gouvernance et la représentation régionale, dans un contexte où l’Afrique revendique un poids accru.
Stratégies de campagne contrastées
L’Égyptien Khaled Ahmed El-Enany Ali Ezz avait investi le terrain dès 2021, multipliant les déplacements et les prises de parole. Cette avance temporelle lui a longtemps assuré une image de favori, soutenue par une logistique de campagne aguerrie et par l’influence traditionnelle du Caire.
Face à lui, Firmin Édouard Matoko a officialisé sa candidature il y a deux mois seulement, mais sa stratégie ciblée mise sur des rencontres discrètes avec les électeurs-clés. La maîtrise des rouages internes, acquise au siège et en missions, lui permet de dialoguer d’égal à égal.
Observateurs et diplomates soulignent qu’une campagne courte n’est pas forcément un handicap. Le retrait mexicain a libéré des soutiens, tandis que l’effet de nouveauté renforce l’intérêt porté au profil congolais. La rivalité se joue donc moins sur la durée que sur la densité des engagements.
Le poids décisif des groupes électoraux
À l’Unesco, chaque État siège dans l’un des six groupes électoraux. Cette cartographie façonne les coalitions. L’Égypte compte traditionnellement sur la solidarité du groupe arabe et l’appui financier de plusieurs monarchies du Golfe, un bloc souvent soudé lors des scrutins multilatéraux.
La République du Congo s’appuie pour sa part sur le groupe africain, numériquement important et politiquement influent. La reconnaissance officielle de l’Union africaine à la candidature Matoko confère une légitimité collective rarement contestée, susceptible de peser lourd lors des différents tours de vote.
Entre ces deux pôles, l’Asie-Pacifique, l’Europe occidentale, l’Amérique latine et les Caraïbes demeurent les terrains de bascule. Là, le travail de conviction se fait dans la nuance, autour de thèmes partagés : jeunesse, numérique, climat, gouvernance inclusive. Chaque promesse est soupesée à l’aune d’intérêts parfois divergents.
Mobilisation régionale africaine
Le président Denis Sassou Nguesso a personnellement engagé la diplomatie congolaise en faveur de Firmin Édouard Matoko. Brazzaville articule son argumentaire sur l’expérience interne du candidat et sur la nécessité de hisser une voix africaine à la tête d’une institution historique, soixante-quinze ans après sa création.
Dans plusieurs capitales africaines, ce soutien est relayé par un discours d’équité : le continent contribue à la richesse culturelle mondiale et aspire à diriger l’organisation chargée de préserver ce patrimoine. Cet élan se nourrit des succès récents de la zone sur d’autres dossiers multilatéraux.
Les chancelleries demeurent néanmoins prudentes. Certaines redoutent des tiraillements entre blocs d’influence ou des contreparties trop exigeantes. La diplomatie congolaise mise alors sur des engagements concrets, comme une gouvernance plus transparente et un renforcement des programmes éducatifs, afin de rassurer les indécis.
Scénarios avant Samarcande
À mesure que se rapproche la quarante-quatrième Conférence générale, prévue à Samarcande, les spéculations s’intensifient. Plusieurs observateurs évoquent un scrutin serré, marqué par d’éventuels recomptages et de subtils transferts d’allégeance entre les tours, pratique courante dans les arcanes de l’Unesco.
Pour Khaled Ahmed El-Enany Ali Ezz, l’enjeu consiste désormais à consolider son socle initial en élargissant vers les groupes européens et asiatique. La continuité de son message – modernisation, numérique, valorisation des sciences – doit être réitérée sans paraître routinière.
Firmin Édouard Matoko, de son côté, capitalise sur son statut d’« homme de l’intérieur ». Sa connaissance précise des dossiers et sa proximité avec les personnels peuvent rassurer sur la faisabilité d’une gouvernance plus participative. Le pari repose sur l’attraction d’un changement sans rupture brutale.
Au-delà des personnalités, le scrutin renvoie à une question plus large : comment répartir le leadership culturel dans un monde fragmenté ? La réponse, en octobre, dira si l’heure est à la confirmation des équilibres établis ou à l’émergence d’une voix africaine renforcée.
Quel que soit le résultat, le processus illustre la capacité de la République du Congo à projeter sa diplomatie sur la scène multilatérale, en écho aux orientations du chef de l’État. Cette visibilité participe d’une diplomatie d’influence qui gagne en maturité et en audience.