Une revendication salariale héritée de la crise de 2024
La réunion tenue au complexe Bayardelle, le 26 juin 2025, a ravivé le souvenir tout récent des trois mois de grève de 2024. Le collège intersyndical, estimant que certains engagements pris le 27 décembre dernier n’ont pas été entièrement honorés, réclame le paiement de salaires différés ainsi que la régularisation d’heures diverses et de vacations. Cette revendication, inscrite dans la continuité des négociations antérieures, illustre la tension latente qui saisit régulièrement les institutions d’enseignement supérieur lorsque les contraintes budgétaires rencontrent les attentes légitimes du corps professoral.
La position de l’exécutif face aux contraintes budgétaires
Du côté gouvernemental, les canaux officiels rappellent que les versements prioritaires liés au service de la dette, aux obligations sécuritaires et aux programmes sociaux élargis ont réduit la marge de manœuvre sur le chapitre salarial. Le ministère en charge de l’Enseignement supérieur, s’appuyant sur les orientations de la loi de finances 2025, souligne qu’une programmation pluriannuelle des arriérés demeure la voie la plus réaliste. « Nous poursuivons l’assainissement progressif, sans compromettre le calendrier universitaire », confiait récemment un conseiller technique, soulignant qu’aucune coupe n’a été opérée sur les rubriques pédagogiques essentielles.
Des mécanismes de règlement inspirés par l’expérience internationale
Afin d’éviter une nouvelle perturbation du calendrier académique, les négociateurs étudient des formules de règlement échelonné, combinant apurement financier et compensations non pécuniaires telles que l’accès prioritaire à la formation continue ou la valorisation de la recherche partenariale. Ce type de solution, déjà mis en œuvre dans plusieurs universités d’Afrique australe, permet de préserver l’autorité budgétaire de l’État tout en reconnaissant l’investissement scientifique du corps enseignant. Des experts de la Banque africaine de développement, sollicités à titre consultatif, notent qu’un protocole revisité pourrait intégrer des indicateurs de performance, offrant ainsi une visibilité accrue aux bailleurs.
La stabilité universitaire, enjeu diplomatique et régional
Au-delà de la dimension salariale, la tranquillité des campus congolais conditionne la crédibilité académique du pays dans la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. L’Université Marien-Ngouabi, unique université publique pluridisciplinaire du Congo-Brazzaville, accueille près de 30 % d’étudiants étrangers provenant des États voisins. Une grève prolongée risquerait de rediriger ces flux vers d’autres pôles régionaux, ce qui, à terme, amoindrirait l’influence scientifique congolaise. Dans les chancelleries africaines, on observe avec attention la capacité de Brazzaville à consolider cet atout éducatif, perçu comme un vecteur de diplomatie d’influence.
Vers un nouveau pacte social académique
Alors que le collège intersyndical brandit la possibilité d’« actions ciblées », les négociateurs cherchent une sortie par le haut. L’hypothèse d’un fonds de soutien adossé à la fiscalité pétrolière, dédié exclusivement aux établissements publics d’enseignement supérieur, circule désormais dans les cercles techniques. Cette piste, en cours d’expertise, permettrait de stabiliser le versement des rémunérations tout en développant des infrastructures pédagogiques, sans peser davantage sur le budget général. L’idée serait de verrouiller le dispositif dans un protocole triennal, sécurisé par un comité de suivi multipartite, garantissant la lisibilité des décaissements.
Responsabilités partagées et perspectives d’apaisement
La tradition congolaise de règlement consensuel des différends, consolidée depuis la Conférence nationale souveraine, encourage aujourd’hui chaque acteur à privilégier la préservation de l’intérêt collectif. Les représentants syndicaux, conscients du rôle cardinal de l’université dans la formation des cadres nationaux, se disent ouverts à une séquence de médiation conditionnée par un calendrier précis. Pour sa part, l’exécutif réaffirme que le paiement concomitant des salaires avec ceux de la fonction publique, inscrit dans la plateforme revendicative, reste un objectif technique plutôt qu’un refus de principe. À mesure que s’esquisse un terrain d’entente, les partenaires internationaux saluent la volonté de Brazzaville de combiner discipline budgétaire et responsabilité sociale, deux piliers d’une gouvernance stable et prévisible.