Un engagement stratégique scellé à Brazzaville
Le 3 juillet dernier, dans le salon feutré du ministère des Affaires sociales, de la solidarité et de l’action humanitaire, la ministre Irène Marie-Cécile Mboukou-Kimbatsa et le représentant du Programme alimentaire mondial au Congo, Gon Meyers, ont entériné une orientation qui fait date : porter la capacité de réponse aux crises jusque dans les segments les plus éloignés de l’administration. L’échange, qualifié de « constructif » par les deux parties, s’inscrit dans une trajectoire plus large où le pays, fidèle à ses engagements internationaux, cherche à conjuguer efficacité opérationnelle et responsabilité souveraine. « Il faut donner aux structures déconcentrées les outils leur permettant de riposter plus rapidement en cas d’urgence humanitaire », a rappelé M. Meyers, soulignant la volonté d’agir avant que la vulnérabilité ne se mue en précarité.
La territorialisation de la réponse d’urgence
Dans un État dont la configuration territoriale mêle forêts denses et zones fluviales, la rapidité d’intervention reste tributaire de la proximité logistique. Les autorités congolaises reconnaissent que la centralisation exclusive à Brazzaville peut ralentir l’acheminement de vivres et de matériel de première nécessité. En dotant les directions départementales de compétences renforcées – gestion de stocks, cartographie des vulnérabilités, protocoles d’alerte –, le ministère parie sur une approche subsidiariste qui responsabilise les acteurs locaux tout en maintenant une supervision nationale. Cette territorialisation s’appuie sur un dispositif de coordination interservices destiné à fluidifier la communication verticale, gage de cohérence et d’anticipation.
Un héritage logistique à capitaliser
Le Pam, fort de ses décennies d’opérations dans la sous-région, apporte à l’accord un atout tangible : trois entrepôts stratégiquement implantés à Kindamba dans le Pool, à Bétou et à Impfondo dans la Likouala. Leur transfert, évoqué par Gon Meyers, s’apparente à une cession d’actifs doublée d’un transfert de compétences. L’idée consiste à inscrire durablement ces équipements dans le patrimoine public congolais, garantissant ainsi leur disponibilité hors de tout calendrier de projet. Outre l’économie budgétaire, le procédé inaugure un partenariat où la souveraineté de gestion va de pair avec l’utilisation optimale d’une plateforme logistique déjà éprouvée lors des récentes crues du fleuve Congo.
Conjuguer souveraineté alimentaire et égalité de genre
Le dialogue entre la ministre et le représentant onusien ne s’est pas limité au seul axe réactif. La sécurité alimentaire durable a occupé une place centrale, notamment au travers de la place accordée aux femmes productrices dans les cantines scolaires. « Renforcer les achats locaux, c’est investir dans la résilience communautaire », confie une cadre du ministère, mettant en avant l’exemple des groupements maraîchers de la Bouenza dont 70 % des membres sont des agricultrices. En valorisant les filières rurales féminisées, le gouvernement entend réduire la dépendance aux importations tout en créant un cercle vertueux où l’alimentation des élèves devient moteur de développement territorial.
La question autochtone au cœur de la solidarité nationale
Au Congo, les populations autochtones représentent un réservoir de savoirs environnementaux mais demeurent, selon plusieurs études universitaires, parmi les plus exposées à l’insécurité alimentaire. L’accord du 3 juillet réaffirme leur place dans les dispositifs d’assistance. Il s’agit d’établir des mécanismes d’inclusion active : consultation en amont des interventions, recrutement de relais communautaires et adaptation des rations aux habitudes alimentaires locales. Cette démarche répond aux standards internationaux relatifs aux droits culturels, tout en consolidant la cohésion sociale, élément clef pour un pays attaché à l’idéal d’unité dans la diversité.
Vers une gouvernance humanitaire renouvelée
Au-delà des outils logistiques et des objectifs sectoriels, l’accord esquisse une nouvelle grammaire de la gouvernance humanitaire. La programmation fondée sur des données probantes, l’évaluation participative et la formation continue des cadres territoriaux sont désormais présentées comme des indicateurs de performance autant que des impératifs éthiques. Dans un contexte international marqué par la multiplication des aléas climatiques, le Congo fait le pari d’une anticipation qui conjugue rationalité administrative et solidarité. La démarche, saluée par plusieurs partenaires techniques, conforte l’idée selon laquelle le pays, sous l’impulsion de ses autorités, investit dans des instruments pérennes capables de protéger les populations tout en préservant la dignité de chacun.