Un chantier stratégique pour la protection des femmes
Le rapport présenté à Brazzaville par l’association Kaani Assistance éclaire d’un jour nouveau l’ampleur méconnue des violences basées sur le genre en République du Congo. Il appelle les pouvoirs publics à accélérer la mise en œuvre d’un cadre de coordination nationale pour répondre efficacement à ce défi complexe.
« Il est temps d’harmoniser les systèmes d’information pour produire des statistiques crédibles », a déclaré la coordinatrice Luce Bénédicte Gangue, soulignant qu’un tel dispositif soutiendrait les politiques déjà initiées par le gouvernement et faciliterait la mobilisation de nouveaux partenariats techniques et financiers indispensables à la protection des femmes survivantes.
Vers une plateforme nationale de données fiables
Le mécanisme proposé prévoirait un guichet unique capable de collecter, consolider et anonymiser les données issues des commissariats, hôpitaux, tribunaux et organisations de la société civile. Sa vocation est double : améliorer l’orientation des survivantes et offrir aux décideurs des tableaux de bord régulièrement actualisés sur l’évolution des cas.
Actuellement, chaque institution renseigne ses propres formulaires, ce qui entraîne doublons, zones grises et retards d’analyse. L’initiative prônerait un protocole harmonisé s’inspirant des standards de l’Union africaine, tout en tenant compte des réalités locales et des impératifs de confidentialité pour renforcer la confiance auprès des victimes et bailleurs.
La Direction générale de la promotion de la femme s’est dite disposée à inscrire cette plateforme dans son budget programme, confirmant ainsi l’engagement institutionnel déjà marqué par l’adoption récente du plan national de lutte contre les VBG pour la période 2023-2027 dans une logique de résultats et transparence.
Former et équiper les intervenants de terrain
Au-delà de la technologie, le rapport insiste sur le capital humain. Mme Gangue propose des formations continues à destination des policiers, médecins, psychologues et assistants sociaux, accompagnées de guides standardisés capables d’assurer une prise en charge respectueuse, rapide et coordonnée des survivantes dès le premier contact avec un suivi.
Selon les observations recueillies, certains services restent dépourvus de matériel basique, comme des trousses médico-légales et des espaces d’écoute confidentiels. L’intégration d’un module budgétaire spécifique pourrait corriger ces lacunes et rapprocher la réponse institutionnelle des standards recommandés par les agences des Nations unies actives au Congo-Brazzaville depuis longtemps.
Le ministère de la Santé a indiqué qu’un atelier pilote, soutenu par l’ambassade de France, formera prochainement un premier noyau de 60 professionnels. Cette phase test servira de laboratoire pour éprouver, puis ajuster, les outils qui seront ensuite diffusés dans l’ensemble du territoire congolais de façon progressive sécurisée.
Des espaces sécurisés pour les survivantes
Le rapport recommande la création de centres d’accueil intégrés où les victimes obtiendraient, sous un même toit, soins médicaux, conseils juridiques et soutien psychologique. De tels espaces, déjà expérimentés à Pointe-Noire, réduisent les risques de retraumatisation liés aux démarches multiples en particulier pour les femmes vivant en ruralité.
Pour garantir la sécurité des survivantes, les centres devront être géolocalisés discrètement et dotés de protocoles de confidentialité stricts. Le ministère des Affaires sociales étudie la possibilité d’y adosser une ligne verte gratuite afin d’accélérer l’orientation et de lancer rapidement les enquêtes judiciaires nécessaires avec les forces publiques.
Un protocole commun de référencement entre hôpitaux et centres d’hébergement limitera les ruptures de suivi fréquemment signalées. Les associations féminines plaident pour l’allocation d’un fonds de solidarité qui couvrirait transports, médicaments et frais d’avocat, afin que le manque de ressources ne freine plus les démarches des victimes vulnérables.
Mobilisation communautaire et prévention renforcée
La lutte contre les VBG ne saurait se limiter au traitement des cas. Le document encourage l’implication des chefs traditionnels, des confessions religieuses et des médias locaux afin de diffuser des messages de tolérance zéro, tout en valorisant les femmes leaders comme vecteurs de changement comportemental dans communautés.
Plusieurs campagnes pilotes menées dans les quartiers périphériques de Brazzaville ont déjà permis de faire baisser les signalements de violences conjugales, grâce à des sessions de dialogue intergénérationnel et à l’introduction de clubs scolaires promouvant l’égalité filles-garçons soutenus par l’Unicef et le ministère de l’Éducation nationale congolaise récemment.
Prochaines étapes institutionnelles
La prochaine session du Comité national de suivi des droits humains devrait inscrire le mécanisme de coordination à son ordre du jour. Les experts espèrent qu’un décret viendra préciser la gouvernance, le partage des données et les obligations de reporting trimestriel pour chaque ministère concerné dès l’année prochaine.
Interrogé en marge de la cérémonie, un représentant du ministère du Plan a rappelé que la Stratégie nationale de développement 2022-2026 intègre déjà un indicateur dédié à la réduction des VBG, preuve que la question gagne une reconnaissance transversale au plus haut niveau des politiques publiques du pays.
Pour Mme Gangue, l’enjeu central reste la continuité: « Tout mécanisme est utile s’il vit au-delà des ateliers de lancement ». Elle appelle à un suivi indépendant mais coopératif, afin que les engagements pris aujourd’hui se traduisent durablement en protection tangible pour les femmes dans toutes les régions du Congo-Brazzaville entier.
