La société civile remet le dialogue au centre
Réunis à la Maison de la société civile de Brazzaville, les six réseaux membres de la Coordination nationale des associations sur la gouvernance électorale et démocratique ont, sous l’égide de Céphas Germain Ewangui, sollicité la convocation d’une concertation nationale avant la présidentielle de mars 2026. Pour ces acteurs, l’écoute préalable des forces vives constitue « la pierre angulaire d’un Congo réellement démocratique », selon les termes du secrétaire permanent du Conseil consultatif.
Cette prise de parole intervient au terme de deux journées consacrées à la révision des textes internes, à la réinstallation des organes dirigeants et à l’adoption d’une feuille de route. Le temps presse néanmoins : la campagne officielle s’ouvrira dans quelques mois, et chaque retard dans la mécanique de concertation risque, insistent-ils, d’alimenter la défiance plutôt que la participation citoyenne.
Un héritage de consultations récurrentes
Depuis 2002, les différentes échéances électorales ont été précédées, sur décision du président Denis Sassou Nguesso, d’un appel au dialogue réunissant partis politiques, confessions religieuses, organisations professionnelles et bailleurs de fonds. La Coraged salue cette « constance institutionnelle », d’autant plus méritoire que les conjonctures économiques successives n’ont pas toujours facilité l’organisation matérielle des scrutins.
En inscrivant la concertation dans la durée, les autorités ont voulu réduire les crispations héritées des années 1990 et du début des années 2000. Ainsi, l’accord de 2009 puis la concertation de 2015 ont forgé une pratique qui, sans gommer tous les antagonismes, a rendu les périodes pré-électorales plus prévisibles pour les observateurs internationaux.
La recherche d’une gouvernance électorale apaisée
Les représentants de la Coraged redoutent que l’élection redevienne une « période cauchemardesque ». À les entendre, la clé réside dans la crédibilité logistique du scrutin : fiabilité du fichier électoral, formation des agents, sécurisation des bureaux de vote. Autant d’éléments qui nécessitent un calendrier concerté et des moyens budgétaires clairement identifiés dans la loi de finances 2026.
Dans le même temps, la presse nationale est appelée à traiter la compétition avec pondération. Les associations rappellent que la liberté de la presse, garantie par la Constitution, demeure l’un des baromètres de la confiance des électeurs. Or, plus l’accès équitable aux médias sera avéré, moins les rumeurs prendront racine dans l’espace numérique.
Les attentes diplomatiques et économiques
Au-delà des frontières, la communauté diplomatique observe avec attention la dynamique électorale congolaise. Les partenaires multilatéraux lient souvent la mobilisation d’investissements à la stabilité politique. Dans les couloirs d’une chancellerie européenne, un conseiller confie qu’« une élection prévisible réduit la prime de risque et ouvre la voie à des programmes de coopération plus ambitieux ».
Sur le plan intérieur, un climat apaisé renforcerait la feuille de route gouvernementale en matière de diversification économique. Le maintien d’un dialogue régulier avec les parties prenantes favoriserait la poursuite des grands projets énergétiques et logistiques, moteurs d’emplois et de recettes fiscales.
Le cadre légal et la question des garanties
La Constitution de 2015 ainsi que la loi électorale révisée en 2022 balisent le processus. Les organisations de la société civile insistent néanmoins sur la nécessité de vulgariser ces textes auprès des populations rurales, encore peu familières des innovations introduites, notamment le recours accru à la biométrie. Une campagne d’information concertée limiterait les contentieux post-électoraux liés à la méconnaissance des procédures.
Par ailleurs, la présence d’observateurs nationaux et étrangers, accrédités en temps utile, offrirait un regard indépendant sur le déroulement du vote. Là aussi, les précédents de 2021 et 2017 attestent d’une ouverture progressive : la Commission nationale électorale indépendante avait alors facilité l’accès aux procès-verbaux consolidés, un geste salué par plusieurs missions diplomatiques.
Entre prudence et confiance : perspectives 2026
Céphas Germain Ewangui invite les acteurs à se déterminer « en fonction des valeurs intrinsèques de notre pays ». Cet appel à la responsabilité trouve un écho favorable dans les états-majors politiques qui, pour l’heure, limitent leurs critiques à des considérations techniques. Dans les cercles proches du gouvernement, l’on souligne que la concertation, loin d’être un rituel, constitue un outil de gouvernance poursuivant un triple objectif : réduire les tensions, consolider les institutions et favoriser la cohésion sociale.
À l’orée de 2026, le Congo-Brazzaville se trouve donc à la croisée de la précaution et de l’optimisme. La tenue d’une concertation nationale, si elle est annoncée dans les prochaines semaines, pourrait cristalliser un consensus minimal autour des règles du jeu, permettant à la campagne de se déployer sur le terrain des programmes plutôt que sur celui des suspicions. Dans ce scénario, l’élection ne serait plus l’épreuve redoutée, mais le moment d’une affirmation collective d’appartenance à un État de droit en chantier permanent.