Infrastructures électriques vieillissantes Congo
À Brazzaville, la lumière clignote comme un baromètre du réseau national. Le Congo affiche pourtant une capacité installée de 751 mégawatts pour 600 mégawatts de demande. Le paradoxe tient dans un épineux héritage : des câbles et transformateurs datant de près d’un demi-siècle.
La ligne haute tension Pointe-Noire-Brazzaville, colonne vertébrale énergétique, perd plus des deux tiers de l’énergie convoyée. Faute de compensation réactive, 200 mégawatts s’évaporent avant d’atteindre la capitale, aggravant les délestages qui ralentissent la vie urbaine et la production industrielle.
Selon le ministère de l’Énergie, ce handicap structurel pèse autant sur les ménages que sur les cimenteries, la filière bois ou les start-up numériques. « Nous ne parlons plus seulement de confort domestique, mais de compétitivité nationale », confie un cadre de la société Énergie Électrique du Congo.
Un plan gouvernemental chiffré et graduel
Face à l’urgence, le gouvernement a adopté un schéma directeur 2023-2026, articulé autour de la réhabilitation, du renforcement et de la diversification. Le coût global, tenu confidentiel, s’appuie sur des prêts concessionnels et des ressources internes redirigées vers les infrastructures jugées critiques.
La priorité porte sur le remplacement des transformateurs de Loudima, Djiri, Tsiélampo, Ngoyo et Côte Matève. Chaque site sera équipé d’appareils de grande puissance, capables d’absorber les pointes de consommation liées à l’essor démographique de Brazzaville.
En parallèle, le barrage hydroélectrique de Moukoukoulou bénéficiera d’une cure de jouvence. Ses turbines, initialement calibrées pour les besoins cimentiers des années 1980, seront modernisées afin de rapatrier 74 mégawatts supplémentaires vers le réseau national.
L’appui décisif des partenaires énergétiques
Pour sécuriser le calendrier, Brazzaville s’appuie sur une alliance public-privé. Eni-Congo conduit depuis juillet des travaux de diagnostic, transportant sur place des transformateurs neufs via le corridor routier atlantique. Le géant pétrolier voit dans ce chantier « un levier de responsabilité sociétale ».
La Banque mondiale, déjà impliquée dans le Projet d’Appui au Secteur Électrique, vient de valider une enveloppe additionnelle pour l’extension de la ligne 225 kV. Des consultants indépendants, mandatés par l’institution, suivent trimestriellement l’avancement des postes de compensation.
Enfin, des ingénieurs sud-africains et marocains partagent leur savoir-faire sur la maintenance prédictive. Leur mission : instaurer une culture de la prévention, afin d’éviter que le réseau ne retombe dans un cycle de délabrement coûteux.
Impact attendu sur l’industrie et le quotidien
Les projections du ministère indiquent une réduction de 90 % des coupures dès fin 2025. Les 200 mégawatts « perdus » devraient être restitués aux utilisateurs, libérant ainsi un surplus pour les nouveaux projets industriels dans la périphérie nord de Brazzaville.
Les usines de clinker de la Bouenza anticipent déjà des cadences accrues. « Un kilowatt-heure régulier vaut parfois plus que n’importe quel crédit bancaire », estime un patron de carrière, évoquant une baisse attendue des coûts de production de 12 %.
Pour les habitants, la promesse va au-delà du confort. La stabilité du courant facilitera la conservation des vaccins, la scolarisation numérique et l’essor des services de paiement mobiles, domaines où la capitale veut affirmer son leadership régional.
Perspectives sociales et environnementales
Les autorités soulignent que la modernisation n’alourdira pas la facture carbone. Les pertes techniques actuelles équivalent à l’émission de milliers de tonnes de CO₂ inutiles ; leur élimination s’inscrit donc dans la stratégie climat du Congo.
La Société Nationale d’Électricité prévoit un programme de formation pour 300 techniciens locaux. L’objectif est de créer un tissu de compétences pérennes, garantes de la durabilité des investissements consentis. Des bourses seront attribuées en priorité aux jeunes diplômés des écoles d’ingénieurs de Pointe-Noire et de Brazzaville.
Les organisations de consommateurs réclament néanmoins la transparence tarifaire. Le ministère promet d’actualiser la structure des prix une fois le rendement du réseau stabilisé, afin de préserver le pouvoir d’achat tout en assurant la viabilité économique du service public.
Vers une sécurité énergétique durable
Le compte à rebours est lancé : septembre 2026 marque la date symbolique d’un réseau sans délestage, selon le calendrier officiel. Une commission de suivi, impliquant parlementaires, opérateurs et société civile, publiera chaque semestre un tableau de bord d’avancement.
Au-delà de la technique, la réussite du plan incarnera la capacité de l’État à fédérer partenaires internationaux et capitaux nationaux autour d’un même impératif : offrir à la population une énergie fiable, moteur d’inclusion sociale et de diversification économique. Brazzaville, éclairée sans interruption, deviendrait alors le laboratoire d’un Congo résolument tourné vers l’avenir.