Une démarche présidentielle ancrée dans le suivi de proximité
Le caractère impromptu de la visite présidentielle, le 11 juillet 2025, a revêtu un double registre, à la fois pratique et symbolique. En parcourant la RN4, le collecteur de Siafoumou puis l’avenue Bitelika Ndombi, Denis Sassou Nguesso a rappelé l’importance qu’il accorde au contrôle in situ des politiques publiques. Pour le politiste Roger Massamba, « le geste traduit la volonté d’incarner l’État stratège au cœur du tissu social ». La présence du Premier ministre et de plusieurs ministres confère, de surcroît, une dimension collégiale à cette démarche de monitoring, gage d’une transversalité que requiert tout projet urbain d’envergure.
Les axes stratégiques de la capitale économique sous le prisme de la mobilité
Ville charnière entre l’économie pétrolière et le bassin commercial de l’Atlantique, Pointe-Noire pâtissait depuis des années d’un réseau routier fragmenté. Les travaux engagés au premier trimestre 2024 ciblent précisément les zones de friction identifiées par l’Observatoire national de la circulation, notamment les tronçons reliant le port autonome, la zone industrielle de Mongo-Kamba et les quartiers périphériques densément peuplés. En concentrant les efforts sur la RN4 et les artères transversales, l’exécutif souhaite fluidifier les flux logistiques et, par ricochet, réduire les coûts de transport qui pèsent sur les ménages et les entreprises.
L’ambition d’une inclusion urbaine durable au cœur du projet
Au-delà de la réfection du revêtement, le cahier des charges inscrit la pose de trottoirs drainants, l’implantation d’éclairage LED à faible empreinte carbone et la création de voies réservées aux transports collectifs. Selon le ministère de l’Aménagement, ces aménagements répondent au triptyque « mobilité, sécurité, environnement ». L’objectif consiste à favoriser un accès équitable aux services urbains tout en limitant l’empreinte écologique, enjeu particulièrement sensible dans une agglomération côtière confrontée à la montée du niveau marin. Les experts de l’Institut congolais d’urbanisme estiment que la valorisation de matériaux locaux, notamment les sables latéritiques stabilisés, pourrait réduire de 18 % les émissions liées au chantier.
Contrastes perceptifs entre attentes citoyennes et planification étatique
Si la population salue la perspective d’un réseau modernisé, certains riverains expriment une impatience face aux lenteurs ressenties sur quelques segments. Interrogée dans le quartier Songolo, Mireille Kodia affirme « voir plus de déviations que de camions-citerne d’enrobé ». Cette perception subjective se heurte toutefois aux indicateurs officiels : le taux d’exécution financier atteignait 62 % début juin, contre 48 % trois mois plus tôt, progression jugée « conforme au phasage contractuel » par la Direction générale des grands travaux. Le défi consiste désormais à harmoniser communication institutionnelle et visibilité concrète des avancées pour éviter le décalage cognitif qui nourrit la défiance.
Incidences macroéconomiques et diplomatiques du chantier
Sur le plan budgétaire, la réhabilitation de 47 kilomètres d’axes primaires mobilise 142 milliards de francs CFA, soit environ 1,3 % du PIB 2024. Dans un contexte de contraintes financières accentuées par la conjoncture internationale, l’exécutif a adopté la doctrine « faire beaucoup avec peu », recourant à un panachage de financements domestiques et de lignes de crédit concessionnelles. La Banque de développement des États de l’Afrique centrale souligne que la rationalisation des appels d’offres a permis d’abaisser de 11 % le coût unitaire du kilomètre linéaire par rapport à la moyenne régionale.
Diplomatiquement, la modernisation de Pointe-Noire constitue une vitrine pour les partenaires multilatéraux intéressés par la façade atlantique. L’ambassadeur d’un État d’Asie orientale en poste à Brazzaville confiait récemment que « l’accès portuaire est une variable clé de toute stratégie de chaîne de valeur transafricaine ». Le chantier routier consolide ainsi la place du Congo-Brazzaville au sein des corridors commerciaux, tout en renforçant le discours national sur la cohésion territoriale.
Vers une gouvernance infrastructurelle plus résiliente
La visite présidentielle s’achève sur un message de responsabilité partagée : exécutants, collectivités locales et usagers sont appelés à préserver les ouvrages, condition sine qua non de leur durabilité. Dans cette perspective, un mécanisme de maintenance préventive financé par un prélèvement spécifique sur les droits d’accise pétroliers devrait être soumis au Parlement à la prochaine session. Les urbanistes y voient la traduction opérationnelle d’un principe récurrent dans les discours du Chef de l’État : l’équité spatiale, entendue comme la capacité d’offrir à chaque Congolais des infrastructures répondant à des standards homogènes, qu’il réside au littoral ou dans l’arrière-pays.