Un départ qui bouleverse le football congolais
La nouvelle est tombée à l’aube du 28 juillet 2025 : Bienvenu Kimbembé, célébré sous le surnom d’Akim-La Wanka, s’est éteint à 71 ans et avec lui une part de la mémoire footballistique nationale s’est silencieusement refermée.
Origines modestes, racines brazzavilloises
Né le 13 décembre 1954 à Léopoldville, il découvre le ballon dans la cour sableuse de l’école Cabinda avant que l’histoire tourmentée de la sous-région ne pousse sa famille à rejoindre Brazzaville, rue Mbochis, quartier Poto-Poto.
Jeux de rue, première école technique
À Benfica, puis Santos FC, l’adolescent affûte sa technique lors des interminables parties de foot-pelote dont se souviennent encore les anciens du quartier ; la vista et la conduite de balle raffinée trahissent déjà la naissance d’un futur chef d’orchestre.
Sotex-Sport, tremplin d’un talent brut
En 1971 il opte pour la jeune formation de Sotex-Sport à Kinsoundi, environnement modeste mais tremplin idéal pour ce milieu à la fois besogneux et créatif ; très vite, les tribunes le plébiscitent pour son jeu sans fioriture et son sens aigu de l’anticipation.
Télésport, vitrine d’une nouvelle étoile
Courtisé, il transite brièvement par le Patronage Sainte-Anne avant de frapper à la porte du CARA, puis, après seulement deux entraînements, de poser définitivement ses valises à Télésport où il entre en communion avec un public toujours avide de gestes techniques inspirés.
Diables-Rouges : l’intronisation
Le 31 mars 1975, le sélectionneur roumain Cicérone Manoulache lui remet le maillot rouge face à la Côte d’Ivoire ; à seulement vingt ans, Akim s’impose dans l’entrejeu auprès de François Moukila et Jean-Michel Minga, offrant au bloc congolais une étonnante fraîcheur stratégique.
Un milieu moderne et complet
Les observateurs louent son endurance, sa capacité à récupérer haut, mais aussi une élégance rare dans les transmissions courtes ; « il avait l’œil d’un numéro dix mais le coffre d’un numéro six », résume l’ancien international Christian Mbama, dernier survivant de cette ligne médiane.
Épopées africaines et renommée
Avec le CARA, il goûte aux joutes africaines de 1975 et 1976 ; sous les couleurs nationales, il participe aux premiers Jeux d’Afrique centrale à Libreville, puis trace sa route jusqu’à la CAN 1978 de Kumasi, véritable baptême du feu pour une génération en or.
Sport et cohésion nationale
Cette période voit le football congolais bénéficier d’un élan populaire soutenu par des politiques publiques d’encadrement sportif, facteur d’intégration sociale et de cohésion nationale selon le sociologue Alain Ossiala qui rappelle que « les stades servaient alors de lieux de dialogue inter-quartiers ».
Rester au pays, un choix engagé
Bien que repéré par des recruteurs européens, notamment d’Anderlecht et du Red Star de Paris, Akim choisit de rester au pays, expliquant en 1979 dans les colonnes de Mweti Sport qu’« un championnat n’a de valeur que si ses meilleurs éléments l’habitent », position saluée par les supporteurs.
Humilité au quotidien
Malgré la ferveur, Akim reste simple, se déplaçant souvent à vélo pour rejoindre l’entraînement à Makélékélé ; ses coéquipiers se souviennent qu’il emportait toujours un petit transistor pour suivre les informations, signe de l’attention qu’il portait au monde au-delà de la pelouse.
Caractère et exigence tactique
Sa forte personnalité, parfois explosive, nourrit quelques accrochages mémorables avec l’entraîneur Michel Oba à Télésport ou Maurice Ondjolet chez les Diables-Rouges, mais ces débats tactiques traduisent surtout le désir d’excellence d’un joueur soucieux de défendre son rôle central.
Conversion en formateur
À la faveur d’une dernière saison pleine en 1984, il annonce son retrait, laissant un vestiaire orphelin ; il s’implique dès lors dans la formation des jeunes à l’Institut national de la jeunesse et des sports, prônant une approche holistique liant résultats scolaires et discipline athlétique.
Héritage auprès des jeunes
Plusieurs internationaux actuels, à l’image de l’infatigable Prince Ibara, revendiquent son héritage technique ; « il nous a appris à lire le jeu avant de toucher le ballon », confie le jeune milieu Wilfrid Ntsita, rappelant l’influence durable d’Akim sur la nouvelle garde rouge.
Hommage des institutions sportives
La Fédération congolaise de football a décrété trois jours de recueillement et annoncé que le prochain match des Diables-Rouges débutera par une minute d’applaudissements, mesure saluée par la communauté sportive et par les autorités qui soulignent l’importance de valoriser ces parcours exemplaires.
Figure citoyenne et rôle social
Au-delà du sport, la figure d’Akim interroge le rôle des héros populaires dans la fabrication d’un imaginaire national partagé ; pour la politologue Mireille Loemba, son récit illustre « la mobilité sociale permise par le sport et la contribution des clubs à la citoyenneté ».
Modernisation des infrastructures
Les pouvoirs publics, engagés depuis plusieurs années dans des chantiers de modernisation des infrastructures, voient dans ce deuil l’occasion de réaffirmer leur soutien au football amateur, vivier d’où émergent les futures têtes d’affiche susceptibles de porter haut le drapeau tricolore.
Obsèques populaires au stade
Aux obsèques organisées au stade Alphonse-Massamba-Débat, une foule bigarrée a entonné des refrains des années 1970, mêlant sapeurs en vestes éclatantes, élèves en uniformes et anciens combattants ; cette pluralité rappelle la capacité du football à transcender les clivages pour célébrer une histoire commune.
Entretenir la mémoire d’Akim
Le cercueil refermé, reste la mémoire vivante : chants des supporters, archives radiophoniques et récits de vestiaire que les jeunes générations devront relayer pour que l’étincelle d’Akim-La Wanka continue d’illuminer les travées congolaises, rappelant l’éternité possible des œuvres humaines quand elles se mettent au service du collectif.