Enjeux stratégiques d’un partenariat sanitaire
Annoncé à Brazzaville lors de l’audience accordée par le président du Sénat, Pierre Ngolo, au maire de Charly, Olivier Araujo, le rapprochement congo-français autour de l’assainissement s’inscrit dans un contexte où la gestion de l’eau et des déchets devient un paramètre déterminant de la stabilité sociale et de l’attractivité économique. Qu’il s’agisse des perspectives de la Zone de libre-échange continentale africaine ou des engagements pris dans le cadre des Objectifs de développement durable, les décideurs congolais entendent éviter que les vulnérabilités sanitaires freinent la croissance non-pétrolière. En écho, la diplomatie territoriale française cherche à démontrer la pertinence de solutions développées par ses entreprises dans la lutte contre les pollutions urbaines.
Politiques congolaises d’assainissement : acquis et défis
Depuis la mise en œuvre du Projet Eau, Électricité et Développement urbain, les autorités de Brazzaville ont élaboré une stratégie d’assainissement articulée autour de la modernisation des réseaux de drainage, de l’extension du service public de collecte des déchets et de la promotion de comportements citoyens. Le rapport 2022 du ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique souligne cependant que 45 % des ménages urbains n’ont pas encore accès à un système de gestion des eaux usées conforme aux standards internationaux. Les crues récurrentes dans certains quartiers périphériques rappellent l’urgence d’une approche intégrée, combinant infrastructures lourdes, maintenance préventive et éducation environnementale.
Le savoir-faire français : expertise technique et gouvernance
Avec près de 20 000 emplois spécialisés dans la filière de l’eau, la région Auvergne-Rhône-Alpes se positionne comme l’un des premiers bassins d’excellence européens. Ses entreprises ont développé des technologies de surveillance en temps réel des réseaux, des procédés de traitement biologique de nouvelle génération et des modèles de délégation de service public à impact social. « Nos bureaux d’ingénierie sont prêts à coconstruire avec les techniciens congolais des solutions qui prennent en compte le climat équatorial et la rapidité de l’urbanisation », affirme un représentant du cluster Axelera. Au-delà de l’apport technique, les collectivités françaises entendent également partager leur expérience en matière de concertation citoyenne et de gouvernance budgétaire, dimensions jugées essentielles pour garantir la durabilité des équipements.
Décentralisation : communes et collectivités en première ligne
Le dialogue engagé entre le Sénat congolais et les élus municipaux français fait écho à la dynamique de décentralisation consacrée par la Constitution de 2015. Les nouvelles communes congolaises disposent désormais d’une compétence élargie en matière d’hygiène publique, mais leur autonomie financière reste limitée. L’accord de coopération en cours de discussion prévoit la mise en place de jumelages techniques axés sur le management des régies municipales, la formation des agents et la recherche de financements innovants, notamment via les obligations vertes. Pour Olivier Araujo, « le transfert d’expertise doit aller de pair avec un renforcement des capacités locales, afin que chaque franc CFA investi produise un bénéfice durable pour les populations ».
Perspectives économiques, sociales et environnementales
Au niveau macroéconomique, la modernisation de l’assainissement représente un gisement d’emplois estimé à 10 000 postes directs d’ici à 2030, selon la Chambre de commerce de Brazzaville. Les effets attendus sur la santé publique – réduction des maladies hydriques et baisse de l’absentéisme scolaire – contribueront à améliorer la productivité globale. Par ailleurs, le recyclage des boues de vidange en biogaz ou en fertilisants ouvre de nouvelles chaînes de valeur pour l’agriculture périurbaine, consolidant la résilience alimentaire. Sur le plan environnemental, la limitation des rejets non traités dans le fleuve Congo participe à la préservation d’un écosystème dont dépendent près de 40 millions de personnes dans le bassin. L’ensemble de ces externalités positives renforce la pertinence du partenariat congo-français, perçu par de nombreux observateurs comme un exemple de diplomatie climatique pragmatique.