Une urgence médicale mondiale
Chaque 29 octobre, la Journée mondiale de lutte contre l’accident vasculaire cérébral rappelle l’ampleur d’un mal qui tue autant qu’il handicape. Partout, et donc aussi au Congo-Brazzaville, l’accent est mis sur la prévention, la reconnaissance des symptômes et la rapidité d’intervention.
Un AVC survient lorsqu’un vaisseau cérébral se bouche, cas le plus fréquent, ou se rompt, forme hémorragique souvent plus grave. Dans les deux situations, les neurones privés d’oxygène meurent en quelques minutes, transformant l’événement en véritable course contre la montre.
Selon les estimations reprises par le service de neurologie du CHU-Brazzaville, l’AVC représente la deuxième cause de mortalité mondiale et la première source de handicap acquis à l’âge adulte. Ces chiffres résonnent d’autant plus fort dans un pays dont la population rajeunit.
Un visage qui se déforme, un bras soudain inerte, des mots qui ne sortent plus : ces trois alertes forment le signal international F.A.S.T. Chaque minute perdue avant l’arrivée à l’hôpital réduit les chances de récupération et alourdit les séquelles fonctionnelles.
L’hypertension au cœur du problème
Pour le professeur de neurologie Paul Macaire Ossou Nguié, la réponse commence bien avant l’ambulance. « Mieux vaut prévenir que guérir », insiste-t-il depuis son bureau du CHU, où il voit chaque jour arriver des patients dont la tension n’a jamais été contrôlée.
Un Congolais adulte sur trois souffre d’hypertension artérielle, rappelle-t-il. Pire, seuls 7 % disposent d’une pression équilibrée grâce à un traitement suivi. Les autres, souvent ignorants de leur état, marchent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
Les études rassemblées au service démontrent qu’abaisser la pression artérielle pendant cinq ans fait chuter de 60 % le risque d’AVC toutes formes confondues et de 80 % celui de l’AVC hémorragique. Un bénéfice colossal, obtenu par de simples mesures régulières.
Tabac, alimentation trop salée, sédentarité, consommation excessive d’alcool et obésité forment le cocktail explosif. Sans stigmatiser les habitudes locales, le neurologue plaide pour des campagnes ciblées, notamment dans les marchés et les quartiers populaires où les stands de dépistage manquent encore.
Prévenir plutôt que guérir
La prévention primaire repose d’abord sur un suivi médical régulier. Le ministère de la Santé encourage désormais chaque centre intégré à proposer un contrôle tensionnel systématique dès l’accueil. L’objectif est de capter tôt les patients à risque et de rationaliser les ordonnances.
Vient ensuite l’éducation. Des affiches illustrant les bons gestes, des émissions radios en langues vernaculaires et des relais communautaires composent le dispositif. « Parler au plus près des familles augmente l’adhésion thérapeutique », assure une infirmière coordinatrice du district sud de Brazzaville.
La prévention secondaire, elle, s’adresse aux survivants d’un premier épisode. Anticoagulants, contrôle glycémique, perte de poids et limitation de l’alcool réduisent la probabilité de récidive. Mais l’accès durable aux médicaments reste un défi, notamment pour les revenus informels.
Le corps médical insiste sur le rôle de la famille. Reconnaître immédiatement une anomalie de parole ou de mouvement, appeler le 3434, numéro d’urgence, et noter l’heure d’apparition des troubles améliorent sensiblement la prise en charge à l’arrivée du patient au CHU.
Prise en charge et réhabilitation
Au service de neurologie de Brazzaville, la fenêtre thérapeutique pour une thrombolyse est fixée à quatre heures et demie. Les équipes parlent d’« or perdu » après ce délai. D’où la nécessité d’un transport médicalisé, encore rare dans plusieurs départements ruraux.
Lorsque le patient survit, commence le long chemin de la rééducation. Kinésithérapie, orthophonie et soutien psychologique doivent être disponibles dans les six mois. Les associations de patients militent pour un remboursement partiel des séances, afin d’éviter les abandons précoces.
Le gouvernement a inauguré récemment une unité pilote de réadaptation neuromotrice au CHU. L’initiative, saluée par les praticiens, vise à regrouper chirurgie, soins intensifs et rééducation dans un même parcours, réduisant ainsi les pertes de chance liées aux transferts.
Perspectives au Congo-Brazzaville
Les spécialistes estiment que la courbe des AVC peut être infléchie si le plan national de lutte contre les maladies cardiovasculaires reçoit un financement stable. La feuille de route, validée l’an dernier, prévoit un registre épidémiologique et un élargissement de la télémédecine.
Avec la création de centres d’excellence régionaux, Brazzaville pourrait devenir un hub de formation en neurologie dans la sous-région. Le professeur Ossou Nguié souligne que « partager l’expérience congolaise renforcera la prise en charge de Pointe-Noire à Oyo, puis au-delà des frontières ».
Le pari repose aussi sur la mobilisation communautaire. Des clubs de marche, des concours culinaires pauvres en sel et des journées sans alcool se multiplient déjà dans certains arrondissements. Autant d’initiatives spontanées qui viennent compléter l’action institutionnelle et renforcer l’empowerment citoyen.
À l’approche de la prochaine Journée mondiale, le message reste clair : mesurer sa tension, corriger son hygiène de vie et filer aux urgences au moindre signe sont les meilleurs remparts. Les AVC ne sont pas une fatalité, à condition d’agir à temps.
