Un taux national inédit
À la publication des résultats du Brevet d’études du premier cycle 2025, le pays a retenu son souffle. Sur 123 515 candidats, 84 111 ont obtenu le précieux sésame, établissant un taux national de 68,10 %, le plus élevé de la dernière décennie.
Dans les couloirs du ministère, la statistique a été accueillie comme une étape significative d’un cheminement entamé depuis la réforme de 2017. « Cette évolution valide nos orientations stratégiques », résume le directeur des examens, convaincu que la tendance robuste n’est pas le fruit du hasard.
Les familles, elles, voient un signal de confiance. Les réseaux sociaux se sont animés d’images de diplômes brandis comme des trophées, rappelant que l’examen est plus qu’une formalité : il annonce l’entrée dans un cycle décisif pour l’avenir professionnel de milliers d’adolescents.
Pour autant, l’euphorie reste mesurée. Les pédagogues avertissent que la donnée brute doit être lue avec nuance, chaque département exprimant encore des disparités qu’il faudra réduire si l’on vise l’équité scolaire totale.
Géographie d’une performance
La Sangha occupe le devant de la scène avec 78,09 %, talonnée par les Plateaux et la Cuvette. Ces territoires, longtemps considérés comme enclavés, démontrent que les politiques de maillage scolaire commencent à produire des effets tangibles.
Brazzaville et Pointe-Noire, poumons démographiques du pays, affichent respectivement 69,26 % et 65,28 %. Les inspecteurs notent que l’hétérogénéité urbaine, entre établissements publics surchargés et écoles privées émergentes, crée des écarts internes parfois plus marqués qu’entre départements.
À l’international, les candidats congolais de Chine décrochent un sans-faute, tandis que ceux du Cabinda atteignent 99,26 %. Les chercheurs en sociologie de l’éducation y voient la preuve que la communauté expatriée bénéficie d’un environnement scolaire structuré, aligné sur les standards locaux.
Le Pool, Kouilou ou Niari, situés sous la moyenne nationale, font l’objet d’un plan d’accompagnement spécifique. Un récent audit logistique a pointé la nécessité d’équiper certains collèges en laboratoires et bibliothèques pour réduire l’écart qualitatif.
Le rôle pivot des réformes
Depuis 2021, le ministère a déployé un programme de mise à niveau des curricula, axé sur les compétences transversales et les technologies éducatives. Cette modernisation, financée par le budget national et des partenariats multilatéraux, est largement créditée du bond de réussite enregistré.
La formation continue de 4 000 enseignants, pilotée par l’École normale supérieure, a renforcé la maîtrise des nouvelles méthodes d’évaluation. « Le contrôle continu favorise un suivi individualisé et limite le stress final », souligne un formateur, évoquant une rupture avec l’approche résolument magistrale d’autrefois.
Parallèlement, la numérisation des inscriptions et la correction assistée par logiciel ont réduit les retards et les erreurs matérielles qui entachaient parfois la crédibilité de l’examen. Les syndicats d’enseignants saluent une démarche qui fluidifie le processus et valorise la transparence.
Les spécialistes insistent toutefois sur l’urgence d’achever la couverture Internet des zones rurales. Sans accès stable, la plate-forme nationale d’exercices, lancée en janvier, risque de bénéficier surtout aux centres urbains.
Perspectives pour un enseignement inclusif
Malgré le succès global, le cabinet du ministre rappelle que près d’un candidat sur trois échoue encore. Le plan 2025-2030 table sur un taux cible de 80 %, à atteindre par l’introduction de classes de remédiation et le renforcement du tutorat communautaire.
Les organisations de parents d’élèves réclament un suivi psychosocial accru, soulignant que les redoublants cumulent souvent des difficultés liées à la mobilité, à la nutrition ou à la santé. Le ministère de la Santé travaille déjà à intensifier les visites médicales scolaires.
Par ailleurs, des associations féminines notent que les filles, avec 70,5 % de réussite, dépassent désormais les garçons. Elles plaident pour capitaliser sur cet élan en luttant contre les mariages précoces qui, dans quelques localités, freinent la poursuite d’études.
Le gouvernement entend intégrer ces recommandations dans la feuille de route « Jeunesse 2030 », insistant sur la synergie inter-ministérielle. Chaque avancée éducative est perçue comme un investissement dans la croissance, la cohésion et la stabilité nationales.
Voix des praticiens
Au lycée de Makélékélé, le proviseur confie que « les clubs de lecture lancés cette année ont fait progresser l’expression écrite de façon spectaculaire ». Les élèves affirment avoir découvert une curiosité nouvelle pour l’actualité et la littérature africaines.
À Ouesso, une professeure de sciences physiques souligne l’effet de la dotation en kits de laboratoire. « Les manipulations concrètes donnent du sens aux formules et stimulent la mémorisation », observe-t-elle, rappelant que la pédagogie active motive des classes auparavant dispersées.
Les inspecteurs régionaux, chargés d’évaluer le climat scolaire, rapportent une baisse des violences et des abandons, attribuée aux campagnes de sensibilisation sur la citoyenneté et la résolution pacifique des conflits.
Ces témoignages se recoupent : la réussite académique ne dépend pas seulement des manuels, mais d’un environnement globalement sécurisant où l’élève se sent reconnu et accompagné.
Un symbole pour la fête nationale
L’annonce des statistiques à la veille du 15 août n’a rien de fortuit. En plaçant la réussite scolaire au cœur de la célébration, l’exécutif rappelle que l’indépendance s’entretient par le savoir et l’innovation, non par la seule commémoration historique.
Le Président Denis Sassou Nguesso évoque régulièrement l’« impératif de l’intelligence » dans ses discours. Cette année, le BEPC devient l’illustration concrète d’une ambition nationale : former des citoyens aptes à contribuer à la diversification économique et à la diplomatie scientifique.
Le Premier ministre Anatole Collinet Makosso insiste, pour sa part, sur la « co-responsabilité » des familles, des collectivités et du secteur privé dans l’effort éducatif. Les entreprises partenaires ont déjà annoncé des bourses pour les lauréats des filières techniques.
Au lendemain des festivités, l’école congolaise se retrouve donc propulsée au centre du débat public. Le cap est posé : consolider les acquis, combler les disparités et garantir à chaque élève les moyens de réaliser son potentiel.