Biovev 2030, un pari écologique et économique
Dans la salle de conférence du ministère de l’Environnement, Arlette Soudan-Nonault a lancé le 30 septembre l’atelier national consacré à la seconde phase de Biovev 2030. Le programme, soutenu par l’Agence française de développement et WWF-France, vise à conjuguer préservation du capital naturel et croissance durable.
Porté par la République du Congo, Biovev 2030 ambitionne de traduire les engagements internationaux du pays en actions concrètes au sein du Bassin du Congo. La feuille de route mise à jour insiste sur la création de mécanismes financiers incitatifs afin de pérenniser les efforts de conservation.
« Nous voulons faire de la biodiversité un levier de prospérité partagée », a résumé la ministre. Pour y parvenir, le projet s’appuie sur des dialogues territoriaux impliquant collectivités, chefs d’entreprise, chercheurs et communautés locales, gage d’une gouvernance inclusive adossée à l’expertise scientifique.
Des notes conceptuelles au cœur de la stratégie verte
L’atelier brazzavillois devait passer au crible huit notes conceptuelles élaborées dans les départements de la Sangha, de la Likouala et du Kouilou. Chaque document synthétise un futur projet, détaille les bénéficiaires, identifie les sources de financement et définit un calendrier d’actions mesurables.
Cette validation nationale n’est pas une formalité. Elle conditionne l’accès aux guichets internationaux et rassure les investisseurs quant à la solidité technique des initiatives. Les partenaires exigent en effet une cohérence stricte entre priorités nationales, recommandations scientifiques et pratiques de terrain.
Selon la directrice nationale de WWF Congo, Zelo Carine Abibi, le processus « transforme des idées prometteuses en dossiers bancables en montrant qu’il est possible d’allier protection de la biodiversité et retombées économiques inclusives ». Son organisation fournira un appui méthodologique pour renforcer le suivi-évaluation.
Les porteurs de projets devront désormais affiner budgets, indicateurs d’impact et dispositifs de gouvernance. Le ministère a indiqué que des sessions de formation supplémentaires seront proposées afin de consolider les capacités locales en ingénierie financière verte.
Le rôle moteur du secteur privé congolais
Biovev 2030 souhaite attirer l’investissement privé, encore marginal dans la conservation. La Chambre de commerce de Brazzaville a dépêché des représentants pour explorer les opportunités de compensation carbone et de labellisation verte susceptibles de créer de nouveaux marchés.
Pour Arlette Soudan-Nonault, « la valeur économique des services écosystémiques reste sous-estimée. En la révélant, nous ouvrons la voie à des modèles d’affaires durables qui bénéficieront aux populations et renforceront notre souveraineté environnementale ». Les PME forestières sont particulièrement ciblées.
Le projet prévoit aussi des incitations fiscales pour les entreprises qui financeront des activités de restauration des paysages, tandis que les banques locales examineront la possibilité de lignes de crédit préférentielles dédiées aux projets labellisés PSE ou certificat biodiversité.
Paiements pour services environnementaux : mode d’emploi
Les paiements pour services environnementaux consistent à rémunérer les acteurs qui protègent ou réhabilitent des écosystèmes essentiels. Dans le contexte congolais, il s’agira notamment de soutenir les agriculteurs adoptant l’agroforesterie, pratique limitant l’érosion des sols et augmentant le stockage de carbone.
Un agriculteur qui plante des arbres fruitiers tout en fixant du carbone percevra une rétribution proportionnelle aux bénéfices climatiques obtenus. Le schéma se fonde sur des protocoles de mesure validés internationalement, garantissant la crédibilité des crédits générés.
Les villages pilotes de la Sangha testeront également des programmes de protection des sources d’eau. Les ménages en amont recevront une compensation pour l’entretien des berges, assurant ainsi la qualité de l’eau utilisée par les centres urbains en aval.
Ces mécanismes, déjà éprouvés au Costa Rica ou au Rwanda, seront adaptés aux réalités congolaises. Le ministère mise sur une combinaison de subventions publiques, de fonds climat et de contributions d’entreprises afin d’assurer la viabilité financière du dispositif.
Certificat biodiversité, nouvel outil de financement
Moins connu que les crédits carbone, le certificat biodiversité valorise la conservation d’espèces et d’habitats menacés. Chaque certificat atteste qu’une surface donnée est gérée de façon à maintenir ou accroître la richesse biologique, sur la base d’indicateurs validés par des experts.
WWF-France accompagne la définition d’un standard adapté aux forêts du Bassin du Congo. L’objectif est de proposer dès 2025 un premier portefeuille de certificats à destination d’entreprises désireuses de compenser leur empreinte écologique au-delà du seul carbone.
Les communautés autochtones seront parties prenantes du mécanisme. Elles percevront une part des revenus en échange de leur savoir-faire traditionnel dans la surveillance de la faune et la collecte de données écologiques. Cette reconnaissance participe à l’inclusion socio-économique défendue par Biovev 2030.
Avec la validation des notes conceptuelles, le Congo-Brazzaville franchit une étape structurante. Démontrer que la finance verte peut soutenir à la fois le tissu économique national et l’immense patrimoine forestier du pays constitue désormais le prochain défi, salué par les partenaires techniques.