Brazzaville se prépare à accueillir la filière bois régionale
Du 11 au 25 août 2025, la capitale congolaise se muera en place forte de l’économie forestière africaine. Sur un site de 5 600 m² rebaptisé « Village artisanal », quelque 1200 m² de stands mettront en lumière la créativité d’industriels, de designers et de maîtres-ébénistes venus du Congo et de cinq pays invités. Selon la ministre des Petites et moyennes entreprises et de l’Artisanat, Jacqueline Lydia Mikolo, « le salon doit faire émerger une conscience collective : nos forêts peuvent générer davantage de valeur ajoutée sur le territoire national ». La manifestation, soutenue par le ministère de l’Économie forestière, s’inscrit dans la stratégie gouvernementale de promotion des chaînes de valeur domestiques.
Substitution aux importations : un pari industriel mesuré
Le bois demeure le troisième poste d’exportation du Congo après les hydrocarbures et les mines, mais plus de 60 % des meubles consommés localement sont encore importés, principalement d’Asie. En encourageant l’achat de produits « made in Congo », les autorités espèrent réduire la facture en devises et stimuler des PME capables d’alimenter le marché national, puis sous-régional. La Banque mondiale estime qu’une substitution de 20 % des importations de mobilier pourrait générer près de 1 000 emplois industriels directs dans la capitale. La mise en réseau des artisans et des scieries lors du salon vise ainsi à structurer une offre capable de répondre à la demande des segments résidentiel et hôtelier, en forte progression depuis le rebond post-pandémie.
Artisanat et design : vers une identité esthétique congolaise
Au-delà de la seule rentabilité, les organisateurs souhaitent installer une grammaire esthétique propre aux essences locales, du sapelli au sipo en passant par l’okoumé. « Notre défi est de passer du meuble fonctionnel à la pièce signature », résume un jeune designer formé à l’École nationale d’architecture. Les plateformes de formation financées par le Programme d’appui aux PME mises en place en 2023 ont déjà permis à 300 artisans de se familiariser avec les logiciels de conception assistée. Cette modernisation, conjuguée au savoir-faire ancestral du travail à la main, contribue à façonner un style qui pourrait séduire les marchés de niche européens friands de meubles à faible empreinte carbone.
Durabilité et traçabilité : un impératif diplomatique
L’adhésion du Congo au processus FLEGT et sa participation aux négociations de l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale exigent une stricte traçabilité des grumes. Les exposants devront donc présenter des certificats d’origine délivrés par l’Agence congolaise de contrôle forestier. La ministre Rosalie Matondo rappelle que « l’avenir de la filière dépend de notre crédibilité environnementale ». Le salon prévoit à cet égard des ateliers consacrés à la certification PEFC et FSC, ainsi qu’aux technologies numériques de marquage des billes. En faisant converger les exigences commerciales et écologiques, Brazzaville espère consolider sa position de fournisseur responsable, capable de répondre aux appels d’offres internationaux où la clause verte devient la norme.
Rayonnement régional et diplomatie économique
La confirmation de la participation du Gabon, de la RDC, de l’Angola, de la Namibie et du Kenya donne au rendez-vous une dimension sous-régionale. Les ministères congolais voient dans cette affluence la preuve que la diversification économique constitue un enjeu partagé. Des rencontres B to B, appuyées par l’Agence congolaise de promotion des investissements, chercheront à nouer des coentreprises. Les partenaires techniques et financiers, dont la Banque africaine de développement, étudient déjà les modalités d’une ligne de crédit dédiée aux unités de seconde transformation du bois. Avec un objectif explicite : que Brazzaville devienne, à l’horizon 2030, un hub logistique et commercial pour les produits bois d’Afrique centrale.
Cap vers 2030 : un écosystème en construction
La dynamique ne saurait cependant se résumer à un événement éphémère. Les autorités évoquent la création d’une zone économique spécialisée adossée au futur port sec de Maloukou, afin d’accélérer l’exportation des produits finis. Dans la même veine, un dispositif fiscal préférentiel est à l’étude pour les entreprises investissant dans les équipements de séchage, de placage et de menuiserie industrielle. Les observateurs saluent une approche cohérente qui combine incitations financières, formation professionnelle et ouverture diplomatique. Reste à mesurer, dans les prochaines années, la capacité des PME à se hisser aux standards internationaux. Le Salon des métiers du bois 2025 constituera un baromètre crédible de cette ambition collective.