Au cœur d’un rond-point stratégique
Le rond-point de la patte d’oie, porte d’entrée vers l’aéroport international Maya-Maya, concentre chaque jour une circulation dense mêlant taxis, bus et cortèges officiels. Vendredi 19 septembre 2025, l’endroit est devenu théâtre d’un accident qui a paralysé la capitale pendant de longues minutes.
Selon les témoins, le trafic était particulièrement tendu ce midi-là, juste après le décollage de l’avion présidentiel. Les véhicules revenant de l’aéroport bénéficiaient d’une priorité absolue, et nombre de chauffeurs maintenaient une vitesse élevée pour rejoindre rapidement le centre-ville.
Dans ce contexte, la moindre erreur d’anticipation se paye cher. Le taxi impliqué, qui arrivait du boulevard Alfred-Raoul, a choisi de forcer le passage pour bifurquer vers le Rectorat, sans percevoir l’allure réelle d’une berline grise lancée plein axe.
Chaîne des événements
La collision s’est produite en un éclair. La berline, précise un agent de régulation posté sur place, roulait à une vitesse estimée à plus de 80 km/h. L’avant droit a percuté le flanc du taxi, projetant instantanément les deux véhicules sur la voie opposée.
Sous l’effet du choc, la berline a dérivé vers un alignement de voitures garées le long de la bretelle menant au Rectorat. Deux véhicules, dont un minibus scolaire, ont été atteints de plein fouet, leurs carrosseries déformées témoignent aujourd’hui encore de la violence de l’impact.
Les badauds ont accouru, filmant la scène sur leurs téléphones. Certains ont évoqué une brève odeur de carburant, redoutant un incendie. Les agents de la sécurité présidentielle, toujours présents sur l’axe, ont rapidement balisé le périmètre avant l’arrivée de la police routière et des sapeurs-pompiers.
Le chauffeur du taxi, visiblement sous le choc, a tenté de s’éloigner en longeant la chaussée. Moins de cent mètres plus loin, il a été intercepté sans résistance par une patrouille de la gendarmerie, avant d’être conduit vers le commissariat central pour audition.
Réponse des services de secours
Les premiers secours sont arrivés moins de dix minutes après l’alerte, selon la direction départementale de la protection civile. Trois ambulances médicalisées et un véhicule d’assistance ont été dépêchés pour prendre en charge les blessés et sécuriser les lieux.
Le bilan communiqué en fin d’après-midi fait état de six blessés, dont trois dans un état jugé grave. Les victimes ont été orientées vers l’hôpital central des armées Pierre-Mobengo et le Centre hospitalier universitaires de Brazzaville, où elles ont reçu des soins d’urgence.
Aucun décès n’a été enregistré, a confirmé le lieutenant-colonel Maviou, porte-parole des sapeurs-pompiers. «La rapidité de l’intervention a certainement réduit les conséquences humaines», a-t-il souligné, tout en appelant les automobilistes à redoubler de vigilance sur les axes stratégiques.
Enjeux de sécurité routière
L’accident remet en lumière les défis permanents de la circulation à Brazzaville, capitale dont le parc automobile a doublé en dix ans selon la municipalité. Les ronds-points, souvent saturés, deviennent des zones à risque lorsque s’ajoutent protocole officiel et comportement imprudent.
Le ministère des Transports rappelle que le refus de priorité figure parmi les trois principales causes d’accident sur le réseau urbain. Des campagnes de sensibilisation sont diffusées régulièrement, mais les associations d’usagers plaident pour un renforcement des contrôles et une modernisation de la signalisation.
Interrogé près du lieu du drame, l’ingénieur routier Franck Mouanda observe que «l’absence de feux tricolores adaptés et la configuration en étoile du rond-point compliquent la lecture des priorités». Il propose d’installer un giratoire à sens unique et des radars pédagogiques.
Leçons pour les usagers
Le chauffeur de taxi pourrait être poursuivi pour blessures involontaires et mise en danger d’autrui, indique la police judiciaire. Son audition devrait déterminer si l’excès de confiance a primé sur le respect du code, ou si un défaut mécanique a également joué.
Pour de nombreux conducteurs, l’accident fait figure d’avertissement. «On croit gagner quelques secondes et c’est la catastrophe», confie Pierre, chauffeur de bus observant la dépanneuse récupérer l’épave. Il insiste sur la nécessité de différencier urgence réelle et impatience.
La mairie de Brazzaville a annoncé une évaluation technique du rond-point de la patte d’oie et la reprise immédiate des marquages au sol. D’ici là, les forces de l’ordre maintiennent une présence renforcée pour fluidifier la circulation et rappeler les règles essentielles aux usagers.
Perspectives institutionnelles
Le Conseil national de la sécurité routière, réactivé l’an dernier, recense tous les accidents impliquant des cortèges officiels afin de proposer des ajustements. L’incident du 19 septembre sera examiné lors de la prochaine session pour affiner les protocoles d’escorte et la gestion des priorités.
Le ministère en charge des Infrastructures étudie par ailleurs un schéma directeur prévoyant l’élargissement de l’axe aéroportuaire et la création d’un passage souterrain sous le rond-point. Objectif affiché : sécuriser les déplacements officiels tout en réduisant la pression sur le trafic quotidien.
En attendant ces aménagements, les auto-écoles seront sollicitées pour renforcer les modules consacrés aux priorités temporaires liées aux autorités. «Comprendre le dispositif permet d’éviter la panique», note Mireille Tchicaya, formatrice, qui salue la volonté gouvernementale de coupler infrastructures et pédagogie.