Le contexte macroéconomique congolais face à l’impératif de diversification
Après une décennie rythmée par l’oscillation des cours pétroliers, la République du Congo s’efforce de sortir de la dépendance aux hydrocarbures qui fournissent encore près de 70 % de ses recettes budgétaires (FMI 2023). Le Plan national de développement 2022-2026 ambitionne de hisser la part de l’investissement privé de 11 % à 25 % du PIB, tout en ramenant le taux de pauvreté sous la barre des 35 %. Dans ce paysage, les partenaires internationaux soulignent le rôle nodal du système bancaire, jugé sous-capitalisé et encore peu inclusif : à peine 12 % des Congolais posséderaient un compte formel selon la Banque mondiale. Confinée à des opérations de court terme, la finance locale peine à irriguer l’agriculture, la logistique ou les télécommunications, secteurs pourtant désignés comme relais de croissance non pétroliers.
Un établissement sous pavillon français, discret pilier de la place de Brazzaville
Fondé en 1954, le Crédit du Congo (CDC) est contrôlé à 55 % par Société Générale, le restant du capital étant détenu par l’État et des actionnaires privés régionaux. Avec quinze agences et environ 26 % de parts de marché sur les actifs, il demeure, d’après la Commission bancaire de l’Afrique centrale, le deuxième acteur du pays. La banque a traversé la crise financière de 2015-2017, marquée par l’effondrement pétrolier, en resserrant ses critères de solvabilité et en doublant son taux de couverture des créances douteuses. « Notre mandat consiste désormais à être le maillon le plus robuste de la chaîne de financement nationale », confiait récemment son directeur général, Jean-Claude Sarrau, à la presse locale.
Des produits calibrés pour muscler l’investissement privé congolais
À l’heure où le gouvernement multiplie les forums dédiés aux partenariats public-privé, le CDC affine sa panoplie de produits. Une ligne de crédit-bail agricole, arrimée à un mécanisme de garantie partagée avec l’Agence française de développement, cible l’acquisition d’équipements post-récolte. Parallèlement, un portefeuille « transition énergétique » d’une enveloppe initiale de 20 millions d’euros accompagne les PME dans l’efficacité énergétique de la chaîne logistique fluviale. L’institution a également obtenu, en février 2024, une facilité de 15 millions de dollars de la Société financière internationale destinée à refinancer des projets dans l’économie numérique, incluant la société congolaise des data centers de Kintélé.
Une diplomatie bancaire au service des flux d’investissement étrangers
Les autorités voient dans le CDC un levier de crédibilisation de la place financière congolaise vis-à-vis des bailleurs. La banque a ainsi co-arrangé, aux côtés d’une grande institution sud-africaine, le premier emprunt obligataire transfrontalier libellé en francs CFA pour un opérateur de téléphonie de la zone CEMAC, ouvrant à Brazzaville une fenêtre sur les marchés de Johannesburg et de Casablanca. Sur le front des investissements directs, la diplomatie économique française mise sur cette filiale pour canaliser le Fonds d’investissement pour les infrastructures durables mis en place lors du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial en 2023, que comptent solliciter les autorités congolaises pour moderniser le port de Pointe-Noire.
Conformité prudentielle et perception du risque : un délicat équilibre
Le défi demeure cependant d’aligner expansion du crédit et discipline prudentielle. La Banque des États de l’Afrique centrale a annoncé l’entrée en vigueur d’un ratio de levier de 5 % au 1er janvier 2025, seuil que seuls deux établissements congolais, dont le CDC, remplissent déjà. Le taux de créances douteuses, certes ramené de 19 % à 14 % en deux ans, reste supérieur à la moyenne régionale. Selon une note interne consultée par l’Association professionnelle des établissements de crédit, l’augmentation du capital réglementaire exigée pourrait limiter la distribution de nouveaux prêts de long terme de près de 8 %. « Il nous faut simultanément rétablir la confiance des déposants et des investisseurs tout en maintenant un profil de risque acceptable », admet le directeur de la gestion des risques du CDC, Marcel Ndinga.
La soutenabilité comme fil conducteur de la stratégie à moyen terme
Au-delà des impératifs macroéconomiques, la viabilité de la stratégie du CDC dépendra de la capacité de l’économie congolaise à générer des projets bancables hors secteur extractif. L’essor attendu du gaz à usage domestique, la relance d’une filière cacao-café modernisée et la connexion ferroviaire Brazzaville-Ouesso figurent parmi les chantiers identifiés par le ministère de la Coopération internationale. Les analystes de Fitch Ratings rappellent toutefois que la vulnérabilité aux chocs climatiques et la persistance de l’informel pourraient freiner la progression du portefeuille à moyen terme. En réponse, la banque prépare le lancement d’un produit de micro-assurance climatique adossé à une plateforme satellitaire de suivi des précipitations, initiative saluée par le Programme des Nations unies pour le développement.