Un diagnostic rapide et transparent
Le samedi 26 juillet 2025, le professeur Jean-Rosaire Ibara, ministre de la Santé et de la Population, a pris la parole pour confirmer la présence du Vibrio cholerae dans le district sanitaire de l’île Mbamou, en plein cœur du département de Brazzaville. L’annonce faisait suite à une mission conjointe de terrain associant épidémiologistes nationaux et experts de l’Organisation mondiale de la santé. Sur trois prélèvements analysés au Laboratoire national de santé publique, deux se sont révélés positifs, établissant formellement le diagnostic.
La vigilance institutionnelle a permis de comptabiliser 103 cas suspects, parmi lesquels 12 cas probables, tous malheureusement décédés. Ce bilan encore contenu contraste avec la rapidité de réaction des autorités, soucieuses de respecter le Règlement sanitaire international. « Nous avons choisi la transparence pour mieux protéger les riverains du fleuve », a précisé le ministre, rappelant qu’une information claire demeure le premier rempart contre la rumeur et la panique.
Facteurs socio-environnementaux en toile de fond
Située à la confluence du Congo et du Djoué, l’île Mbamou conjugue densité démographique, activités halieutiques et systèmes d’assainissement encore fragiles. La saison des pluies, particulièrement abondante cette année, a favorisé la remontée des nappes phréatiques et l’intrusion d’eaux usées dans les points de captage domestiques. À cela s’ajoutent des mobilités transfrontalières intenses avec Kinshasa, lesquelles amplifient mécaniquement la circulation de pathogènes hydriques. Les épidémiologistes rappellent qu’un simple déficit de chloration peut suffire à transformer un marché fluvial en incubateur microbiologique.
Réponse institutionnelle et logistique
Dès la confirmation des premiers cas, un centre de traitement de choléra d’une capacité de cinquante lits a été déployé à proximité de la zone d’implantation des pêcheurs. Les équipes mixtes du ministère, de la Croix-Rouge et de Médecins d’Afrique assurent l’administration systématique de sels de réhydratation orale et d’antibiotiques de première ligne. En parallèle, plus de 4 000 habitants ont reçu des pastilles de potabilisation, tandis que des camions-citernes distribuent quotidiennement de l’eau chlorée.
Le gouvernement a également mobilisé un fonds d’urgence de cinquante millions de francs CFA pour renforcer les stocks de ringer lactate, financer la sensibilisation radiophonique en langues locales et indemniser les relais communautaires. « La santé publique n’est pas un coût, c’est un investissement social », a souligné le ministre Ibara, insistant sur la nécessaire articulation entre réponse curative et mesures d’assainissement structurel.
La dynamique coopérative régionale
La déclaration congolaise intervient alors que l’Angola et la République démocratique du Congo signalent eux aussi une recrudescence de cas. Sous l’égide du Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, un mécanisme de partage d’informations épidémiologiques en temps réel a été activé entre Luanda, Kinshasa et Brazzaville. Des équipes fluviales mixtes patrouillent désormais les rives afin de contrôler la qualité de l’eau et de sensibiliser les voyageurs.
Outre les échanges de données, les trois pays ont conjointement sollicité le fonds d’urgence du Groupe de coordination internationale afin d’obtenir 700 000 doses de vaccin oral contre le choléra. Cette mutualisation des ressources vaccinales illustre la montée en puissance d’une diplomatie sanitaire pragmatique, devenue indispensable dans un espace fluvial où les frontières administratives demeurent largement symboliques.
Vers une résilience sanitaire pérenne
Au-delà de l’urgence, la crise actuelle met en lumière la pertinence des objectifs fixés par le Plan national de développement sanitaire 2022-2026, qui prévoit l’extension du réseau d’adduction d’eau potable à 85 % de la population urbaine. Le ministère de l’Hydraulique a annoncé l’accélération des travaux de la station de traitement de Djiri II, dont la mise en service devrait sécuriser durablement l’approvisionnement de la rive droite.
Par ailleurs, la Faculté des sciences de la santé de l’Université Marien-Ngouabi pilote un projet de surveillance génomique du Vibrio cholerae, afin d’anticiper les mutations de souches circulantes et d’orienter la politique vaccinale. Couplée à la digitalisation des alertes communautaires via la plateforme m-Santé, cette approche témoigne d’une volonté d’inscrire l’action publique dans une perspective de résilience à long terme, capable de réduire la vulnérabilité aux chocs épidémiques successifs.