Une première édition sous le sceau de la transmission
Sous les fresques néoclassiques de la Maison Russe, un discret parfum de pages anciennes flottait le 26 juillet 2025. Autour de l’écrivain et critique David Gomez Dimixson, l’élite intellectuelle congolaise a convié diplomates, étudiants et férus de belles-lettres à réfléchir à la dialectique mémoire-avenir. Placée sous le thème « De la mémoire au futur : la littérature construit les ponts », cette première édition montre la volonté d’ériger un rendez-vous annuel, pérenne et ouvert sur le monde. La présence des professeurs Yvon-Pierre Ndongo Ibara, directeur de l’ENAM, et Mukala Kadima Nzuji, figure tutélaire des études africaines, a conféré à la rencontre un relief académique et institutionnel qui témoigne de l’attention que les autorités portent à la sphère culturelle.
Mémoire plurielle, horizon convergent
« La littérature a une triple fonction », a rappelé le magistrat et romancier Prince Arnie Matoko avant de préciser que l’écrivain, tel un archiviste sensible, puise dans le passé pour éclairer le présent et esquisser l’avenir. Au-delà de la formule, la démarche s’inscrit dans une nécessité sociologique : consolider le tissu social par la réactivation d’une mémoire partagée. Les travaux ont mis en évidence deux strates — la mémoire collective et la mémoire individuelle — que l’acte d’écrire fait dialoguer. Dans un environnement où la pluralité linguistique et culturelle demeure une richesse cardinale, ces passerelles narratives apparaissent comme un outil de cohésion et de résilience.
Voix congolaises, échos universels
Le Dr Winner Franck Palmers a souligné l’apport matriciel des pionniers Jean Malonga et Sony Labou Tansi. Leur héritage irrigue les plumes contemporaines, de Redire les mots anciens à La chorale des mouches, deux titres fétiches de David Gomez Dimixson remis en perspective. Entre lectures scéniques, déclamations du comédien Fortuné Batéza et notes urbaines des rappeurs Jessy B., KB le Roi et Darius M. Rap, la manifestation a fait dialoguer prose, poésie et musique. Cette transversalité s’avère décisive pour toucher la jeunesse et rappeler, selon l’éditeur Mukala Kadima Nzuji, « qu’aucune frontière générique ne saurait entraver la circulation des imaginaires ».
La diplomatie culturelle comme levier de cohésion
Le choix de la Maison Russe n’est pas fortuit. L’institution, carrefour d’échanges depuis plusieurs décennies, témoigne de l’ouverture du Congo-Brazzaville à la coopération culturelle. En adossant le Grand atelier à un lieu empreint de dialogue international, les organisateurs inscrivent l’événement dans la dynamique d’un soft power maîtrisé. La littérature devient ainsi un espace de négociation symbolique, favorisant la compréhension mutuelle et la projection d’une image stable et créative du pays. Les diplomates présents ont salué l’initiative, y voyant un complément aux stratégies gouvernementales de rayonnement intellectuel.
Vers une cartographie nouvelle de la lecture
Au terme des échanges, plusieurs pistes opérationnelles ont émergé : résidences d’écriture en régions, numérisation des fonds patrimoniaux, partenariats entre établissements scolaires et maisons d’édition. Autant de dispositifs susceptibles de renforcer la chaîne du livre, de stimuler l’économie créative et de démocratiser l’accès à la lecture. Pour David Gomez Dimixson, l’enjeu est de « faire du Grand atelier un incubateur d’idées, où critiques et auteurs s’emparent des héritages pour en tirer des récits porteurs d’avenir ». L’édition 2025 clôt ainsi ses travaux sur une note prospective, laissant entrevoir une communauté littéraire soudée, prête à conjuguer mémoire et innovation au bénéfice de la collectivité nationale.