Hommage national au cimetière de la Tsiémé
Au cœur du septième arrondissement de Brazzaville, le cimetière de la Tsiémé s’étend comme une mosaïque de stèles bousculée par la poussée urbaine. En visite officielle, le ministre de l’Enseignement technique et professionnel, Ghislain Thierry Maguessa Ebomé, y a ravivé la flamme du souvenir national.
Mandaté par le gouvernement, le membre de l’exécutif a déposé une gerbe de fleurs, rappelant que la République n’oublie pas ses défunts. Ce geste symbolique intervient dans un contexte de préoccupations croissantes autour de la préservation des sépultures et de la dignité des lieux.
« Nous pensons à ceux qui sont partis avant nous », a-t-il déclaré, les yeux tournés vers les alignements de tombes. Selon lui, l’hommage gouvernemental traduit une « reconnaissance éternelle » envers les disparus, dont la mémoire nourrit le ciment moral de la nation.
Un espace funéraire menacé par l’urbanisation
Mais la solennité de la cérémonie a été tempérée par un constat alarmant : l’expansion anarchique de constructions jouxtant le cimetière fragilise les clôtures, favorise les intrusions nocturnes et, plus grave encore, expose le site à des actes de profanation désormais récurrents.
Le ministre n’a pas mâché ses mots. « Ici sont inhumés nos parents et nous ne pouvons pas de tout temps profaner leurs tombes », a-t-il martelé, appelant au respect des défunts et à la responsabilité des riverains installés au mépris des règles urbaines.
Cette frange d’habitat informel s’est développée depuis une dizaine d’années, à la faveur de la densification de Talangaï. Plusieurs familles ont érigé des murs, parfois en empiétant sur des parcelles funéraires, créant une promiscuité susceptible de fragiliser l’équilibre sanitaire et symbolique des lieux.
D’après les services municipaux, les premières alertes avaient été lancées dès 2015. Des opérations ponctuelles de déguerpissement n’ont pas suffi. L’absence de clôture continue et la rareté des patrouilles de sécurité expliquent, en partie, la résilience d’un phénomène qui sape l’autorité des pouvoirs publics.
Plan d’action gouvernemental pour la sécurisation
Face à ces dérives, le gouvernement veut « arrêter le désordre ». Selon Ghislain Thierry Maguessa Ebomé, un plan d’action interministériel est en cours de finalisation. Il prévoit un recensement des concessions, la pose d’un mur périmétrique et l’affectation d’agents en charge de la surveillance permanente.
Une ligne budgétaire serait déjà identifiée dans la loi de finances rectificative, assure un conseiller du ministère. Le financement inclurait la réfection des allées, l’installation de points d’éclairage solaire et la mise en place d’un bureau d’accueil pour les familles endeuillées.
La mairie de Brazzaville, pour sa part, s’engage à renforcer les opérations de sensibilisation. Un projet d’aménagement d’un espace tampon, planté d’arbres et de haies, doit créer une zone de respect entre les dernières concessions privées et la première rangée de tombes.
Voix des riverains et enjeux sociaux
Certains habitants, conscients du caractère sensible du site, saluent l’initiative. « On ne dort pas tranquilles lorsque des inconnus viennent de nuit chercher des objets funéraires », confie une riveraine, persuadée que la sécurisation profitera autant aux morts qu’aux vivants du quartier.
D’autres, toutefois, soulignent le manque d’alternatives de relogement pour les familles concernées. Elles espèrent que les futures mesures conjugueront fermeté et accompagnement social, afin d’éviter de nouveaux foyers d’insalubrité dans une ville déjà confrontée à un déficit chronique de logements.
Patrimoine, mémoire et politique urbaine
Au-delà de la Tsiémé, la problématique de la gestion des cimetières interroge l’urbanisme congolais. Brazzaville compte une dizaine de nécropoles actives, souvent enclavées. L’extension périurbaine tend à les encercler, posant la question d’une planification prévoyant des espaces funéraires intégrés et protégés.
Le ministère de l’Aménagement du territoire travaille actuellement à une carte des zones à forte valeur patrimoniale, dont les cimetières. L’outil vise à guider la délivrance de permis de construire et à dissuader les installations illégales, tout en favorisant un urbanisme harmonieux et respectueux.
Pour les historiens, préserver ces espaces revient à préserver la mémoire collective. Les tombes des pionniers, des anciens combattants ou des artistes reposent dans la Tsiémé. Leur dégradation constituerait une perte irréversible pour les archives vivantes que représentent pierres tombales et épitaphes.
À l’issue de la cérémonie, le ministre a affirmé que les premières interventions matérielles débuteront dès la saison sèche. Il a également promis un comité de suivi associant associations de quartier, autorités coutumières et représentants religieux, afin de garantir la pérennité des engagements pris.
En retour, plusieurs confessions prévoient d’organiser des veillées de prière sur place, non seulement pour bénir les travaux mais aussi pour réaffirmer l’unité spirituelle d’une communauté désireuse de défendre son patrimoine funéraire contre les dérives mercantiles.
La mobilisation autour de la Tsiémé ouvre ainsi la voie à une nouvelle culture civique, où la protection des morts se conjugue avec le souci d’un cadre de vie durable. Le gouvernement y voit l’occasion de renforcer la cohésion sociale et de promouvoir un urbanisme responsable.
