Rencontre stratégique à Brazzaville
Le salon d’honneur du ministère des Affaires étrangères, à quelques pas du fleuve Congo, a servi de cadre à une rencontre jugée stratégique entre Jean Claude Gakosso et Mariavittoria Ballotta, nouvelle représentante de l’Unicef. L’échange ouvre une séquence diplomatique axée sur l’enfance.
Arrivée début août, la diplomate italienne possède une longue expérience régionale. Elle a notamment piloté le portefeuille programme de l’Unicef pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, avant de consolider les gains d’équité à Sao Tomé-et-Principe, un contexte insulaire présentant des contraintes similaires d’accessibilité.
Une carrière au service des enfants
Face à elle, Jean Claude Gakosso a rappelé les engagements pris par Brazzaville lors du Sommet sur la Transformation de l’Éducation de 2022 et ceux inscrits dans le Plan national de développement 2022-2026. Le ministre a souligné l’alignement naturel entre agenda gouvernemental et mandat onusien.
Selon des chiffres du ministère de la Santé, près de quatre enfants sur dix subissent encore une malnutrition chronique. L’Unicef appuie déjà la stratégie nationale, notamment par des programmes de dépistage communautaire et par la distribution de suppléments nutritionnels financés en partie par l’Alliance Gavi.
Priorités partagées pour l’éducation
La visite a pris la forme d’un travail articulé autour de trois priorités: l’éducation inclusive, la protection sociale et la résilience climatique. Chaque priorité s’inscrit dans les réformes pilotées par le gouvernement congolais sous la houlette du Premier ministre Anatole Collinet Makosso.
Sur l’éducation de base, la nouvelle émissaire onusienne a insisté sur l’urgence de réduire le taux d’abandon scolaire dans les régions du Nord, où la dispersion des établissements complique l’offre publique. Le ministère prépare déjà un programme de transport fluvial sécurisé pour les enfants riverains.
Mariavittoria Ballotta a, pour sa part, salué « la mobilisation exceptionnelle des autorités congolaises durant la pandémie, qui a permis d’atteindre 67 % de couverture vaccinale infantile malgré la fermeture des frontières ». La diplomate estime que ce capital de confiance peut servir de socle à de nouveaux partenariats.
Gouvernance des données et financement
La rencontre intervient dans un contexte budgétaire délicat. Selon la loi de finances 2023, plus de 18 % des dépenses sociales sont désormais fléchées vers la petite enfance, un ratio supérieur à la moyenne régionale. L’Unicef entend accompagner cette orientation en proposant des indicateurs de suivi partagés.
Les deux parties ont également évoqué la place des données numériques. Le Congo dispose d’un registre social unique en phase pilote, financé par la Banque mondiale. L’Unicef pourrait intégrer ses plateformes de collecte afin de cartographier en temps réel la vulnérabilité des ménages et optimiser l’allocution des transferts.
Adaptation climatique des écoles
Sur la résilience climatique, Mme Ballotta a rappelé que plus de 60 % des écoles primaires congolaises sont situées dans des zones sujettes aux inondations saisonnières. Le ministère des Affaires sociales prépare un document de politique hydrométéorologique auquel l’Unicef souhaite joindre un volet de protection des infrastructures scolaires.
« Nous voulons soutenir des solutions endogènes, comme les toitures résistantes et les citernes communautaires », a détaillé la représentante, citant des réussites observées au Ghana voisin. Cette approche par l’adaptation intéresse Brazzaville, qui vise 30 % d’écoles résilientes d’ici 2030 selon le ministère de l’Environnement.
Réformes juridiques et participation citoyenne
Le volet protection a occupé une partie substantielle des discussions. Le Congo, engagé dans la campagne mondiale « Mettre fin à la violence », prépare une loi révisée sur les droits de l’enfant. L’Unicef a proposé un appui technique afin de consolider l’harmonisation avec la Convention de 1989.
Pour l’analyste politique Michel Mankassa, la venue d’une technicienne « rompue aux montages de financements innovants » signale la volonté de Brazzaville d’attirer des partenaires capables de créer un effet levier. Il rappelle que chaque dollar investi par l’Unicef mobilise en moyenne trois dollars supplémentaires de cofinancement.
Sur le plan protocolaire, la rencontre s’est achevée par la signature d’un mémorandum interne fixant un calendrier de visites conjointes dans les départements de la Likouala et du Niari. Ces déplacements permettront d’évaluer les besoins logistiques avant la finalisation du Programme de coopération 2024-2028.
À l’issue de l’audience, le ministre a insisté sur la dimension francophone du partenariat. « La langue française est un outil d’inclusion et de mobilité pour nos jeunes », a-t-il affirmé, invitant l’Unicef à soutenir la production de ressources pédagogiques numériques adaptées aux réalités linguistiques locales.
Les organisations de la société civile présentes saluent un signal encourageant. Pour Christine Okemba, directrice du Réseau Enfance Libre, la convergence entre outils statistiques et réformes nationales « peut démocratiser l’accès à l’information budgétaire » et renforcer le contrôle citoyen, essentiel au succès des programmes d’investissement social.
Agenda multilatéral et vision commune
La prochaine étape se jouera en septembre à New-York, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, où le Congo présentera son rapport volontaire sur les Objectifs de développement durable. La diplomate et le ministre y défendront une vision commune : placer l’enfant au centre de l’action publique.