Un congrès fondateur sous le sceau de l’interdisciplinarité
Sous le haut patronage du ministère de l’Enseignement supérieur, la Société congolaise de psychologie a tenu du 22 au 24 juillet 2025 son premier congrès international à l’Université Marien-Ngouabi. Le thème, « Psychologie, santé, éducation et changements sociaux », reflète la volonté d’inscrire la discipline dans les priorités nationales, depuis la promotion du bien-être jusqu’au renforcement du système éducatif. La présence conjointe de la professeure Delphine Edith Emmanuel Adouki, du ministre Léon-Juste Ibombo et du doyen Théophile Obenga a symbolisé l’intérêt institutionnel pour un champ longtemps confiné aux amphithéâtres.
L’évocation d’un pionnier, fil rouge des travaux
Premier Congolais titulaire d’un doctorat en psychologie dans les années 1970, le Dr André Bouya a incarné, selon ses anciens étudiants, « l’alliance entre rigueur scientifique et sens de la transmission ». Chef du Département de psychologie dès 1975 puis vice-recteur de l’Université Marien-Ngouabi, il a plaidé toute sa carrière pour l’enracinement des sciences humaines dans le débat public. Témoignages familiaux et évocations d’archives ont rappelé la place qu’il accordait à la santé mentale comme préalable à toute politique de développement humain. C’est donc à la fois une célébration mémorielle et un appel à poursuivre l’œuvre engagée qui ont rythmé les séances plénières.
Seize ateliers pour ausculter les réalités sociales
Construit autour de six axes, le programme scientifique a mobilisé plus de cent communications. Des chercheurs venus de République démocratique du Congo, du Cameroun, du Gabon, de Côte d’Ivoire et de France ont confronté méthodes et terrains. Les discussions ont porté sur la prévention des troubles anxiodépressifs dans les établissements scolaires, l’accompagnement psychologique des enfants confrontés aux violences urbaines, la résilience communautaire dans les périphéries de Brazzaville ou encore l’éthique numérique dans la formation des praticiens. La leçon inaugurale du professeur Dieudonné Tsokini a insisté sur la nécessité de conjuguer paradigme interculturel et épistémologie critique pour déconstruire les catégories importées.
Des pistes institutionnelles au service de la cité
Au terme des débats, l’assemblée a adopté plusieurs résolutions structurantes. Figure d’abord la création d’un répertoire national des psychologues, instrument promis à renforcer la traçabilité des compétences et la protection des usagers. Les congressistes ont également proposé d’institutionnaliser la Socopsy comme organe consultatif auprès des pouvoirs publics, à l’instar des ordres professionnels. Enfin, l’organisation de rencontres biennales doit pérenniser l’effervescence scientifique et assurer un suivi des recommandations, notamment dans le domaine de la santé mentale des jeunes et de la prise en charge post-traumatique.
Résonances régionales et dialogue des savoirs
L’assise multinationale du congrès traduit la place croissante du Congo-Brazzaville comme carrefour intellectuel en Afrique centrale. Pour le professeur Jean-Didier Mbélé, président du comité d’organisation, « le moment est venu de fédérer les écoles francophones autour d’une plateforme de recherche collaborative qui prenne en compte nos spécificités culturelles ». À l’heure où les organisations internationales soulignent l’urgence de solutions endogènes face aux crises psychosociales, la démarche trouve un écho particulier auprès des missions diplomatiques présentes, en quête de partenariats académiques.
Un héritage scientifique appelé à s’enraciner
En célébrant la mémoire du Dr Bouya, la Socopsy a posé les jalons d’une politique de la connaissance alignée sur la Feuille de route gouvernementale relative au capital humain. Le soutien affiché des autorités laisse présager une meilleure intégration de la psychologie dans les programmes de santé publique, de lutte contre la marginalisation et de promotion d’une citoyenneté apaisée. Au-delà de l’hommage, le congrès aura entériné l’idée que la recherche ne vaut que par sa capacité à irriguer la société, du quartier périphérique à la chancellerie, et à consolider une cohésion dont dépend la trajectoire de développement nationale.